Ethique pratique face à l’homosexualité1

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Par Jonathan HANLEY

 

L’accompagnement pastoral des personnes homosexuelles doit d’abord se focaliser sur la personne, avant de considérer sa sexualité. Nous ne sommes pas notre sexualité – il s’agit là d’un mensonge de notre époque contemporaine, qui réduit souvent l’individu à ce qu’il fait. Nous sommes avant tout des êtres humains créés par Dieu à son image. Les dysfonctionnements moraux, quels qu’ils soient, sont des conséquences de la Chute et du Péché – et sont donc pardonnables quand la personne vient à Dieu dans la repentance.

 

1. Importance d’une éthique biblique pour la pastorale de l’homosexualité

 

Comme pour toute question en lien avec la sexualité, nous courons le risque de réagir à l’homosexualité selon nos émotions et nos à priori pas toujours fondés.

 

Malheureusement, nous sommes parfois tentés de projeter sur les autres le modèle de nos envies, de nos idéaux. Un bon chrétien serait alors celui qui me ressemble, qui pense comme moi, qui partage mes goûts, qui désapprouve les mêmes choses que moi.

 

La réflexion éthique exige un recul par rapport à nos propres désirs, pour accorder nos comportements, et notre enseignement ou notre témoignage, à la vérité révélée de Dieu.

 

L’éthique prend trois fils : l’idéal (vers lequel nous sommes en route), l’inadmissible (le seuil inférieur qui ne doit pas être franchi), et le possible (la réalité de notre vie et de celle des personnes que nous servons) et en tisse une corde à laquelle nous pouvons nous cramponner pour avancer sur le chemin ou prévenir une chute éventuelle si nous sommes trop près du bord du gouffre.

 

Une éthique chrétienne de l’homosexualité ne prend son sens que dans le contexte d’une éthique chrétienne globale de la sexualité. L’acte homosexuel n’est pas répréhensible parce que l’idée répugnait à l’apôtre Paul, ou que nous n’apprécions pas l’attitude provocatrice des travestis sur les chars de la « gay pride ». L’acte homosexuel est condamné dans la Bible parce qu’il dévie du modèle conçu par Dieu comme cadre pour l’acte sexuel : l’engagement exclusif à vie entre un homme et une femme. Ainsi, il est péché sur le même plan que l’adultère, qui est aussi une déviance par rapport au cadre donné par Dieu pour la sexualité.

 

Mais l’éthique de la sexualité ne prend son sens que dans le contexte d’une éthique chrétienne globale de l’être humain. Nous sommes créés par Dieu. C’est lui qui nous définit, qui décide de ce qui est humain et de ce qui ne l’est pas.

 

Le fondement est le récit de la création (Gn 1.26-27). Tous les enseignements de Jésus dans les évangiles et de Paul dans les épîtres placent la sexualité dans ce contexte créationnel, qui définit l’homme et la femme, en couple, en famille et en société, devant Dieu.

 

Cette vision de l’humain doit fonder toutes nos relations, sexuelles ou autres. Nous respectons les autres, ou sommes gentils envers eux, non pas parce qu’ils nous plaisent ou nous profitent, mais parce qu’ils portent cette empreinte divine.

 

Le péché, qui intervient à la chute, et ses manifestations de tous ordres, est une rupture par rapport à cet ordre créationnel : le pécheur n’est pas normal, il est aliéné de sa vraie nature humaine. Nous sommes dans une situation d’anomalie. La rédemption en Jésus n’a pas pour objet de nous rendre plus sympathiques, mais de nous rendre notre vraie nature, de réparer cette rupture, de trouver la solution à cette anomalie.

 

Quelles sont les motivations de notre éthique ?

 

L’éthique est un outil qui nous permet de passer des principes théoriques (l’idéal, l’inadmissible et le possible) à la pratique (le comportement sexuel, le comporte­ment médical, le comportement pastoral, etc.) En effet, tous les écarts, induits par le péché, par rapport à l’ordre créationnel, ont deux conséquences néfastes :

 

  • l’être humain sera malheureux parce que aliéné de sa vraie nature

  • l’être humain sera malheureux parce que désapprouvé du Dieu d’amour.

 

L’éthique chrétienne a pour objectif de rendre à la nature humaine son fonctionnement d’origine : être à nouveau comme Dieu nous avait conçus. C’est la dimension fonctionnelle de l’éthique chrétienne. Sept fois, dans Deutéronome, l’obéissance à la loi de Dieu est assortie de cette conséquence : « afin que tu sois heureux ».

 

Le deuxième enjeu principal de l’éthique est l’approbation du Seigneur quant à notre comportement et nos choix2. Sinon nous serions tentés de compromettre l’objectif biblique de sainteté en soumettant notre témoignage et notre ministère à des normes d’efficacité ou d’acceptabilité aux yeux de nos contemporains. Plaire à Dieu dans notre comportement, non en vertu d’une punition si nous échouons, mais en vertu d’un amour reconnaissant : c’est la dimension relationnelle de l’éthique chrétienne.

 

 

2. La question de l’homosexualité dans les trois champs d’action de l’éthique chrétienne : le comportement individuel,

 

L’église locale et la vie de la cité

 

Le sociologue Frédéric de coninck place un ordre de priorité : « On considère souvent les questions d’éthique sociale en se situant d’emblée dans la société globale ou au niveau de l’Etat. Or il me semble important de penser à une éthique pour la société globale en second lieu seulement, après avoir examiné les formes d’action que l’on peut et doit construire, au niveau de l’Église et après s’être interrogé sur le mode de vie que nous sommes appelés à endosser nous-mêmes en tant qu’individus. »3

 

Le comportement individuel

 

II s’agit d’une part de la sexualité elle-même : plaire à Dieu et être un humain normal en résistant à la tentation de l’acte sexuel (homosexuel) hors du cadre du mariage. Mais il s’agit d’autre part du comportement que nous aurons à l’égard de la personne homosexuelle.

 

La question se pose de notre attitude envers l’homosexuel, non pas envers l’ho­mosexualité. Notre éthique tient bon ou tombe lorsqu’elle affronte cette question : comment suis-je pour la personne homosexuelle ? Un juge, ou un chemin vers Dieu ? L’éthique s’applique aux choix, aux décisions, aux actes. C’est donc notre théologie du péché, informant notre éthique du comportement chrétien, qui nous amènera à distinguer l’orientation homosexuelle de l’acte homosexuel. L’orientation n’est pas un péché. L’acte l’est.

 

L’église locale

 

La mise en pratique d’une éthique chrétienne de l’homosexualité dans l’église locale doit tenir compte de plusieurs paramètres :

 

  • L’annonce de la vérité sur le péché de l’acte homosexuel sera cadrée par le souci d’être une porte sur Christ et une famille spirituelle pour la personne homosexuelle.

  • L’enseignement de toute l’église est une priorité : la parole pastorale pour l’individu est subordonnée a la parole pastorale pour la communauté. C’est dans ce cadre que la vérité biblique sur l’homosexualité est enseignée aux nouveaux, aux enfants, etc. Pas forcément au culte, mais dans l’église.

  • Inutile d’avoir une éthique solide de l’homosexualité, ou de la sexualité, si la famille dans l’église ne donne pas envie.

 

La cité

 

Si l’Église a pour rôle de hâter l’avènement du Royaume de Dieu par tous les moyens possibles, y compris la contrainte judiciaire ou politique, alors il faut que les chrétiens militent pour changer les lois et ramener l’acte homosexuel dans le cadre du délit pénal. Si l’Église doit seulement annoncer le message du salut à un monde perdu, puis se retrouver dans ses salles de culte pour chanter et prier, alors il suffit d’une parole de témoignage désengagée de la vie publique.

 

Une voie moins confortable, mais plus équilibrée, sera d’intervenir, unis dans la mesure du possible, chaque fois que nous le pouvons pour que l’homosexualité ne soit pas considérée comme une alternative familiale acceptable. Et de le faire avec intelligence.

 

 

3. La diversité des approches possibles de la question

 

L’approche pastorale de la question devra tenir compte de la différence entre les homosexuels.

 

L’homosexualité a différentes composantes qui prendront plus ou moins d’importance selon les individus et nécessiteront différentes approches :

 

Pour certains, peu nombreux, le rétablissement semble être instantané. La conversion s’accompagne d’un passage de l’homosexualité vers l’hétérosexualité.

 

Pour d’autres, il faudra une approche spirituelle : lutte contre le péché, intégrité d’enfant de Dieu, etc.

 

D’autres trouveront l’hétérosexualité par le chemin de la relation d’aide, psycho-pastorale.

 

D’autres encore devront accepter de vivre un célibat dans la chasteté et l’abstinence, comme tout célibataire qui désire vivre en chrétien. Avec le soutien des frères et soeurs en Christ.

 

Dans tous les cas, notre foi se construit dans le cheminement auprès du Seigneur, pas dans la hâte d’une attente de résultat.

 

 

4. La convergence indispensable de l’éthique pastorale, de l’éthique de la sexualité et de l’éthique de l’homosexualité

 

L’éthique du témoignage nous fait distinguer entre l’individu homosexuel et le lobby gay qui cherche à promouvoir l’homosexualité comme une alternative sexuelle acceptable.

 

L’apôtre Paul fait cette distinction dans Romains 1.32 lorsqu’il distingue entre ceux qui commettent un péché, et ceux qui approuvent les autres qui commettent ce péché aussi.

 

Notre parole chrétienne sur le sujet de l’homosexualité n’a pas pour objectif premier d’endiguer l’avancée de l’homosexualité, mais d’ouvrir le chemin du salut à tout être humain.

 

L’éthique du témoignage nous pousse à combattre l’injustice, même quand elle est portée contre un homosexuel.

 

On me demande parfois comment l’église devra réagir quand le lobby homosexuel fera des procès aux chrétiens pour propos homophobes.

 

J’ai le rêve que ce jour-là, des homosexuels viendront à la barre, dire : « Ils ne sont pas homophobes. C’est un chrétien qui est venu rendre visite à mon compagnon chaque semaine, lorsqu’il mourait du Sida ». « C’est un chrétien qui m’a défendu aux prud’hommes quand mon patron a voulu me licencier parce qu’il a découvert que j’étais homosexuel ».

 

L’éthique du témoignage nous pousse à maintenir l’acte homosexuel dans le champ du péché, et non pas dans le champ des droits civiques.

 

Si l’homosexualité est biologique, ou inéluctablement liée à l’être de la personne, alors l’individu est déterminé. Il peut faire valoir ses droits civiques pour que l’on accepte son homosexualité, mais ne peut rien pour changer s’il le désire. Tandis que si l’homosexualité est maintenue dans le champ de définition du péché, alors il devient pardonnable en Christ.

 

 

Conclusion

 

Notre responsabilité chrétienne sera de savoir accueillir et accompagner l’individu, sans approuver ses comportements. C’est le seul moyen d’atteindre notre objectif dans l’éthique du témoignage tout en restant fidèle à notre éthique de la sexualité.

 

Résumé fait par Marcel Reutenauer

 


 

NOTES

 

1. Extraits de la conférence donnée par Jonathan HANLEY au Congrès des Communautés et Assemblées Evangéliques de France (CAEF) en 2005.

 

2. Col 1.10

 

3. De Coninck Frédéric, Les enjeux de l’éthique, Editions Emmaüs, 2005.