Père, je leur pardonne…
Même s’ils savent très bien ce qu’ils font ?
Par Jonathan Hanley
Lorsque Jésus était cloué sur la croix, il a prononcé une parole qui représentera à jamais le comble de l’amour des ennemis. À propos de ses bourreaux, il a prié « Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Personne ne saura vraiment ce que le Fils de Dieu a souffert ce jour-là. Il est vain pour nous, avec notre esprit humain limité, de chercher à analyser l’étendue ou l’intensité de l’amour du Christ dans ces circonstances. Toutefois, nous savons que nous devons chercher à l’imiter, ce qui implique d’être prêts à pardonner à nos ennemis, y compris quand le mal qu’ils nous font dépasse l’entendement.
Parfois, nos ennemis savent ce qu’ils font !
Cet exemple de l’amour de Jésus sur la croix comporte une dimension qui peut nous poser problème : n’est-il pas plus facile de pardonner à nos ennemis quand, justement, ils ne savent pas ce qu’ils font ? Qu’en est-il des circonstances où les ennemis savent très bien ce qu’ils font ?
Même dans l’Église !
Presque tous ceux et celles qui s’engagent activement dans une assemblée chrétienne locale peuvent s’attendre à passer, tôt ou tard, par une situation où l’« ennemi » est un frère ou une soeur en Christ. Nous ne gagnons rien à ignorer ce constat. Et, même s’il y a bien « deux sons de cloche » à tout conflit, les torts ne sont pas toujours également partagés, contrairement à l’idée reçue (mais qui n’a rien de biblique). Nous sommes nombreux à avoir vécu des situations où l’ennemi n’est pas l’opposant qui vient de l’extérieur, ou l’inconnu brutal mais ignorant, mais plutôt l’ami et collaborateur d’hier qui devient l’adversaire d’aujourd’hui. Les motivations de ces ennemis varient, et, portant leurs coups de massue, ils se réclament de toutes sortes d’objectifs louables, comme la bonne doctrine, la progression de l’Église ou la fidélité aux valeurs ecclésiales historiques.
Mais nous savons, et ils savent, et le Seigneur sait, que leurs motivations profondes ont plus à voir avec l’orgueil et la jalousie qu’avec le souci de l’oeuvre de Dieu. Et pire encore, sachant très bien le mal qu’ils nous font, et les dégâts inévitables qu’ils vont provoquer dans nos familles et chez ceux qui observent nos conflits, ils persistent dans leur malfaisance.
Quand le conflit est insoluble
Beaucoup de nos tensions ne sont jamais apaisées, contrairement au récit du dissentiment entre Paul et Barnabas dans Actes 15. En réalité, nous vivons avec de nombreux conflits non résolus dans nos Églises. Très souvent, la question n’est plus « Comment résoudre ce désaccord ? », mais « Comment vivre et avancer sans traîner ce boulet de haine ? » Dans de telles circonstances, comment aimer nos ennemis ? Comment dire « Père, je lui pardonne » ? Il n’existe aucune recette universelle, et chaque cas sera différent, mais quelques principes peuvent être des pistes pour avancer.
• Une perspective éternelle
Si Jésus a pu passer par la croix, c’est qu’il voyait la grande image. Il savait que son supplice était, mystérieusement, sa glorification (Jn 12.23-24) et que, « au bout du tunnel », il recevrait nos âmes en récompense (És 53.12). Même si l’enjeu n’est pas le même, nous trouvons un certain réconfort à considérer ce qui nous arrive dans le contexte de l’éternité. Nous n’avons pas la même clarté de vision que Jésus, mais nous savons que nous sommes destinés à une éternité sans souffrance et sans pleurs. Cette compréhension a aidé plus d’un chrétien à supporter la violence subie de la main de ceux qui prétendent être ses frères et soeurs. Ici-bas, ce n’est que le début de l’histoire.
• La foi en un Dieu de justice
De nombreux psaumes parlent de conflits et de trahison. Et la violence verbale à l’encontre des ennemis, notamment dans les psaumes d’imprécation, ne doit pas nous induire en erreur : ces textes restent des prières, et ne sont pas à lire comme des malédictions aux pouvoirs magiques. En composant ces prières, les psalmistes se remettaient au seul juge absolument juste : Dieu luimême (Ps 109.1-5). Ils manifestaient ainsi leur foi en un Dieu qui aime la justice. Même si nous devons attendre, parfois longtemps, Dieu fera justice.
• L’aide divine
Finalement, le croyant ne peut pas pardonner si Dieu ne l’aide à le faire. Le vrai pardon est probablement hors de portée humaine dans certaines situations. Mais la beauté de la foi chrétienne est que, au-delà de toutes les considérations religieuses, psychologiques et philosophiques du pardon et de l’amour des ennemis, le Seigneur que nous adorons est là, à notre côté, présent dans notre vie quotidienne en tant qu’ami (Jn 15.15 ; Mt 28.20). Et il nous propose son aide, quels que soient les obstacles que nous devons surmonter.