Rapport des «Sentinelles» au Tchad
Par Éveline Félix
Parmi les différents bénéficiaires des activités des Sentinelles, le groupe des « Amis des Sentinelles » rassemble des personnes vivant avec le VIH (virus du SIDA) et venant de différents horizons. Ce groupe a connu un essor tout particulier en 2015, spirituellement et matériellement.
Ces personnes vivant avec le VIH sont toutes des femmes. Chacune tente d’assurer sa survie et celle de sa famille en faisant des petits commerces (vente de gâteaux, de poissons, petite cafétéria…). La majorité d’entre elles sont catholiques et plusieurs vivaient auparavant de la vente de « bili-bili », une boisson alcoolisée locale fabriquée à partir de mil fermenté1.
Dans l’équipe, c’est ma collègue Marie Naobé qui est responsable de ce groupe et du suivi de ces personnes malades. Marie suit aussi depuis plusieurs années les formations à l’évangélisation de « Campus pour Christ » (CPC). Depuis la fin de l’année 2014, elle a pris la résolution d’appliquer certaines des méthodes d’évangélisation de CPC, qui visent le public analphabète, au groupe des « Amis des Sentinelles ».
Ces méthodes utilisent de brèves séquences de films ainsi que des brochures en images comme plateforme de discussion et d’annonce de la Bonne Nouvelle. Le film « Magdalena » a permis à plusieurs participantes de s’identifier aux femmes rejetées ou marginalisées des Évangiles, que Jésus a rencontrées, guéries, sauvées, restaurées. « Nos » femmes ont ces mêmes besoins. Ces projections, commencées dès décembre 2014, se sont prolongées jusqu’à la fin du 1er trimestre 2015.
Peu à peu, certaines participantes ont commencé à mieux saisir l’amour de Dieu pour elles et à apprendre à appliquer l’Évangile dans leur vie quotidienne. Elles ont appris aussi à le partager à leur entourage. Petit à petit, elles ont mieux compris l’importance de la prière et de la Parole de Dieu. Alors que le groupe comportait une quinzaine de membres en décembre 2014, il en compte maintenant soixante, la moyenne des présentes étant d’une quarantaine fin 2015. La plupart de ces femmes ont accepté le Seigneur lors d’appels lancés pendant les réunions ; cela ne veut pas dire que toutes sont réellement converties. Dieu seul connaît leurs coeurs.
Certaines ont changé, comme Lucie, qui était très découragée par la stigmatisation de son entourage à son égard ; elle voulait se suicider, mais a retrouvé espoir en Dieu. Elle a pu surmonter la honte d’être méprisée et rejetée (avoir ou faire honte est très grave dans la culture), et accepter son état. Malgré le départ brusque de son mari, l’abandonnant avec leurs trois enfants, elle s’est confiée en Dieu son protecteur et son défenseur. En réponse à cette foi, Dieu l’a soutenue et a donné la santé à son dernier enfant (alors que l’avant-dernier était mort). Elle est maintenant beaucoup plus épanouie. D’autres femmes témoignent que ces enseignements les fortifient. De nouvelles personnes continuent à rejoindre le groupe, avec, le plus souvent, des situations personnelles et familiales difficiles.
Ces femmes se débrouillent chaque jour en vendant des denrées au marché ou à domicile. Elles ont donc sollicité l’aide des Sentinelles pour parvenir à mieux répondre aux besoins de leur famille. Nous avions élaboré en 2013 un projet d’appui aux AGR2 sur une année, mais n’avions reçu aucune suite de la part des organisations auxquelles nous l’avions soumis.
Nous avons alors décidé d’agir avec nos moyens, si faibles soient-ils. Une ancienne animatrice du Centre de Culture Évangélique, coordinatrice pour la gestion de microcrédits, nous a appuyés par ses conseils et a donné à ces femmes des instructions utiles pour gérer les prêts pour les AGR. C’est ainsi qu’en février 2015, la modeste somme de 25 000 CFA (38 €) a été remise à chacune des 14 femmes régulièrement présentes aux réunions. Celles-ci ont fait fructifier leur commerce, et ont remboursé fidèlement cet argent durant les cinq mois suivants (avril à août 2015), à raison de 5 000 CFA/mois. Ce premier pas a été encourageant, plusieurs femmes ont même pris de l’embonpoint ! Cela nous a poussés à octroyer en octobre 2015 un nouveau prêt de 25 000 CFA, mais cette fois-ci à 31 femmes qui ont commencé à le rembourser à partir de janvier 2016.
Parallèlement à cela, les Sentinelles ont encouragé les femmes à venir régulièrement aux réunions bimensuelles des Amis des Sentinelles en participant à leurs frais de transport.
Au fil des mois, le nombre des participantes a grandi… si bien que la salle de réunion du siège de notre dénomination3, aimablement mise à notre disposition par les responsables, est devenue trop petite : nous avons alors actualisé notre ancien projet de construire un hangar de stockage sur le terrain du siège en 2016. Or ce terrain avait déjà été sollicité pour d’autres projets de construction. De plus, le loyer du bureau que nous occupons au siège a été doublé depuis janvier 2016, en application d’une décision prise à la dernière Assemblée générale4 de nos Églises. Nos responsables nous ont alors orientés vers une autre possibilité : nous déplacer sur un terrain de l’Église, d’une superficie de 3600 m2 et situé à l’est de la ville. Ce terrain est resté quasiment vide. Seul un petit dispensaire vient d’y être construit, qui n’est pas encore opérationnel, ainsi qu’un forage. Le terrain n’est pas encore clôturé.
Voilà les Sentinelles devant un nouveau et grand pas de foi ! Construire n’était pas en effet dans notre planification de 2016 ! Mais si c’est le Seigneur qui nous y conduit – ce que nous croyons –, il pourra aussi nous en assurer la réalisation.
Ce nouveau projet concerne donc la construction, non plus seulement d’un hangar pour les Amis des Sentinelles, mais d’un Centre en dur comprenant un bureau, un magasin et une salle de réunion, plus le hangar ! Un plan a été réalisé, un devis estimé, qui représente un grand défi financier pour les Sentinelles, bien au-delà de leurs moyens ! En effet, le montant estimé atteint 13 000 € pour le bâtiment en dur et 2 500 € pour le hangar, soit un total estimé de 15 500 € de février 2015.
Nous n’avons pas reçu de délai de la part de l’administration de notre Église pour quitter notre bureau actuel. Nous espérons pouvoir rester au siège des ACT le temps qu’il faudra pour la construction, même si nous ne pouvons pas assurer en ce moment le paiement de notre loyer revu à la hausse. Le paiement de cette location a été possible jusqu’à fin 2015 grâce à la générosité de deux familles chrétiennes. Pouvons-nous leur demander plus d’efforts alors qu’ils en ont déjà fourni pendant des années.
Voilà donc de quoi alimenter vos prières pour les Sentinelles !
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NOTES
1. Au Tchad, la consommation d’alcool est permise par l’Église catholique, alors qu’elle est interdite et encore considérée comme un péché dans les Églises évangéliques.
2. AGR : Activités Génératrices de Revenus
3. Notre dénomination se nomme : Assemblées Chrétiennes au Tchad (ACT)
4. Il s’agit de l’Assemblée générale nationale des ACT