Aimer ses ennemis… même en politique ?
Par Jonathan Hanley
Il est un domaine où détester ses ennemis semble presque acceptable, même parmi les chrétiens convaincus : la politique. Depuis quelque temps, nous avons observé, médusés, certains de nos frères et soeurs d’outre-Atlantique choisir la haine par conviction politique, et l’exprimer dans les médias et sur les réseaux sociaux. À lire quelques-uns des propos échangés sur Facebook entre chrétiens lors de la campagne des régionales en France en décembre 2015, on se demande si l’affection ne serait pas contagieuse.
La priorité de Christ
Lorsque Jésus nous a demandé d’aimer nos ennemis, il n’a pas dit : « sauf les socialistes », ou « sauf ceux qui soutiennent le mariage homosexuel », ou « sauf ceux qui ont voté FN ».
Les opinions politiques sont un terrain difficile pour l’amour des ennemis. Deux exemples récents, parmi beaucoup d’autres, illustrent cette difficulté. En 2013, les débats qui ont précédé la législation sur « le mariage pour tous » ont mis à rude épreuve l’amour chrétien dû aux personnes homosexuelles. Les opposants à cette loi ont tenté de faire valoir les aspects positifs de leur action. Mais beaucoup de leurs propos ont été perçus comme de la haine. Maintenant que le lobby prohomosexualité a gagné cette bataille, l’attitude de nombreux chrétiens ne ressemble pas à de l’amour.
Plus récemment, un communiqué du CEPE (Commission d’Éthique Protestante Évangélique) encourageait les chrétiens à ne pas céder à la colère et à la peur en votant pour le FN dans les élections régionales de décembre 2015. Cette déclaration, pourtant rédigée avec tact et étayée par un raisonnement biblique, a suscité des réactions indignées de la part de chrétiens choqués qu’un tel organe évangélique prenne position contre un parti politique de droite. Ces personnes se sont parfois exprimées avec virulence à l’encontre du CEPE.
Est-il possible d’aimer « chrétiennement » les adversaires politiques ou ceux qui nous opposent dans le domaine social ? Voici quatre considérations qui pourraient nous aider à mieux « aimer nos ennemis » dans ce domaine.
• Même les communistes et les encartés du FN sont aimés par Dieu
Sans jamais compromettre son amour de la vérité et de la justice, Dieu aime ceux qui le détestent. Nous ne devons jamais oublier que, même dans les batailles d’idées et les luttes éthiques, l’amour reste notre priorité, car nous devons ressembler au Seigneur (Rm 5.6-10).
• Il nous faut apprendre à exprimer un désaccord sans détester notre adversaire
Aimer ne signifie pas approuver. De tout temps, les chrétiens ont lu dans la Bible un encouragement à l’implication dans le débat social et politique de leur époque. Mais s’ils ne savent pas maintenir la priorité biblique de l’amour et du respect, ils font fausse route (1 P 3.15-16).
• Seule la vérité glorifie Dieu
L’exagération, la demi-vérité et la transmission des rumeurs infondées sont des caractéristiques du débat politique et social actuel. Or, Dieu déteste le mensonge (Pr 12.22). Pourtant, de nombreux chrétiens préfèrent passer sous silence les réussites de leurs adversaires, et minimisent les échecs et les méfaits de leur propre camp. Beaucoup n’hésitent pas à transmettre sur Internet des vidéos ou des articles qui semblent conforter leur position sans chercher à vérifier leur véracité. Si un chrétien n’est pas fiable dans son discours politique, pourquoi le serait- il dans son témoignage ou son évangélisation ?
• Dieu est maître de l’Histoire
Même dans le domaine de la politique, le chrétien peut avoir confiance en Dieu. À l’écoute de certains discours catastrophistes, on pourrait croire que tel gouvernement ou telle loi présage la fin de l’Église, ou annonce une impiété telle que le pouvoir rédempteur de la croix serait remis en question. Jésus savait de quoi il parlait quand il a dit que les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre l’Église (Mt 16.18).
Que deviendra l’amour chrétien pendant les présidentielles de 2017 ?
Dans moins d’un an, les Français éliront le prochain président de la République. D’ici là, les chrétiens auront-ils compris que Jésus préfère nous voir aimer nos ennemis plutôt que remporter des batailles électorales ? Aurons-nous trouvé les moyens d’exprimer nos opinions politiques sans mépris pour ceux qui ne les partagent pas ? En démocratie, la participation au débat social et politique est un privilège qui a été chèrement payé. En tant que chrétiens, nous aurions tort de nous tenir à distance. Mais en disciples du Christ, nous avons le devoir de participer avec amour, selon les priorités de notre Maître. Il en va de l’efficacité de notre témoignage.