Pâque et Pâques

 

repas-juifJesus-croix

 

 

par Jean-Pierre BORY

 

 

 

La première Pâque

 

Au bout de 400 ans de servitude en Egypte, les descendants de Jacob s’étaient multipliés. Dieu lui-même déclara, à la veille du dernier des fléaux qui accablèrent l’Egypte : ce mois sera pour vous le premier de l’année (Ex 12.2) : l’heure de la délivrance des Israélites avait sonné.

 

 

Mais ce jour devait être terrible : la mort faucherait tous les premiers-nés vivant sur les rives du Nil, indigènes et étrangers. Cependant Dieu indiqua à Moïse un moyen, le seul possible, qui permettrait aux familles juives de sauver leur fils aîné : sacrifier un agneau, et badigeonner de son sang linteaux et montants de la porte de la maison ; toutes les familles qui se trouveraient dans la maison la nuit suivante seraient épargnées : le sang ayant déjà coulé, justice serait faite.

 

Les fils aînés, à l’abri de cette porte, seraient en quelque sorte « rachetés », protégés par le sang, événement marqua la naissance d’Israël en tant que peuple en déclenchant son départ de l’Egypte ; la fête de la Pâque rappelait la façon dont le peuple fut épargné.

 

 

La Pâque juive

 

10e plaieDepuis lors, le premier mois de l’année (Nisan, mars-avril pour nous), les juifs célèbrent la fête de Pessah, la Pâque, la fête du « passage » 1 : Je parcourrai l’Egypte cette nuit-là et je frapperai tout premier-né dans le pays… Le sang sera un signe sur vos maisons ; je verrai le sang, je passerai par-dessus. 2

 

« Coïncidence » divine, rapprochement voulu des deux événements, Jésus, appelé dès le début de son ministère, l’Agneau qui enlève le péché du monde 3, est mort, a laissé couler son sang sur la croix, précisément au milieu des 7 jours que durait l’ensemble de la fête de la Pâque à Jérusalem.

 

« Le mot Pessah, qui désignait primitivement l’agneau, fut plus tard appliqué au repas lui-même, puis à toute la fête. ?… […] Dès le soir du 13 (jeudi) et dans la matinée du 14 Nisan (vendredi), tout pain levé était enlevé des maisons Israélites. Primitivement chaque père de famille, en vertu du sacerdoce universel Israélite, immolait son agneau, lui-même, chez lui. Mais depuis la Pâque célébrée sous Josias, les agneaux furent immolés dans le temple et avec le concours des sacrificateurs.

 

Cet acte avait lieu l’après-midi du 14 (vendredi), de 3 à 6 heures. Quelques heures après commençait le repas qui se prolongeait jusque bien avant dans la nuit. Le lendemain était jour sabbatique. 4 »  Après le retour d’exil, lors de la construction du second temple, le rituel de la Pâque a été considérablement amplifié ; on y ajouta en particulier l’usage de coupes dont Jésus se servit lors de ce repas avec ses disciples.

 

 

La fête chrétienne de Pâques

 

L’Eglise a immédiatement compris le sens de ce rapprochement (la mort de Jésus au moment même où l’on immolait rituellement les agneaux pour la Pâque) : Christ est notre Pâque (1 Co 5.7). Et elle a pris très tôt l’habitude de rappeler sa mort (le vendredi saint) et sa résurrection (le dimanche de «Pâques») : car Dieu nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils ; à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie (Rm 5.10).

 

J.-P.B.

 

 

La date de Pâques chrétien 5

 

En l’an 325, un concile de l’Eglise, réuni à Nicée, décide de fixer la fête de Pâques, aussi près que possible du jour de la Pâque juive. Or le calendrier juif est luni-solaire : aux 12 cycles lunaires de 29 jours (mois), tous les 2 ou 3 ans, les Israélites ajoutent 1 mois supplémentaire pour maintenir chaque année le mois de Nisan au début du printemps de l’hémisphère nord, dans le cycle solaire de 365 jours.

 

C’est pourquoi encore aujourd’hui, notre fête de Pâques change de date chaque année : elle tient compte des cycles lunaires ! On la célèbre le premier dimanche après la pleine lune qui a lieu le jour de l’équinoxe ou immédiatement après. Pâques peut donc se situer au plus tôt le 22 mars (lendemain de l’équinoxe de printemps) et au plus tard le 25 avril. Les autres fêtes rappelant un événement biblique relatif à la fin du ministère de Jésus (les Rameaux, l’Ascension et la Pentecôte) varient avec la date de Pâques. 

 


 NOTES

 

1. Ex 12.12-13. Voir aussi A. Kuen, Encyclopédie des difficultés bibliques, Evangiles et Actes, p. 340 et 272 à 274.

 

2. La Pâque juive s’écrit sans «s» à la fin ; Pâques, fête chrétienne s’écrit avec un «s» et il est masculin au singulier (un Pâques tardif) et féminin au pluriel (des Pâques fleuries) ! Ainsi le dit l’Académie française…

 

3. Jn 1.29

 

4. A. Kuen, id., p. 340.

 

5 Pâque et Pâques viennent de l’hébreu Pessah, transcrit en grec, puis en latin : pascha, c’est-à-dire le fait de passer outre, de passer devant sans s’arrêter, d’épargner.