Archéologie

 

Les onze premiers chapitres de la Genèse

 

Babel

 

par Pierre WHEELER

 

 

Suite à notre premier article sur l’archéologie paru dans « SERVIR » de Janvier 88, nous considérons maintenant les 11 premiers chapitres de la Genèse. Nous avons là une unité littéraire où se trouvent justement quatre des divisions naturelles du livre débutant avec l’expression : « Voici la postérité (ou les origines) de… »1 . Dans ces chapitres nous distinguons six narrations différentes : 1) celle de la création (1.1-2.3); 2) celle d’Adam et d’Eve et de la chute (2.4-3.24) ; 3) l’histoire de Caïn et d’Abel (4) ; 4) l’histoire du Déluge (5-9) ; 5) les généalogies des fils de Noé (10), ainsi que 6) le récit de la Tour de Babel (11.1-9).

 

 

Souvent attaqués

 

Quand la Bible a été attaquée, ce sont ces chapitres qui ont surtout servi de cible aux détracteurs. Même Augustin, au 4e siècle, devait trouver une réponse à la sempiternelle question concernant la femme de Caïn ! Depuis lors, bien d’autres problèmes ont surgi, surtout au sujet de l’auteur ou du rédacteur du livre, ainsi que de sa véracité.

 

 

Adam, clan ou individu ?

 

Aujourd’hui, et malheureusement, presque tous les théologiens considèrent la Genèse comme un livre de légendes ou de mythes, le mot « mythe » signifiant des compositions littéraires pleines de sens spirituel mais dénuées de toute historicité. Même les Catholiques ont épousé ces hypothèses libérales ! Le Père Martelet, par exemple, théologien contemporain, a raconté il y a peu d’années dans une conférence à Arras, qu’Adam n’était autre qu’un clan, et non un individu. Ma fille Susanne a aussi été enseignée dans son lycée privé de la même façon, mais le professeur restait plutôt perplexe quand ma fille lui a montré la généalogie de Jésus en Luc, chapitre 3, où Adam figure parmi tous les autres individus, ascendants du Seigneur.

 

 

Comment répondre ?

 

Vis-à-vis de ces propos, notre raisonnement est simple :

 

  • adam-eve Primo. Même les évolutionnistes athées sont obligés de croire qu’un jour, grâce à quelque mutation bienfaisante, deux homo sapiens, homme et femme, ont fait leur apparition sur la terre, puis se sont rencontrés, ce qui a donné naissance plus tard à un bébé homo sapiens ! Quoi donc de plus naturel que Dieu parle de ce premier couple dans son livre des origines ? Et pourquoi ne pas nous en donner aussi leurs noms ?

 

  •  Seconda. Nous observons que le genre littéraire de la Genèse, surtout les chapitres 2 à 11, est celui de l’histoire. Et s’y trouve-t-il vraiment des choses totalement invraisemblables ? Nous reconnaissons que nous n’avons là que quelques « flashes » de cette longue période d’histoire de plusieurs milliers d’années, mais est-ce complètement impossible que les choses racontées ne soient arrivées ainsi, alors que le Créateur est le Tout-Puissant ? Et en fait, y a-t-il plus de miracles dans ces textes que ceux que les évolutionnistes nous prient de croire ? Nous constatons que tout évolutionniste possède une dose de foi extrêmement puissante pour croire à « ses » miracles.

 

  •  Tertio. Si les événements de ces chapitres sont vrais et historiques, nous pensons qu’il serait normal que d’autres peuples que les Hébreux en gardent un certain souvenir, même si les événements ne sont pas racontés avec autant de précisions que dans la Bible. Or justement plusieurs tablettes d’argile sorties des sables de la Mésopotamie en sont témoins.

 

 

Le souvenir chez d’autres peuples

 

Le fait qu’Adam fut formé de la terre, par exemple, trouve plus d’un écho ailleurs. L’épopée d’Atrakhasis en parle. C’est Alan Millard qui est « tombé » sur ce document un jour qu’il examinait quelques-unes des milliers de tablettes, toujours non-déchiffrées, dans les caves du British Muséum à Londres. Quelle découverte ! Un scribe babylonien a écrit voici quelque 4 000 ans que l’homme était fait de la terre et également de quelque chose de divin, et que son travail était de tenir en ordre la terre2 . Nous trouvons ces deux pensées dans Genèse, chapitre 2. Un autre souvenir de la création de l’homme se trouve sur un bas-relief égyptien : le dieu Khnum modèle l’homme sur un tour de potier.

 

D’autres tablettes font référence au « pays de Dilmun », une sorte de paradis terrestre « pur », « propre », « clair ». Là « le lion ne tue pas et le loup ne saisit point d’agneau3 » . Certes le reste de cette épopée n’a point de parallèle avec la Genèse mais ce qui vient d’être cité évoque le souvenir du jardin d’Éden chez les Sumériens. Dans une autre histoire sumérienne le pays de Dilmun est « l’endroit où se lève le soleil4 » . Ceci nous rappelle Genèse 2.8.

 

 

Le Déluge

 

Le déluge de Noé était bien connu dans l’Antiquité. Dans la 11è tablette de l’épopée de Gilgamesh Noé est appelé « Utnapishtim5 » , et dans l’histoire sumérienne du déluge «  Ziusudra6 » . Dans chaque narration il est question d’un énorme bateau. Après lecture de ces récits profanes, il nous est évident qu’il y a eu un vrai déluge dans cette partie du monde, même si son universalité n’est pas confirmée.

 

Toutefois le vocabulaire biblique est clair : il implique que toute la terre et tous les hommes étaient noyés. Il est aussi intéressant de constater que non moins qu’un total de 213 pays ou peuples par tout le monde ont, dans leurs traditions littéraires ou orales, gardé le souvenir du déluge. Les Aztèques rappellent même qu’un de leurs dieux avait fermé la porte du bateau (voir Gen. 7.16).

 

 

Les contrastes

 

Toutefois il existe de très importants contrastes entre ces récits du Déluge et de la création de l’homme et ceux de la narration biblique. Si malgré tout l’aspect religieux y est souligné, il s’agit quand même de croyances très polythéistes, dénuées de morale. En contraste, la Parole de Dieu présente les événements dignement, avec équilibre et retenue, pleins d’enseignement moral et spirituel. Ce sont ces choses-là qui nous font reconnaître ces chapitres comme Parole de Dieu, car ils se recommandent d’emblée à la conscience humaine.

 

 

La Tour de Babel

 

L’histoire de la Tour de Babel a été quelque peu défigurée dans nos esprits par les beaux tableaux de Brueghel le Vieux (au XVIè siècle) et d’autres peintres. En fait cette tour ou ziggourat n’avait rien d’un énorme gratte-ciel cylindrique dont le sommet disparaissait dans les nuages. De semblables tours, on en a trouvé des vestiges en Iraq ! André Parrot en avait dénombré plus de trente. Celle de Babel a eu une longue histoire. Cette ziggourat, faite de briques et de bitume, tout comme les autres trouvées par les archéologues dans cette région – voir Gen. 11.3 – a été abandonnée des hommes pendant un certain temps, dû au jugement divin (11.8).

 

Plus tard il est possible que la construction ait été terminée, puis délaissée pour être à nouveau réparée. En effet un petit bas-relief recouvert d’écriture cunéiforme7  nous montre l’un des derniers rois assyriens, Assurbanipal, amenant personnellement, dans une corbeille sur la tête, des matériaux pour la reconstruction d’Esagil, le temple du dieu Marduk à Babylone. Or ce temple était associé à Etemenanki8 , le nom de la ziggourat, ou Tour de Babel, à Babylone ! Tout comme les monuments d’aujourd’hui, il fallait la « retaper »de temps à autre.

 

 

Embellie par Nébucadnetsar

 

Quelques années plus tard Nabopolassar et son fils Nébucadnetsar travaillaient aux aussi à la restauration d’Etemenanki. Nabopolassar écrivit à ce sujet : « Pour Marduk mon seigneur, je courbai ma nuque, j’ôtai ma robe… et je portai sur ma tête briques et terre ». À l’instar d’Assurbanipal ! Plus tard Nébucadnetsar a revêtu le temple supérieur de la ziggourat de briques émaillées bleues. André Parrot pensait que cette Tour de Babel aurait pu faire la huitième merveille du monde tellement elle devait être resplendissante !

 

Au Louvre, la tablette de l’Esagil, inscrite en 229 av. J.-C., nous donne les côtes de cette tour. Elle faisait à sa base 90 m x 90 m. Elle comportait 7 étages dont le dernier était à 90 m de hauteur. Le croquis ci-contre nous en donne une idée assez juste. Evidemment la ziggourat de Genèse 11 avait peut-être d’autres dimensions 9.

 

 

Conclusion

 

Toutes ces découvertes placent les premiers récits de la Genèse dans un cadre pleinement historique. Mais notre but est surtout d’appliquer à notre vie le message spirituel de ces récits. Le Nouveau Testament le fait admirablement : « Et comme tous meurent en Adam, tous revivront en Christ » (1 Cor. 15.22) ; « Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même à l’avènement du Fils de l’homme » (Mat. 24.37); « Certains hommes… ont suivi la voie de Caïn » (Jude 4 et 11).

 

Cette expression se trouve en 2.4 ; 5.1 ; 6.9 ; 10.1 ; 11.10,27; 25.12,19; 36.1,9; 37.2.Reconnaissons-le, tous ces versets n’auraient pas de valeur réelle si Adam, Caïn et Noé n’avaient pas réellement vécu.

 

Comme l’a écrit Hervé Diebold, président de l’U.G.B.U.E, « II s’agit de faire connaître la Bible… comme livre historique… mais aussi et surtout comme Parole du Dieu vivant. »10. L’historicité et la véracité des récits bibliques sont indissolublement liées à la Parole de Dieu. Nous ne pouvons jamais les dissocier.

 

P.W.

 


NOTES

 

 

1. Cette expression se trouve en 2.4 ; 5.1 ; 6.9 ; 10.1 ; 11.10,27; 25.12,19; 36.1,9; 37.2.

 

2. La Bible déchiffrée, p. 130 (L.L.B.).

 

3. Ancient Near Eastern Texts (ANET), 3e édition, p. 38, Princeton University Press, 1969.

 

4. Ibid., p. 44.

 

5. Ibid., p. 93

 

6. Ibid.,p.44.

 

7. ANET, vol. 1, Princeton University Press, 1973. Illustration n° 124 à la fin du livre.

 

8. « Etemenanki » signifie « maison du fondement du ciel  et de  la  terre».  Voir Babylone et l’A.T., A. Parrot, Delachaux et Niestlé, 1956, p. 30.

 

9. Pour toute documentation, voir les livres d’André Parrot, La Tour de Babel et Babylone et l’A. T.

 

10. Gazette des G.B.U., automne 1981.