Faire des disciples du Christ aujourd’hui
Résumé d’un article de Samuel PEREZ MILLOS,
Orateur du congrès 2006 des C.A.E.F.
par François-Jean MARTIN, traduction de Olivier et Siegrid PY
La condition de chrétien passe nécessairement par celle de disciple. Le Seigneur a lié l’évangélisation au discipulat, quand il dit : « …allez, faites de toutes les nations des disciples » (Mt 28:18).
L’appel que Christ a lancé à ceux qui formaient le noyau initial de ses disciples, se fit sur la base de la « suivance », comme ce fut le cas pour les 4 pêcheurs de la Mer de Galilée, à qui il dit : « Venez à ma suite » (Mt 4:19), ou pour Matthieu le publicain, appelé sur son lieu de travail, à qui il a également lancé l’invitation – en réalité un ordre – : « Suis-moi » (Mc 2:14). La réponse à l’appel de Jésus les a tous transformés en suiveurs, et donc en ses disciples. Cette « suivance » a exigé d’eux un renoncement absolu à tout ce qui était leur forme de vie quotidienne et ils se sont convertis en compagnons de voyage du Seigneur, le suivant par les chemins où il se dirigeait.
Ce renoncement consistait à faire passer en second ce qui était primordial pour eux, travail et famille compris : « et aussitôt ils laissèrent la barque et leur père, et le suivirent » (Mt 4:22). Cependant, ce qui est essentiel dans le discipulat, ce n’est pas de laisser des aspects vitaux, mais de renoncer à soi-même pour suivre le Maître. L’exigence du discipulat est un renoncement absolu au moi personnel pour accepter comme unique le Toi de Jésus (Lc 14:26). Le Maître lui-même donne l’exemple quand il dit à son Père : « Que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne » (Lc 22:42).
Etre disciple de Jésus signifie laisser les valeurs du disciple pour prendre celles du Maître.
Nous devons considérer deux choses dans la théologie du discipulat. D’un côté le caractère intemporel de la demande de Jésus. De l’autre, la contextualisation de la « suivance ». Dans le premier cas, le caractère intemporel, signifie que l’ordre de Jésus, inséré dans la Parole, transcende absolument et totalement le temps. Les exigences du Maître ne peuvent pas être altérées par le fil des ans, puisque, comme Paroles de Dieu elles sont permanentes et définitives. Elles sont, maintenant et dans l’avenir, les mêmes que lorsqu’il les a établies.
Mais, le caractère intemporel ou la permanence des exigences, n’empêchent pas la contextualisation de la pratique du discipulat, étant donné que le chemin à la suite du Maître s’accomplit à une époque différente, dans une société distincte et dans un autre cadre historique. Les deux choses : la permanence de l’ordre et la contextualisation du discipulat, sont nécessaires pour le développement correct et la pratique de la théologie du discipulat.
Être disciple c’est suivre le Maître. Etre disciple ne signifie pas savoir de son Maître et connaître ses enseignements, mais vivre sa vie. L’apôtre Paul exprime la véritable condition du disciple lorsqu’il dit : « car pour moi, Christ est ma vie » (Ph 1:21), ou si on préfère : « et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Ga 2:20). L’exigence de Jésus transcende le temps et arrive jusqu’à nous avec la même intensité. La grande exigence qui perdure dans toutes les époques, se trouve exprimée dans les paroles de l’apôtre : « mon but est de le connaître, lui, ainsi que la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances » (Ph 3:10 ; Ro 12:1).
Le renoncement suprême se réalise donc dans la figure de la croix, où la puissance du moi personnel est annulée, pour laisser la place à une union pleine à la volonté et aux exigences du Seigneur. Cependant, se nier soi-même signifie beaucoup plus que renoncer à faire sa propre volonté : cela équivaut au don inconditionnel de soi en faveur des autres, à l’amour désintéressé envers les hommes, à partager nos biens avec les nécessiteux, à assumer, sentir et vivre les sentiments qui sont en Jésus, comme nous l’enseigne l’apôtre en Philippiens 2:5-8. Les valeurs du chemin du discipulat n’ont en rien varié dans le temps, car ce sont les mêmes que celles du chemin du Maître (1 P 2:21).
Si le commandement et les principes fondamentaux du discipulat ne changent pas avec le temps, l’expression visible de la condition de disciple, elle, change. Ce n’est pas au temps de s’adapter au disciple, mais au disciple de s’adapter au temps. Si les temps ont toujours changé, actuellement nous assistons à une accélération d’une rapidité étonnante. Les changements sociaux du monde actuel ne se mesurent plus en siècles, ni en années, mais en jours. Pour cela, le chemin du disciple inaltérable dans ses valeurs, change dans la manière de les vivre.
La première grande valeur est celle de l’amour suprême pour Jésus, le Maître. « Nul ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6:24). Le contexte social actuel, exige de faire passer en second les valeurs suprêmes de la société actuelle. Il est spécialement difficile de suivre l’exigence d’abandonner l’amour pour les richesses. Le bien-être d’un niveau de vie élevé, avec l’énorme poids de la consommation, rendent nécessaire l’évaluation personnelle des valeurs du chrétien pour les adapter aux exigences du discipulat. L’exemple suprême en cela nous le trouvons dans la personne de Jésus (2 Co 8:9).
La soumission à la Parole du Seigneur, une deuxième valeur : « Si vous demeurez dans ma Parole, vous êtes vraiment mes disciples » (Jn 8:31). Il est intéressant de remarquer que Jésus, dans la formation de ses disciples, s’est chargé en permanence de leur donner sa Parole, qu’il avait reçue du Père. Il nous suffit de lire la dernière prière de Jésus avant Gethsémané, où il insiste sur cela à plusieurs reprises (Jn 17:6,8,14, 17). La vie du disciple est liée à la Parole. Pour cela, quand Jésus a commandé de faire des disciples parmi toutes les nations, il a aussi ordonné : « enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28:20).
La société actuelle exige des personnes préparées au plus haut niveau dans les matières nécessaires au développement social et aux entreprises, cependant, pour édifier l’Eglise, elle ne suit pas la même dynamique. Plus encore : la lecture et la méditation de la Bible au foyer n’est plus un élément prioritaire. L’explication systématique de la Bible dans l’Eglise est perçue comme quelque chose de bizarre.
Le peuple de Dieu, les disciples de Jésus, sont à cause de cela facilement déviés par les vents de nouvelles doctrines qui soufflent constamment sur l’Eglise (Ep 4:14). Faire des disciples demande de les enseigner dans la Parole. La contextualisation du discipulat, exige de renoncer à beaucoup d’offres de distractions licites que le monde propose aujourd’hui, pour chercher et trouver le temps pour l’étude et la méditation de la Bible.
Une troisième valeur est l’amour. La distinction fondamentale des authentiques disciples de Jésus porte sur la démonstration d’un amour fraternel et sans conditions, comme l’a dit Jésus : « A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13:35). Nous n’aurons pas de message puissant de l’Evangile s’il n’est pas ratifié par l’amour des disciples de Christ. Cet amour envers le prochain représente aussi un engagement avec le message social de l’Evangile. Jésus, qui a prêché le message de la bonne nouvelle, a aussi donné à manger à l’affamé, a aussi soigné les malades, a aussi consolé les affligés et fait revenir les égarés.
Le contexte actuel de l’expression de cet amour demande que l’on vive de manière à ce que la société puisse voir, plus qu’entendre, que Christ a véritablement des disciples aujourd’hui.