Divorcé et remarié
QUESTIONS À DANIEL CHAMBON1
Peux-tu me donner la chronologie de ton mariage, ton divorce et ton remariage ?
Je me suis marié une première fois en décembre 1984. Après environ neuf années de vie commune, avec des hauts parfois très hauts et des bas souvent très bas, ma femme m’a dit que tout était fini. C’était en mars 1994. La procédure de divorce ayant été retardée par ma résistance (il n’y avait pas matière à se séparer), le divorce n’a été prononcé qu’en janvier 1997. Je me suis remarié en octobre 1999.
Comment les chrétiens de ton entourage ont-ils réagi à ton divorce ?
Quitte à surprendre, ils m’ont chaleureusement entouré, aussi bien dans l’Église locale que dans la mission pour laquelle je travaillais. Nul n’ignorait l’enfance difficile de ma femme et son côté volcanique. Cependant, personne n’a essayé de jouer un partenaire contre l’autre et, jusqu’à aujourd’hui, nous avons gardé, ou retrouvé, des amis communs.
Peux-tu me dire pourquoi ton premier mariage n’a pas duré ?
Il a tenu neuf ans, ce qui était un record par rapport aux couples antérieurs de ma femme, qui avait vécu dans les milieux hippies. Sa conversion n’avait malheureusement pas été synonyme de guérison. (À cette époque, les milieux évangéliques confondaient presque toujours les deux.) Moi, au contraire, je venais d’une famille surprotégée ; mais j’avais mes rigidités, et pas assez de force de caractère pour endurer frustration et agressivité récurrente. Cela dit, le mariage n’est pas le lieu du sacrifice total de l’un des deux partenaires : ça ne peut pas tenir ainsi, malgré l’enseignement de Paul dans Éphésiens 5.25.
Et les enfants dans tout ça ? Comment ont-ils réagi ?
Ma femme avait une fille qui avait 7 ans au moment de notre mariage ; elle a évidemment fait corps avec sa mère, mais sans agressivité contre moi. Nous avons aujourd’hui d’excellentes relations. Notre fils, qui avait 8 ans quand nous nous sommes séparés, a été très triste, mais a convenu assez rapidement que deux appartements permettaient une vie plus paisible. En gros, l’essentiel de la casse a été évité. Je voyais notre fils la moitié du temps, ce dont je suis reconnaissant à sa mère. Les fruits en sont visibles aujourd’hui.
Avec le recul, qu’as-tu appris de cette expérience ?
Je ne renie pas ce mariage d’amour, fait dans des conditions tout à fait dignes. Mais je me suis juré de ne plus y mêler le côté « sauveteur » : il faut savoir à quoi on s’engage ! Et savoir renoncer à une union quand des signes d’alerte existent. Il y en avait, mais on a tort de se dire que le mariage apaisera tout. C’est le contraire : il faut le savoir et régler les problèmes de fond avant l’union.
En quoi ton mariage actuel est-il différent de ton premier mariage, hormis que la personne n’est pas la même, bien sûr ?
Justement ! Je m’étais promis que ce ne serait plus la même du tout ! Or, souvent, les gens se remarient avec la copie conforme du précédent (ou de la précédente). J’ai bénéficié d’un accompagnement spirituel (il m’est tombé du ciel…) qui m’a aidé à comprendre pourquoi j’avais fait le choix de telle épouse, ce qui m’a aidé ensuite à me marier avec une femme prodigieusement charmante… que j’avais connue bien avant, sans la remarquer comme elle l’aurait mérité ! De son côté, elle avait vécu un trop long célibat, mais nous savons que nous n’aurions pas été prêts, avant la quarantaine, à vivre aussi bien ensemble, comme c’est le cas, notamment avec la joie de concevoir deux enfants juste avant qu’il ne soit trop tard.
Aurais-tu quelque chose à dire à des chrétiens divorcés qui envisagent de se remarier ? Aux responsables d’Églises qui les accompagnent ?
Je suis passé par un intermède de cinq ans de solitude réelle qui m’a semblé interminable et désespérant, mais nécessaire et formateur. Jusqu’au jour où, fatigué de revendiquer auprès de Dieu, j’ai compris que mon attitude n’était pas la bonne. Ce verset m’a éclairé, et les italiques sont importants : « Qui trouve une épouse trouve le bonheur : c’est une faveur que l’Éternel lui a accordée ».2 J’ignorais que cette victoire sur moi-même allait libérer la faveur en question, et le Seigneur n’a pas fait les choses à moitié. Quinze ans plus tard, nous en sommes quotidiennement reconnaissants.
Le divorce est un échec, et une véritable « saloperie ». Heureusement, comme les Écritures en témoignent, le Seigneur, du milieu de notre péché, c’est-à-dire de nos cibles manquées, est le roi des plans B. Si on le laisse agir, on a de quoi être stupéfait.
Je ne recommanderais jamais à un couple en conflit d’envisager directement le divorce. Et s’il y a des enfants, c’est toujours plus grave. Mais si divorce il y a, et même si on se prend pour la victime absolue, il faut au minimum faire un retour sur soi pour ne pas rééditer une expérience analogue ou aller au-devant d’un autre échec. Rien ne m’a plus mûri humainement et spirituellement que ce divorce. Dans la vallée de l’ombre de la mort, le Christ a toujours été là. Et dans la lumière, alors là, c’est indescriptible !
Propos recueillis par Jonathan HANLEY
NOTES
1. Pseudonyme pour préserver l’anonymat
2. Proverbes 18.22