bande Noel

 

Par ANNICK WAECHTER

 

La lame glisse doucement le long du ruban rouge ; une fois, puis deux. Les boucles écarlates forment de jolies courbes sur le papier illustré. Le paquet est beau, bien emballé, et Julie le dispose harmonieusement sous le sapin auprès des autres cadeaux déjà prêts. Elle fait un pas en arrière, penche légèrement la tête et, satisfaite du résultat, ébauche un petit sourire. Quand ils viendront, tout sera parfait. Adrien sera là avec Anna et leur petit Louis, quant à Hélèna, elle viendra avec Romain ; il est gentil, bien élevé, et, maintenant qu’on le connaît mieux, il est plus détendu.

 

Julie a préparé les chambres, les lits sont faits ; les menus choisis reflètent les préférences des uns et des autres et, surtout, la dinde aux marrons sera servie comme chaque année depuis toujours, chez ses propres mère et grand-mère. De bons souvenirs reviennent, à cette simple évocation, et Julie est heureuse de perpétuer la tradition des fêtes familiales. Vivement demain.

 

Hier, c’était dimanche, le dernier dimanche avant Noël. Joël a allumé la dernière bougie de la couronne de l’avent, celle qui nous rappelle que Noël arrive, que nous l’attendons. Ensuite il a donné un beau message, il faut le reconnaître. Ça fait du bien de se rappeler que Noël, c’est le moment où Jésus s’est donné pour les hommes, est venu sur terre pour s’approcher de nous, pour vivre ce que nous vivons. Quelle joie de se savoir compris par notre Dieu ! Comment imaginer que le Dieu créateur a accepté de s’humilier au point de naître comme tous les bébés, d’une femme, et dans une étable de surcroît ? Pas de couronnes pour lui, ni de draps blancs.

 

Le plus touchant reste le message de Jésus : l’amour du prochain, l’exhortation à devenir serviteur de l’autre, à l’aimer comme soi-même. Il a tout donné pour nous sauver, et, sans avoir de mission salvatrice comme le Christ, nous pouvons nous ouvrir aux autres et leur montrer ce même amour divin. Finalement, Noël, c’est une fête extraordinaire parce qu’elle ne passe pas inaperçue : la plupart des gens ont congé, beaucoup s’offrent des cadeaux, certains croient et pensent à Jésus, et tous peuvent entendre l’histoire de Jésus et accepter son amour. C’était vraiment une belle prédication qui faisait du bien.

 

Julie prend son manteau et se dirige vers la boucherie du quartier. Il fait froid, et elle remonte son col, serre son écharpe et met ses gants. C’est dommage, il ne neige pas, cela ferait tellement plus « Noël » si les flocons se mettaient à tomber ; c’est Louis qui serait fou de joie. Il y a du monde dehors et, au détour d’un trottoir, Julie croise Françoise. Ça n’a pas l’air d’aller fort pour elle, même si elle a souri et répondu : « Oui, ça va bien, merci. » C’est vrai qu’elle vit seule, Françoise ; elle est célibataire et, depuis qu’elle s’est convertie, elle fréquente l’Église évangélique. Elle doit avoir de la famille, mais, à ce qu’elle a dit, ils ne se réunissent pas pour les fêtes. Dommage. Pour Jean que Julie a vu passer devant la vitrine du boucher, c’est encore pire : il déteste les fêtes, et préfère travailler pour ne pas y penser. Il est divorcé et n’aura pas ses enfants pendant ces vacances, il les a si rarement de toute façon. À se demander comment il supporte ça, pourtant il ne le montre pas, mais quelle tristesse !

 

Il en faut plus pour faire descendre Julie de son petit nuage ; elle est toute à son bonheur du sapin qui sera éclairé demain soir, des yeux brillants de Louis quand il ouvrira ses cadeaux, de ses enfants autour d’elle, de son Antoine de mari avec qui elle s’entend si bien. Son coeur bat plus fort tout d’un coup.

 

C’est vraiment triste pour Françoise, alors Julie l’invitera en janvier, quand les fêtes seront finies parce que pour l’instant, elle n’a pas le temps. Elle pourrait même inviter Jean en même temps, pourquoi pas ? Il faudra en parler à Antoine à l’occasion.

 

Le silence de la nuit a changé, les quelques bruits de la rue sont assourdis. Les flocons tant attendus par Julie tombent du ciel et recouvrent lentement les toits des maisons, les branches des arbres, les illuminations des rues. Au matin, Julie ouvre la porte pour accueillir ses enfants, ouvre ses bras pour embrasser Louis, ouvre son coeur à tant de bonheur. Tout est parfait.

 

Françoise pousse la porte et rencontre le regard d’Hortense, 85 ans, dans le hall de la maison de retraite. C’est ici qu’elle a choisi de passer Noël cette année, comme l’an dernier. Le message de dimanche a été comme un clin d’oeil pour elle, un clin d’oeil de Jésus : « Va donner mon amour aux autres, va ! » Elle avait rendez-vous avec Hortense, Sophie, Claude et d’autres résidents, tous ceux qui voudront chanter des cantiques de Noël et écouter le récit biblique avant de partager un repas de fête dans la joie d’être ensemble et de pouvoir annoncer le message du salut.

 

Jean ne travaillera pas cette année, Julie s’est trompée. Parce que Joël et Anne l’ont invité à fêter Noël chez eux, avec leurs enfants et petitse nfants. D’habitude, Jean a le coeur serré le 24 et le 25, mais cette année, il se réjouit, il a trouvé une famille avec Jésus : une famille qui lui a dit que, non, il ne serait pas de trop au milieu d’eux, que, oui, ils aimeraient vraiment qu’il vienne. Ils lui ont ouvert la porte, les bras, le coeur.

 

A.W.

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