Un exemple de traversée du désert :

Le fils du Désert

Film réalisé par John Ford en 1948 avec John Wayne

Par Thierry Seewald

Dans ce western, trois bandits, Robert Hightower (joué par John Wayne), Pedro et Abilene Kid attaquent une banque en Arizona. Traqués par le shérif de la ville, ils doivent s’enfuir avec le butin à travers le désert, à cheval. Lors d’une tempête de sable, ils perdent leurs chevaux. À ce moment, leur unique salut est de se rendre à un point d’eau à pied. À bout de souffle, ils perdent tout espoir quand ils arrivent à une source tarie par la faute d’un pionnier maladroit qui l’a fait exploser en pensant y faire jaillir l’eau. Celui-ci a payé sa bêtise de sa vie et a laissé dans un chariot sa femme sur le point d’accoucher. Après l’accouchement, la mère, se sachant condamnée, implore les 3 hommes de sauver son enfant et de le prendre comme filleul. Les trois bandits n’auront alors qu’un seul objectif : honorer leur promesse et sauver l’enfant.

Abilene Kid, en cherchant des affaires pour le petit, trouve une Bible et en lit au hasard le passage de la nativité. Robert, qui à deux reprises affiche violemment son refus de croire en Dieu, accepte malgré tout de partir pour la ville de la Nouvelle Jérusalem en suivant l’étoile du berger. Pour leur filleul, ils vont se sacrifier un à un. Finalement, seul Hightower (après avoir vu un âne et son ânon apparaître suite à la lecture d’un dernier verset biblique) et l’enfant arriveront à la Nouvelle Jérusalem la veille de Noël sur quelques notes de Douce Nuit. À son procès, le juge propose à Hightower un accord : s’il renonce à ses droits sur son filleul, le juge est prêt à le libérer. Cependant, Robert Hightower par respect pour le serment fait à la mère mourante refuse catégoriquement cette proposition. Sans le savoir, il donne la réponse que souhaitait entendre le juge.

Ce dernier condamne ainsi Hightower à la peine minimale de prison. Cette histoire semble importante pour John Ford, car il avait déjà tourné une première version du film en noir et blanc en 1919 (avec le père de l’acteur qui joue Abilene Kid dans notre film). En lisant les critiques sur internet, il est intéressant de noter que beaucoup de ceux qui ont aimé le film dans leur jeunesse ne le supportent plus aujourd’hui. Pas de violence et trop de bons sentiments, sans doute, pour notre époque.

Ce « film de Noël » contient de nombreux éléments allégoriques, des références bibliques et ce sont les textes de la nativité qui vont conduire les trois bandits (aux allures de rois mages). Mais au-delà du conte de Noël, il y a aussi le thème de la traversée du désert, leur chemin de croix qui passe par le désert de Mojave et le Lac salé de la vallée de la Mort.

À cause de leur vie de brigandage et des circonstances (perte des chevaux, plus d’eau), nos trois larrons sont déjà dans le désert quand ils font le choix crucial : accepter de s’occuper de l’enfant. À cause de ce choix de faire ce qui est bien, ils seront amenés par la suite à d’autres choix positifs qui vont doucement les transformer. Ils vont notamment décider de suivre la Bible, d’une manière très littérale, il est vrai, voire superstitieuse (c’est un conte). Ces choix auront pour chacun des conséquences lourdes :

Abilene Kid, le plus jeune, refusant malgré sa blessure de boire, pour réserver l’eau à l’enfant, meurt d’épuisement en priant le Notre Père ;

Pedro, qui s’est cassé une jambe, se sacrifie après s’être lui aussi confié à Dieu, car il refuse que Robert le sauve et mette en danger la vie de son filleul ;

Hightower assume la conséquence de ses actes et respecte la promesse faite, avec les notions de devoir, de sacrifice et de la parole donnée, qui ont quasiment disparu dans notre XXIe siècle.

Même s’ils entrent dans le désert comme conséquence de leurs actes, on est loin dans ce film de l’idée de la traversée du désert comme punition ou expiation de ses fautes. Le film ne garantit pas non plus qu’un juste comportement dans le désert en fera ressortir indemne, puisque deux des brigands meurent. Cette traversée est plutôt présentée comme une opportunité pour faire de nouveaux choix, une épreuve de purification qui va les transformer, l’occasion de se reconstruire. On peut entrer dans le désert pour diverses raisons. Ce qui importe, c’est la manière dont on va le traverser. Le désert peut être l’occasion de choix nouveaux qui peuvent réorienter positivement nos vies. Pour John Ford, c’est en accomplissant la mission que la mère (et Dieu en filigrane) leur a confiée, que nos trois larrons vont trouver le pardon et la rédemption.