« Je vous ai écrit dans ma lettre de ne pas avoir
de relations avec les débauchés. » 1 Co.5.9
Par Thierry SEEWALD
Après avoir, dans une première lettre aujourd’hui perdue, demandé aux chrétiens de Corinthe, de ne pas avoir de relations avec les débauchés, Paul sent le besoin, dans cette lettre-ci (1 Co 5.9-13 et 6.9-13), de revenir sur la question et de préciser un peu.
La précision la plus importante est celle qui est exprimée dans les versets 10 et 12 : il ne s’agit pas des débauchés non-chrétiens, « autrement, vous devriez sortir du monde » (10), « qu’ai-je, en effet, à juger ceux du dehors ? » (12). Le chrétien n’a pas à s’isoler des autres et à fuir ceux qui ne partagent pas ses valeurs. Il doit éviter ce qui pour lui peut être source de tentation et être vigilant pour lui-même à ne pas s’exposer à des tentations qu’il pourrait ne pas surmonter. Mais au-delà, il n’y a pas de raison d’éviter certaines personnes dans la société.
L’homme non-régénéré est pécheur par nature. Le péché, quel qu’il soit, n’est que la manifestation de cet état.
Culturellement, certains péchés nous choquent plus. L’homosexualité en fait partie. Mais elle ne choquait pas les grecs (notamment les corinthiens). Une partie des membres des églises des premiers siècles a dû la pratiquer avant leur conversion (cf. 1 Co 6.11 : c’est là ce que vous étiez, quelques-uns d’entre vous). A ceux-là, Paul a dû dire que, même si cela ne les choque pas, c’est un péché. A nous, il dirait que ce n’est qu’un péché. La liste des péchés en 1 Co 6.9-10 nous le montre. L’homosexuel y est cité à côté des adultères et des idolâtres, mais aussi à côté des ivrognes et des calomniateurs. Même si certains ressentent parfois l’homosexualité comme une abomination, c’est un péché, et ‘seulement’ un péché. Un révélateur de la personne humaine déchue.
La Nouvelle Bible Segond traduit très justement à plusieurs reprises : « les hommes qui couchent avec des hommes » car ce qui est condamné est d’abord l’acte. Même si Jésus dit que celui qui convoite une femme a déjà commis l’adultère, il reste malgré tout une différence sensible entre le péché en pensées et en actes. Ainsi que le soulignent d’autres articles de ce numéro, l’homosexualité était vécue très différemment dans la Grèce antique et aujourd’hui. La plupart de ceux qui la pratiquaient ne se seraient sans doute pas définis comme homosexuels, dans le sens moderne d’orientation sexuelle, même s’il existait à l’époque, en petit nombre, ce qu’on appelait dans le passé des ‘efféminés’.
Dans ce texte, Paul appelle ‘péché’ le fait de coucher avec une personne du même sexe. Il ne porte pas de jugement sur une catégorie de personnes mais sur une pratique, de même que pour celui qui boit ou qui commet l’adultère. La Bible nous appelle à haïr le péché, mais à aimer le pécheur. Celui qui a une pratique homosexuelle n’est pas exclu de cette affirmation.
« Qu’ai-je à faire avec ceux du dehors » nous pose par ailleurs la question de la légitimité des revendications évangéliques contre le Pacs, le mariage gay,… Toutefois, la question de l’adoption par des personnes gays est différente car elle concerne aussi les enfants, qui font partie des plus faibles que la Bible appelle à protéger.
Ayant précisé qu’il ne visait pas les gens du dehors, Paul continue : la pratique homosexuelle est un péché, et il nous invite à ne pas le tolérer dans l’Eglise. A nouveau tout comme l’adultère, l’ivrognerie ou la calomnie. J’ai volontairement utilisé une expression dont nous usons parfois : tolérer dans l’Eglise. Mais elle laisse un flou. S’agit-il de refuser qu’une personne ayant une pratique homosexuelle entre dans l’église ou assiste au culte ? Non, il s’agit de refuser de rester en communion avec quelqu’un qui se prétend frère ou soeur et qui aurait une telle pratique. Dans le contexte actuel, les cultes sont ouverts au public et sont parfois même des lieux d’évangélisation. Il ne convient pas de trier à l’entrée, mais de laisser à tous, pécheurs par nature (que cela se manifeste par un péché visible et qui nous choque ou par la vie BCBG du jeune homme riche) l’opportunité d’entendre la prédication de l’Evangile.
Par contre, le frère ou la soeur qui se livrerait à de tels actes doivent être avertis. C’est la première étape d’une démarche de discipline. La personne convertie ayant une orientation homosexuelle n’y est donc pas traitée différemment qu’un autre célibataire. On lui demande d’être abstinent. Et on évitera l’accusation d’hypocrisie en ayant la même rigueur envers ceux, bien plus nombreux dans nos Eglises, qui mettent l’argent ou la réussite au coeur de leur vie (le cupide) ou qui ne savent pas gérer leur langue (calomniateur ou médisant).
T.S