Martin Luther King
QUAND LA JUSTICE ET LA PAIX S’EMBRASSENT1
par Anniel HATTOH
II y a 30 ans, le 4 avril 1968, le pasteur Martin Luther King était assassiné.
Combattant de la liberté, apôtre de la non-violence, prix Nobel de la Paix, 30 ans après, il parle encore…
Un itinéraire qui décoiffe
Nous sommes le 28 août 1963. Debout, face à une foule immense réunie devant le mémorial de Lincoln à Washington, Martin Luther King déclare avec une conviction contagieuse : « Je fais un rêve ! Et ce rêve, c’est qu’un jour tous les hommes se lèveront et comprendront enfin qu’ils sont faits pour vivre ensemble comme des frères… ». Dans le contexte d’un pays déchiré par une ségrégation omniprésente, nombreux sont ceux qui, le cœur étreint par l’émotion, sentent les larmes couler sur leur visage en entendant ces paroles venues du plus profond de l’être de ce prédicateur épris d’égalité et de justice.
Cinq ans plus tard, alors qu’à la fin c’est dans ce qu’on appelle le « Sud d’une longue journée de travail et de profond » des Etats-Unis que naît, au foyer réflexion sur ce qu’il appelle « la campagne des pauvres », Martin Luther King sort sur le balcon de son hôtel de Memphis, au Tennessee, pour prendre quelques bouffées d’air frais, un coup de feu retentit. Celui qu’on appelle « le prophète noir américain » s’écroule. Il est mortellement blessé.
Mais d’où venait cet homme hors du commun ? Quel était son itinéraire ?
Un être exceptionnellement doué pour les études
C’est dans ce qu’on appelle « Sud profond » des Etats-Unis que naît, au foyer pastoral des King, le 15 janvier 1929, à Atlanta en Géorgie, un petit garçon prénommé Martin Luther. Cet enfant est doué d’une mémoire extraordinaire et, dès cinq-six ans, il mémorise de longs passages de la Bible et de nombreux negro-spirituals qu’il chante déjà en solo au cours du culte dominical.
Confronté quotidiennement au racisme et à la ségrégation qui sévissent dans cette contrée des Etats-Unis, il subit à l’adolescence, après un discours qui lui avait valu les félicitations du jury, une humiliation qui le marque profondément et influence sans aucun doute son développement ultérieur.
Lorsqu’il entre à l’Université, il n’a encore que quinze ans et, désireux de se rendre utile, il se destine tout d’abord à être médecin ou avocat. Mais frappé par les prédications puissantes du président de son Université, il lui semble tout à coup qu’il trouvera plutôt sa voie dans le pastorat. Son père, pasteur à l’Eglise Baptiste d’Ebénézer à Atlanta, lui donne alors sa chance et, à 17 ans, Martin prêche son premier sermon dans le temple bondé pour l’occasion. Quelques mois plus tard, il reçoit la consécration pastorale.
Mais Martin ne se croit pas arrivé pour autant. Il ressent un immense besoin d’étudier et de se former encore et encore. C’est ainsi qu’à dix neuf ans, en 1948, il entre à la Faculté de Théologie de Crozer, en Pennsylvanie, puis à l’Université de Boston. Travailleur acharné, il réussit brillamment ses études. Il dévore de nombreux ouvrages de penseurs révolutionnaires, tels (entre autres) les écrits de Thoreau, un abolitionniste jusqu’au-boutiste. Le christianisme social de Rauschenbusch et la philosophie non violente de Gandhi l’influencent aussi beaucoup.
Un jeune pasteur à l’écoute de la souffrance des autres
En septembre 1954, Martin Luther King accepte l’appel d’une Eglise baptiste de Montgomery, en Alabama, et s’y installe avec sa jeune femme, Coretta Scott, musicienne de talent qu’il a épousée un an auparavant. Il commence à y faire ses premières armes de prédicateur tout en continuant à travailler sur sa thèse de doctorat qu’il soutient à Boston au printemps 1955. Il a tout juste vingt-six ans.
Quelques mois plus tard, survient un événement qui va jouer un rôle détonateur dans le conflit racial du Sud et qui va révolter le jeune prédicateur. Le 1er décembre 1955, Posa Parks, une couturière noire employée au centre ville de Montgomery, monte comme tous les jours dans le bus qui va la ramener chez elle. Epuisée par une longue journée de travail, elle enfreint la loi en refusant de laisser sa place à un homme blanc qui menace de la faire arrêter.
Son emprisonnement déchaîne l’indignation de toute la communauté noire de la ville et entraîne une « opération boycott » sans précédent dans toute l’histoire des Etats-Unis. Pendant presque un an, malgré la fatigue, plus aucun noir de Montgomery ne prend le bus ! Martin Luther King, qui est élu président du comité d’organisation de cette manifestation d’envergure est le premier surpris du succès qu’elle rencontre.
Il décide alors de tirer parti de la situation et de lancer un vaste mouvement de revendication dans le Sud tout entier. Les ségrégationnistes blancs, d’abord sûrs de leur force et de leur supériorité, refusent de céder. Mais quand les médias du monde entier commencent à montrer leurs odieux agissements sur les écrans de télévision ; le mépris fait place à l’inquiétude, puis à la peur.
La riposte ne se fait pas attendre. Martin est arrêté à maintes reprises. Les prétextes sont multiples : excès de vitesse au volant (48 km/h au lieu de 40 km/h), entrave au fonctionnement d’entreprise, trouble de l’ordre public… Une bombe éclate même devant son domicile, ne faisant heureusement aucune victime !
Des changements sans précédent
Mais quelle exultation pour tous quand, le 13 novembre 1955, la Cour Suprême déclare illégale la ségrégation ! Martin Luther King et ses équipiers savent cependant qu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. C’est ainsi qu’en février 1957, soixante d’entre eux fondent la S.C.L.C., la Conférence des Leaders Chrétiens du Sud, qui organise divers mouvements de protestation bien suivis.
En 1958, Martin est poignardé par une femme noire démente. Il a eu chaud ! La blessure était fort grave mais l’opération tentée d’urgence par les chirurgiens réussit : c’est un vrai miracle… Dès qu’il est rétabli, Martin reprend ses activités. Il quitte Montgomery à la fin de l’année 1959, organise des « sit-in » et fonde le S.N.C.C., le Comité de Coordination des Etudiants.
A partir de l’année suivante, lorsque des émeutes se déclenchent, Martin se sent bien démuni et tous ses efforts sont vains pour calmer la violence qui se déchaîne de plus en plus. En 1964, malgré l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les Droits Civiques signée par le Président Johnson, et bien que Martin reçoive le prix Nobel de la Paix, le célèbre prédicateur est paradoxalement en baisse d’influence. Il se désole en voyant de nombreuses manifestations de violence dans plusieurs grandes villes du pays.
Sa dernière campagne est celle des éboueurs de Memphis, au cours de laquelle il déclare : « Je vois la terre promise, mais je sais que je n’y arriverai pas… Je ne crains aucun homme car mes yeux ont vu la gloire de Dieu ! » Le lendemain, il est assassiné. Il n’avait que 39 ans.
A.H.
NOTE
1. : Tiré d’IDEA n° 4/98 avec autorisation. Cet article a paru aussi dans Construire ensemble.