Prêcher sur les Psaumes
Interview de Laurent Clémenceau, pasteur de l’Église CAEF de Villefontaine et David Sutherland, pasteur, membre de l’église Sonnerat, Lyon 8ème
Propos recueillis par Marie Christine Fave
SERVIR : Dans quelles circonstances as-tu eu l’occasion récemment de prêcher sur les Psaumes ?
L.C. Il y a environ cinq ans, j’ai pris comme projet d’Église en étude biblique de cheminer avec les Psaumes. Cela a duré deux ans. Suite à certaines de ces études bibliques, j’ai prêché sur des psaumes.
D.S. J’ai prêché sur plusieurs psaumes lors du camp Jeunes et Familles au Centre des Jeunes il y a trois ans. Je suis en train de préparer une série sur les « Cantiques des Montées » pour un camp Senior prévu en automne.
SERVIR : Que cherchais-tu à communiquer dans ces prédications ?
L.C. Face à tout texte biblique, il y a quelque chose en moi qui cherche à entendre et faire entendre ce que dit le texte, et comment il le dit. En fonction des psaumes, j’ai par conséquent essayé de faire ressortir ce qui me paraissait être présent là : joie, peine, instabilité, espérance du Messie, prise de conscience de la fidélité de Dieu, de son cheminement avec son peuple au cours de l’histoire, conscience du péché, célébration, poésie …
D.S. Je cherche à « rentrer dans la peau » du psalmiste afin de bien l’écouter avant de transmettre son message aux autres.
SERVIR : Prêcher sur les Psaumes : penses-tu qu’il y a des difficultés spécifiques ?
L.C. Je mesure devant tout passage biblique que je suis confronté à une part d’altérité : si certaines préoccupations sont communes, c’est aussi quelqu’un d’autre que moi qui écrit, dans un contexte autre que le mien, avec une autre sensibilité. Et je tiens à être conscient de cette altérité et de lui faire droit.
Au niveau des Psaumes, je relèverais trois difficultés :
• Les mouvements internes aux psaumes
Dans un psaume, on passe parfois de la joie à la peine ou inversement. Par exemple, cela va mal, et mal encore, puis on comprend que Dieu a répondu. Et dans la plupart des cas, le lecteur ne sait ni comment ni pourquoi. On constate des mouvements au sein des psaumes, mais on manque de données pour saisir tout ce qui se passe.
• Les temps en hébreu
Pour les études bibliques, j’ai travaillé sur le texte hébreu. Ce n’est pas toujours facile d’arbitrer entre les sens possibles : le verbe doit-il être transcrit au passé ou pas ? Comparer par exemple la traduction des temps du Psaume 3.5-9 dans la NBS, BFC, Darby, TOB, Semeur. Dans un cas, la situation est réglée (Dieu a répondu) ; dans l’autre, elle ne l’est pas encore. On ne peut pas commenter le texte de la même façon dans un cas et dans l’autre. Pour proposer une prédication qui prolonge le texte, il faut faire des choix d’interprétation parfois délicats.
• L’auditoire
Je ne trouve pas toujours facile de faire résonner le psaume pour ceux qui m’écoutent, de rapprocher le texte de l’auditeur, tout particulièrement s’il y a des attentes très pragmatiques. J’ai l’impression que la Bible ne fournit pas toujours des choses qui se prêtent à une application directe, du style : voilà comment votre vie concrète va être changée à partir de ce texte. Et j’ai le souci de n’aller ni moins loin ni plus loin que le texte que je cherche à commenter.
SERVIR : Peux-tu nous dire un mot au niveau de ta lecture personnelle des Psaumes ?
L.C. Au-delà de l’analyse du texte, de la réflexion sur le psaume, sur son contenu, son interprétation, j’ai appris (un peu au moins !) à prier les Psaumes et j’ai envie d’inviter les croyants à le faire. Prenons l’exemple d’un matin où je suis dans la joie et où, dans la suite de mes lectures du livre, je me mets à lire le Psaume 88. Cela me rend sensible à ce que d’autres peuvent vivre et me conduit à m’associer à des personnes qui souffrent, à ne pas aborder la journée et la prière uniquement sous l’angle de mon ressenti personnel. Dans la même veine, il me paraît important de chercher à faire de la place, dans notre expression communautaire, à tout ce qui peut habiter les personnes présentes, autant la joie, la délivrance, que la souffrance et l’instabilité, tout simplement en accueillant cela. Je vois Jésus reprendre le Psaume 22 : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » et je suis frappé de cette combinaison entre désarroi (« pourquoi ? », « abandonné ») et confiance (« mon Dieu »). Dans le culte communautaire et dans notre relation aux autres, puis-je exprimer et accueillir avec la même authenticité et la même tranquillité une telle façon de parler à Dieu ? Prendre les Psaumes et les prier reste pour moi personnellement une expérience déroutante et stimulante.
D.S. Je lis les Psaumes deux fois tous les 5 ans. Une fois assez rapidement et l’autre fois très lentement. J’ai pris l’habitude il y a quelques années de souligner des thèmes dans les Psaumes : le péché, le mal et le sort des pécheurs ; la prière ; l’écoute de Dieu ; le psalmiste pendant la nuit ; les souffrances, difficultés et oppositions ; ce que Dieu fait pour ceux qui se confient en Lui ; le découragement ; le fruit du Saint-Esprit ; les attributs de Dieu ; la face de Dieu. Une autre façon de lire les Psaumes est de les résumer par des phrases, ou des mots. Ce qui me plaît encore est d’en apprendre par coeur… Je me suis créé un programme personnel à suivre et quand j’ai du mal à dormir, je les cite par coeur « esseulé sur ma couche … pendant les veilles de la nuit ».
SERVIR : Comment choisis-tu le psaume sur lequel tu prêches ?
D.S. Je suis les mêmes principes que pour toute autre prédication : réfléchir et prier, puis réfléchir et prier, et ensuite décider. Il m’est arrivé plusieurs fois de prêcher sur un psaume (ou deux) à la fin d’une série de messages sur un autre livre et avant d’entamer une nouvelle série. Un genre de « bouche-trou » si on veut … je fais en sorte de ne pas toujours choisir le même type de psaume… hymnes, lamentations de l’assemblée, complaintes individuelles, psaumes royaux, cantiques de louanges.
SERVIR : Quels conseils donnerais-tu au niveau de l’interprétation ou de l’application d’un psaume dans un message ?
D.S. Il s’agit de suivre les mêmes principes d’interprétation et d’application que pour tout autre texte biblique… Observation + Interprétation + Application, tout en vérifiant les variantes des mots en consultant de bons commentaires et différentes versions de la Bible.
SERVIR : Comment enseignes-tu sur un psaume en tenant compte de la Nouvelle Alliance ?
D.S. Il faut d’abord éviter de « mettre le Seigneur Jésus partout », mais certaines allusions à la Nouvelle Alliance peuvent sauter aux yeux tandis que d’autres sont moins évidentes. Le fait de lire, réfléchir et prier sans cesse nous rend sensible à ce que l’Esprit est en train de nous dire …