Images et réalités d’un milieu géographique singulier
Par Olivia Adankpo
« Le désert est sans doute le milieu géographique dont les images exercent de nos jours le plus de fascination sur les hommes de tous les pays et de tous les milieux culturels. »
Yves Lacoste, De la géopolitique aux paysages : Dictionnaire de la géographie
Lorsque l’on évoque le mot désert, la première image qui s’impose est celle des dunes du Sahara parcourues de chameaux et de peuples nomades, une vision digne d’une publicité pour des vacances dépaysantes. Mais derrière cette image trompeuse, se dissimulent des réalités géographiques bien plus complexes et méconnues. Au-delà des stéréotypes, il paraît intéressant de revenir sur la manière dont les géographes définissent le milieu désertique et présentent ses caractéristiques géologiques et climatiques.
Les origines du mot
Le terme désert vient de l’adjectif latin desertus, qui signifie « inculte, sauvage, abandonné ». À l’origine donc le désert est utilisé pour évoquer les espaces qui n’ont ni été civilisés ni mis en valeur par les sociétés humaines. Progressivement à partir du XVIIIe siècle, ce mot a désigné les terres inhabitées puis les vastes contrées marquées par l’aridité, c’est-à-dire par de faibles précipitations et une forte évaporation. Dès le XIXe siècle, avec le développement de la géographie physique, les scientifiques ont cherché à mettre en évidence les principales caractéristiques des milieux désertiques.
Le désert, un milieu marqué par l’aridité
Ainsi a-t-on démontré que la notion de désert implique l’aridité, la quasi-absence de végétation et la permanence de vents forts réguliers. Par exemple, le désert côtier d’Atacama (Pérou, Chili) forme l’un des espaces les plus arides au monde, certaines zones n’ayant jamais reçu de pluie. S’il est difficile de délimiter les espaces désertiques par la seule faiblesse des précipitations, les géographes comme Yves Lacoste proposent une définition agroclimatique, associant données agricoles et climatiques, pour définir le milieu désertique. Le désert est un espace où l’on ne peut pas cultiver sans irrigation, où l’accès à l’eau est rendu difficile.
À cette définition s’ajoutent des éléments de grandeur et de faibles densités (souvent inférieures à 10 habitants au km2). Les déserts constituent de grands espaces vides, marqués par la faiblesse de la présence humaine et dans lesquels on risque de se perdre et de périr si l’on ne connaît pas les itinéraires et les points d’eau. Les espaces désertiques couvrent le tiers de la surface des continents.
Les géographes distinguent habituellement deux grands types de déserts en fonction des domaines climatiques :
– Les déserts à hiver froid comme celui du Gobi en Asie centrale ;
– Les déserts sans hiver froid, aux chaleurs torrides, par exemple le Danakil dans la Corne de l’Afrique, où les températures grimpent facilement au-dessus de 50 °C, le désert australien ou bien l’Arabie.
Le désert, un milieu aux réalités géologiques exceptionnelles
C’est l’aridité qui donne aux paysages désertiques leur originalité comme l’a souligné le savant Théodore Monod à propos du Sahara. Le désert est en effet un univers presque exclusivement minéral où peuvent se distinguer avec netteté les formes des reliefs. Quelles sont les spécificités de ces reliefs ?
Les géographes reconnaissent trois formes de reliefs liées au milieu désertique : les ensembles dunaires ou ergs, les vallées et gorges sèches, et les regs, véritables déserts de cailloux. Les ensembles dunaires résultent de l’accumulation du sable poussé par le vent. L’absence de couverture végétale et la permanence des vents forts réguliers font que les phénomènes de déplacements éoliens sont importants, ce qui conduit à la formation des paysages infinis de sable de la péninsule arabique, par exemple. Les formes de relief des vallées sèches sont le résultat de l’érosion fluviale d’anciennes périodes humides. Cette érosion donne l’aspect spectaculaire de ces gorges, comme au Grand Canyon aux États-Unis. Les regs résultent de l’érosion et du transport éolien des éléments les plus fins des formations alluviales (anciens fleuves et lacs). Ces plaines de graviers et de rochers occupent la majorité de la surface du Sahara, bien loin des images typées et figées que l’on se fait de ce désert.
Si le désert est un milieu qui pose de nombreuses contraintes à l’occupation humaine, certains déserts ont été depuis longtemps mis en valeur et parcourus par les sociétés humaines qui profitent de la présence rare et convoitée des oasis. Ces points d’eau permettent le développement de l’agriculture et sont considérés comme des lieux de verdure et de calme, en opposition radicale avec le milieu désertique.
Les paysages et les images des déserts apparaissent multiples, riches et complexes. Néanmoins, c’est la représentation du désert comme espace reculé, propice au retrait du monde et à la rencontre avec Dieu qui marque les Écritures et que nous sommes invités à sonder.