Dieu est Esprit

 

 

Par Marcel REUTENAUER

reutenauer

 

 

C’est une tendance naturelle, chez l’homme, de chercher à ramener les notions spirituelles à des représentations concrètes. En effet, notre pensée est trop limitée pour manier de seuls concepts abstraits.

 

 

 

À l’énoncé du titre de cet article, vous avez peut-être spontanément complété… et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent par l’Esprit et en vérité.1 Cette parole de Jésus, en réponse à la question de la femme samaritaine qui l’interrogeait sur le lieu où il faut adorer Dieu, établit discrètement que Dieu est partout et peut donc être adoré en n’importe quel lieu. Ce qui est déterminant, c’est la disposition intérieure, celle du coeur.

 

D’autres passages de l’Écriture nous parlent de cette omniprésence de Dieu sur la terre entière : par sa bonté (Ps 33.5) et sa gloire (Ha 3.3). Salomon, lors de la dédicace du temple, reconnait l’incommensurable grandeur de Dieu et dit : Mais quoi ! Dieu habiterait-il véritablement sur la terre ? Voici, les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir : combien moins cette maison que je t’ai bâtie ! (1 R 8.27) Et le psalmiste ne peut que s’émerveiller dans sa méditation (Ps 139.1-18).

 

 

Tu ne te feras point d’image taillée

 

statueDieu, pour se révéler, accepte que ses actions soient ramenées à des images connues : yeux, oreilles, bras, etc2. Ces anthropomorphismes sont très fréquents dans la Bible3.

 

Mais Dieu ne peut être comparé à aucune chose existante et ne peut être représenté ; toute tentative de le faire serait ridicule4. Tenter de le représenter par une statue (métal précieux, pierre, bois…) est interdit par le premier commandement5. Ce serait en effet réduire la personne de Dieu à une quantité de matière limitée, lui qui est le créateur de toutes choses, ou de le ramener à la dimension d’une statue – fut-elle monumentale ! –, lui qui est omniscient et omnipotent. Une telle représentation serait indigne de lui. Ce serait aussi se donner le pouvoir de mettre la main sur lui, de pouvoir le déplacer selon les besoins.

 

En premier lieu, Dieu défend d’adorer une autre divinité que lui et il affirme par là son caractère unique. En deuxième lieu, l’Éternel défend de faire de lui une « image taillée » par laquelle les hommes chercheraient à le représenter. L’histoire d’Israël mentionne plusieurs fois cette erreur. Dès les premiers pas après la sortie d’Égypte, alors que Moïse est sur la montagne pour recevoir la Loi, le peuple demande à Aaron de fabriquer un dieu qui marche devant nous6. Plus tard, après la séparation des deux royaumes de Juda et d’Israël, Jéroboam fit fabriquer deux veaux d’or qu’il plaça dans les sanctuaires de Béthel et de Dan7. Ce péché fut condamné avec véhémence par le prophète Osée8.

 

Représenter Dieu, le créateur, par l’une quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre serait de même diviniser l’une de ses créatures.

 

Une autre tentation a régulièrement été de « diviniser » un lieu (arbre, montagne, rocher, source, etc.) en lui conférant le caractère de sanctuaire où l’on pourrait rencontrer Dieu, lui rendre un culte, offrir des libations et implorer son intervention. Ce serait le réduire, à la façon des peuples animistes, au rang de dieu territorial dont le pouvoir serait limité à une zone géographique définie alors qu’il est omniprésent.

 

Il y a des cas où un objet qui a été l’instrument d’une intervention de Dieu a été divinisé, c’est-à-dire que les hommes lui ont prêté un pouvoir surnaturel et l’ont utilisé ensuite pour maîtriser une situation problématique. C’est le cas pour l’arche de l’alliance, emportée sur le champ de bataille sans consultation de Dieu, pour garantir la victoire9. Il en va de même aujourd’hui pour les reliques de chrétiens défunts, d’objets ayant appartenu à des croyants que nous aimions, et même de la bible – les pages ou le livre relié – à laquelle certains chrétiens confèrent un pouvoir magique à la façon d’une amulette.

 

Les chrétiens évangéliques ont, à juste titre, écarté l’imagerie pieuse – fut-elle artistique – de leurs lieux de culte. Tout en reconnaissant qu’un cadre esthétique puisse favoriser, pour certains, l’élévation de l’âme pour l’adoration de Dieu, le danger est toujours de dériver vers une divinisation de l’image.

 

Notre Dieu ne sommeille ni ne dort, en tout lieu et à chaque instant, nous pouvons nous adresser à lui, pour l’adorer ou le supplier. Il nous a donné l’Esprit saint qui habite en nous !

 

M.R.


NOTES

 

1. Jn 4.24

 

2. Par exemple : Ps 34.16 ; Gn 6.11 ; Ps 116.15 ; Ex 15.6 ; Ps 139.10 ; Ps 33.6 ; Mt 4.4 ; etc.

 

3. Voir l’article de Jonathan Hanley en page 2

 

4. És 40.18-20

 

5. Ex 20.2-5a

 

6. Ex 32.1

 

7. 1 R 12.25-33

 

8. Os 8.5-6

 

9. 1 S 4.2-11