PHOTO : Fabien Siméon
Il essuiera toute larme
de leurs yeux
Par Thierry Seewald
L’article Grain à Moudre de ce numéro a abordé le renouvellement de toutes choses selon 2 Co 5.17 et les limites de ce renouvellement dans l’ère présente ; ce qui, déjà ici-bas, peut être nouveau dans la vie du croyant, ce qui reste à venir. Cet article aborde la question symétrique : que restera-til de nous, de notre identité, de notre histoire, dans le monde à venir ?
Il est difficile de savoir ce que nous serons vraiment et ce que sera notre apparence après la résurrection. Cette question n’est abordée dans la Bible que par des images. La plus connue se trouve en 1 Co 15.42- 44 : Semé corruptible, on ressuscite incorruptible. Semé méprisable, on ressuscite glorieux. Semé plein de faiblesse, on ressuscite plein de force. Semé corps naturel, on ressuscite corps spirituel.
Plus important pour notre sujet est le texte d’Apocalypse 21.3-4 ainsi que celui d’Apocalypse 7.15-17 qui lui est très proche.
Dans les deux textes, il est question de la glorieuse présence de Dieu au milieu des croyants, de l’absence de souffrance dans la Nouvelle Jérusalem (ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur en Ap 7 et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur en Ap 21).
Et dans les deux textes revient cette affirmation : Il essuiera toute larme de leurs yeux. Sans vouloir tirer de ce petit extrait de verset toute une doctrine sur le monde à venir, il est toutefois possible d’en déduire plusieurs vérités.
La première, et la plus évidente, affirmée également par le reste des versets cités est, comme nous l’avons déjà dit, que nous ne souffrirons plus. Toutes choses sont maintenant définitivement devenues nouvelles, les premières choses, fragiles, éphémères, soumises à la vanité ou la futilité (Rm 8.20) ont disparu, la mort a été vaincue.
La seconde, qui est l’affirmation centrale concernant cette expression, est que si Dieu essuie nos larmes, cela signifie que nous aurons certaines larmes en arrivant. L’expression n’est sans doute pas à prendre littéralement, mais elle indique une continuité d’être entre ce que nous sommes aujourd’hui et ce que nous serons alors. Contrairement à la réincarnation, où l’être humain ne se souvient pas de ses vies antérieures (comme autre être humain ou comme chameau peut-être), nous emportons notre histoire et notre identité avec nous.
Notre identité, cela signifie que la personne qui ressuscitera sera la même que celle qui est un jour décédée ici-bas. C’est bien Moïse, qui est pourtant décédé, qui rencontre Jésus sur le mont de la Transfiguration (Mt 17.2)1, c’est Job en personne qui, une fois décédé, contemplera son rédempteur (Job 19.26).
Notre histoire, cela signifie que nous nous souviendrons des joies et des peines, des réussites et des souffrances que nous avons traversées. Nous porterons en particulier le poids de nos blessures, nos tristesses, nos épreuves, nos déceptions sur nous-mêmes. Serions-nous réellement nous-mêmes dans le cas contraire ? Une femme qui perd un enfant en couches ou un parent qui porte le deuil d’un enfant décédé serait-il vraiment lui-même s’il oubliait tout de cet événement ou s’il ne lui importait plus, tout à la joie d’être avec le Seigneur ?
Mais, bonne nouvelle, ces larmes seront essuyées. Dieu guérira alors les blessures qui ont du mal à se cicatriser ici-bas. L’expression « essuyer » donne l’impression d’un temps, d’une durée. Il n’est pas simplement dit que Dieu les fera disparaître, mais plutôt qu’il fera comme un père aimant qui, voyant une larme couler des yeux de son enfant, passe doucement son doigt sur le visage de l’enfant pour y enlever la larme. L’expression donne aussi l’impression qu’à un moment donné les larmes auront été essuyées, que nous aurons reçu la consolation.
Des « cicatrices » resteront, marque de notre histoire, de notre vécu, de notre identité, comme les marques des clous dans les mains de Jésus après la résurrection, mais les plaies ne seront plus douloureuses, nous serons consolés.
NOTES
1. Nous n’abordons pas ici le fait qu’Élie n’est pas à proprement parler décédé, mais a été enlevé par Dieu, le cas de Moïse est suffisant.