L’homosexualité : innée ou acquise ?1

 

 

Par Jean-Jacques MEYLAN

 

 

Comment considérer l’homosexualité ? Est-elle une maladie, un dysfonctionnement, ou simplement une variante dans la diversité des attitudes possibles en matière de sexualité ? Pendant des siècles, on a considéré l’homosexualité comme une déviance. En 1973, l’association des psychiatres américains a décidé de rayer l’homosexualité de la liste des affections mentales2.

Depuis, deux opinions se font face : pour les uns, elle est innée, pour les autres elle est acquise. Innée ou acquise ? L’homosexualité est-elle d’origine génétique ou culturelle ? Si l’identité sexuelle est imposée par la nature, la législation devrait alors entériner cette réalité et offrir aux homosexuels les mêmes droits qu’aux hétérosexuels. C’est la position des défenseurs de la légalité homosexuelle.

 

 

L’homosexualité serait innée

 

coeur-briseL’homosexualité serait d’origine génétique, inscrite dans le patrimoine génétique de la personne. Elle serait une variante « naturelle » de la biologie humaine. Elle serait produite par la nature tout comme celle-ci génère des blancs, des noirs, des albinos, des droitiers, des gauchers, etc.

 

Certains biologistes prétendent avoir découvert le gène de l’homosexualité, le gène « gay », comme l’appelèrent les médias. Cette découverte a prétendu satisfaire tout le monde. Elle a déculpabilisé les homosexuels et a rassuré les hétérosexuels, exempts de ce gène, sur le fait qu’ils ne sont pas menacés d’homosexualité.

 

Si l’homosexualité résulte du patrimoine génétique, le débat éthique est clos ; si les homosexuels sont déterminés par leur structure génétique, ils ne sont en rien responsables de leur situation. Fort de cette certitude, le milieu homosexuel a milité en faveur de l’égalité des droits entre hétérosexuels et homosexuels.

 

En fait, cette conclusion est hâtive. Malgré tous les efforts de la recherche, l’origine génétique de l’homosexualité n’est pas prouvée. Et même si elle l’était, cela ne changerait pas fondamentalement la question. Découvrir en soi des gènes de mégalomanie, de cleptomanie, de paresse ou d’acharnement au travail, de violence, d’abus, etc. n’autorise pas de faire l’économie d’une réflexion éthique pour orienter ses choix de vie.

 

Chacun reste responsable des actes qu’il commet. La société dont chaque membre serait déterminé par des conditionnements génétiques ou sociaux serait tout simplement une société inhumaine, un enfer. D’autre part, au temps des manipulations génétiques, le milieu homosexuel hésite lui-même à poursuivre dans cette voie, par peur d’être soumis à une thérapie génique s’il s’avère qu’une telle thérapie puisse exister, ou à une sélection eugéniste si le gène de l’homosexualité pouvait être décelé lors d’une amniocentèse.3

 

 

L’homosexualité serait acquise

 

Selon d’autres théories, l’homosexualité n’est pas inscrite dans les gènes. Elle résulte du développement de la personne. Elle serait acquise au travers des facteurs sociaux, familiaux, psychologiques.

 

Facteurs sociaux : Le discours social ambiant permissif et libertaire qui a fait éclater les repères traditionnels, invite à explorer des voies jadis proscrites. On ne se prive plus d’expérimenter des pratiques sexuelles non conventionnelles. D’autre part, l’individualisme, la rupture du lien social, l’émiettement des familles ont suscité chez certains la peur de l’autre sexe. L’autre sexe, ses jugements, ses exigences, ses pratiques sont ressentis comme autant de menaces qui ont provoqué un repli sur son propre sexe. Ces peurs peuvent avoir été nourries d’expériences traumatisantes et du discours social ambiant.

 

– Facteurs familiaux : Certaines théories du développement associent l’homosexualité masculine au dysfonctionnement familial, à la présence, au cours de l’enfance, d’un père absent, distant, inaccessible et peu accueillant et d’une mère dominatrice, étouffante.4

 

– Facteurs psychologiques : Le développement de la personne est un processus complexe, fruit de l’harmonisation subtile entre les événements subis, sa structure affective latente et son environnement familial et social. Chaque être humain se construit au travers des liens et des relations plus ou moins favorables qu’il développe dans ses interactions avec autrui, en priorité avec sa proche famille, ses parents et sa fratrie. Le développement harmonieux de ces relations communiquera à l’individu son identité, le sens des valeurs, son rôle dans la société, l’élaboration d’un projet de vie, sa capacité à interagir avec autrui, à se situer face à l’autre sexe, à l’autorité, aux autres générations, etc. Cet apprentissage de la socialisation demande un long processus de maturation.

 

art-moderneOr il arrive que ce processus soit perturbé pour de nombreuses raisons, dont les ruptures précoces des relations. La sécurité émotionnelle d’un enfant, et plus tard de l’adulte, dépend d’un triple lien : mère-enfant, père-enfant et père-mère. La rupture de l’une ou l’autre de ces relations peut bloquer la capacité de l’enfant à se connecter sainement avec son entourage et faire naître en lui une profonde insécurité. Il vivra sans sentiment d’appartenance et de valeur, sentiments très importants dans le développement de son identité sexuelle masculine ou féminine.

 

La psychanalyse a repéré les différents stades de l’évolution du bébé puis de l’enfant. Selon Tony Anatrella, psychanalyste et clinicien, à la naissance, l’individu est indifférencié. On ne naît pas fille ou garçon, on le devient… L’inconscient ne connaît pas la différence des sexes… L’enfant passe par une phase de bisexualité psychique… Cette bisexualité est la capacité d’intérioriser et de reconnaître les deux sexes et de les mettre en interaction, en dialogue, à l’intérieur de soi…  La bisexualité psychique permet de relativiser la différence des sexes pour créer un lien avec l’autre sexe et non pas se fondre en lui. C’est justement ce lien que l’homosexuel ne parviendrait pas à établir du fait, entre autres, du conflit inconscient d’identification avec le parent du même sexe… Ainsi, progressivement l’identité sexuée se construit, car elle est le résultat d’une représentation sexuée de soi, d’une interaction avec ses images parentales et d’une histoire affective…5

 

Selon Freud, l’homosexualité ne peut pas être classée comme une maladie : cette variation de la fonction sexuelle résulte d’un arrêt du développement sexuel.6

 

Relevons que toutes les théories énoncées peuvent être critiquées pour leur incertitude. D’innombrables situations particulières pourraient les contredire. L’homosexualité, innée ou acquise ? Il semble impossible de pouvoir trancher. Il est probable qu’il y ait de l’inné, il est observable qu’il y a de l’acquis. Cependant le mystère demeure. Nous sommes réduits à garder ce mystère et à redire avec la psychanalyste Eliane Lévy : l’homosexualité est et restera une énigme.7 La pratique homosexuelle, en dernier ressort, résulte d’un choix personnel.8

 

J-J.M


NOTES

 

1. J.-J. Meylan « Un regard chrétien sur l’homosexualité », extrait partiel de l’article paru dans le dossier Vivre n° 24, Editions Je sème, Genève, 2005. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

 

2. Tony Anatrella, « La différence interdite », Flammarion, Paris 2002, p. 262. Notons que cette procédure, unique dans l’histoire, est tout de même curieuse !

 

3. Cf. Thomas E. Schmidt, op. cit., p. 193.

 

4. Thomas E. Schmidt, op. cit., p. 198.28

 

5. Tony Anatrella, op. cit., Les différentes citations de ce paragraphe sont tirées successivement des pages 245, 239, 246, 247 et 243.


6. Rapporté par – Tony Anatrella, op. cit., p.266. – Marc Opitz, «Approche psychanalytique de la question homosexuelle», in Les Cahiers de l’école pastorale, hors-série n°4, décembre 2002, p. 29. Voir aussi : Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité, traduction française, Paris Gallimard, 1962.

 

7. Rapporté par : Claire Lesegretain, Les chrétiens et l’homosexualité, Presses de la renaissance, p. 19.

 

8. Thomas E. Schmidt, op. cit., p. 206s.