Le désordre idolâtre
Lecture de Rm 1.18-21
Reynald Kozycki
L’épître aux Romains est un joyau pour comprendre les notions difficiles de péché et de salut. Le chapitre 1 l’aborde sous un angle d’idolâtrie, le chapitre 2 met en avant le juste jugement de Dieu et le jour de sa fureur. Le chapitre 3 en résume plusieurs facettes à partir de textes de l’Ancien Testament, le chapitre 5 remonte au premier homme… Cet article ne donne que l’une des premières facettes du péché dans cette épître. Il s’agit d’un court extrait légèrement adapté d’un article paru dans le supplément de Réseau FEF Infos de décembre 2015 sur l’homosexualité.
En effet, la colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui retiennent la vérité captive de l’injustice ; car ce que l’on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu le leur a manifesté. En effet, depuis la création du monde, ses perfections invisibles, éternelle puissance et divinité, sont visibles dans ses oeuvres pour l’intelligence ; ils sont donc inexcusables, puisque, connaissant Dieu, ils ne lui ont rendu ni la gloire ni l’action de grâce qui reviennent à Dieu ; au contraire, ils se sont fourvoyés dans leurs vains raisonnements et leur coeur insensé est devenu la proie des ténèbres.
Rm 1.18-21 (Traduction OEcuménique de la Bible)
Rejet de la gloire de Dieu
Le verset 18 commence par affirmer que la colère de Dieu se révèle. Elle exprime sa juste indignation face à l’impiété et l’injustice des êtres humains, à cause de sa sainteté absolue. D’après l’épître aux Romains, elle atteindra son paroxysme au « jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu » (2.5). Elle peut s’exercer déjà, plus discrètement, selon le chapitre 13, par le moyen du magistrat et son « glaive envers le malfaiteur » (v.4). Dans ce premier chapitre, cette colère s’exprime par trois actes où Dieu « livre » l’homme rebelle à ses mauvais penchants1. Ce verbe « livrer » (paradidomi) correspond d’ailleurs aux trois actions humaines consistant à « changer » ou « troquer » : la gloire de Dieu, sa vérité et l’ordre naturel.
Les hommes dont parle Paul sont peut-être des maîtres à penser, des faiseurs d’opinion de quelques peuples de l’antiquité. Ils s’opposent farouchement à la vérité ou l’étouffent selon le verset 18. Ils ont une forme de connaissance de Dieu en eux, notamment grâce au témoignage de sa création dans laquelle ils perçoivent sa puissance éternelle et sa divinité (v.18-19). La signature divine est présente dans chacune de ses oeuvres, de l’infiniment grand à l’infiniment petit. Au lieu de les conduire à Dieu, cette connaissance les rend inexcusables (v.20). Ils auraient dû glorifier Dieu et lui exprimer une profonde reconnaissance. Cela aurait été la réaction attendue devant ce qu’ils percevaient de la gloire de Dieu à travers la création. Cette gloire, comme l’écrit James Dunn, est une sorte de « rayonnement stupéfiant de Dieu qui nous presse à une admiration sincère et rend notre fragilité et corruption d’autant plus visibles »2. Le péché fondamental, comme l’écrit Thomas Schreiner, est « ce manquement à l’adoration, tous les autres péchés sont une conséquence de celui-ci »3. Samuel Bénétreau écrit : « La culpabilité de l’homme découle du refus de rendre gloire à Dieu par volonté d’autonomie et de recherche d’une propre gloire »4. John Stott précise : « Les hommes ont pris la décision de vivre pour eux-mêmes et non pour Dieu ou leur prochain ; en conséquence, ils étouffent toute vérité qui viendrait les défier dans leur égocentrisme »5.
NOTES
1. Douglas MOO écrit à propos de cette colère : « L’expérience présente de la colère de Dieu est un avant-goût de ce qui arrivera au jour du jugement », The Epistle to the Romans, New international Commentary on the New Testament, Eerdmans, 1996, p. 101. Nous citerons plusieurs spécialistes du Nouveau Testament dans la suite de l’étude ; la traduction sera personnelle.
2. James DUNN, Romans, Word Biblical Commentary Vol. 38a, Thomas Nelson 1988.
3. Thomas SCHREINER, Romans, Baker Exegetical Commentary on the New Testament, 1998, pour Rm 1.21. Il ajoute aussi : “L’essence du péché est un rejet de la gloire de Dieu et de son honneur”.
4. Samuel BÉNÉTREAU, L’épître aux Romains, T.1, 1996, Édifac, p.71
5. John STOTT, The message of Romans, The Bible speaks today, Vol 22, IVP 2001, Olive Tree, Rm 1.18