Clartés sur le gender

 

genre

 

Par SYLVAIN AHARONIAN

aharonian

 

 

« Vous serez comme des dieux (ou : comme Dieu) » (Gn 3.5) : le Serpent n’a pas fini d’inciter à la révolte ! Aujourd’hui, l’un des cris de la sédition humaine résonne du vocable gender…

 

 

 

 

 

Les origines du gender

 

Des penseurs français ont sans doute joué un rôle préparatoire dans l’essor de l’idéologie du gender. Jean-Paul Sartre a par exemple posé comme un absolu la liberté humaine : la subjectivité étant tenue pour sacrée, à chacun de se forger librement ses normes, pour devenir son propre projet, sans alléguer un quelconque déterminisme ! De son côté, Simone de Beauvoir a contesté que le corps sexué pourrait assigner une identité : « On ne naît pas femme, on le devient. »1

 

Niant ainsi tout fondement dans la nature pour les différences sexuelles, un courant féministe prétendra que celles-ci ne sont que le produit de la culture. L’ambition sera alors de défaire ce que la culture a fait.

 

Par ailleurs, dès 1955, le psychologue John W. Money a vulgarisé le terme gender pour évoquer l’identité sexuelle qu’un individu se forge d’après ce qu’il perçoit de son sexe et de son orientation sexuelle. Money a adopté cette façon de parler après s’être penché sur le cas d’enfants souffrant d’une ambiguïté des organes génitaux : il a en effet observé que ces sujets avaient le sentiment d’être garçons ou filles selon ce que l’on avait décidé pour eux à la naissance, et il en a conclu que, pour le développement du sentiment d’appartenance sexuelle, le biologique est moins important que l’empreinte psychologique.

 

 

Le programme du gender

 

C’est ainsi qu’au sens social le mot genre désigne à présent le rôle attribué par la collectivité à l’individu en raison de son sexe biologique ; et au sens psychologique le mot désigne désormais « la perception subjective que l’individu a… de son identité sexuelle »2. Or si cette identité n’est qu’une construction sociale arbitraire ou qu’une représentation mentale, elle est aussi susceptible d’être modifiée. Il faudrait donc s’affranchir des contraintes de ce que le sens commun prend pour naturel, mais qui serait en réalité historique.

 

De fait, rejetant la vision réaliste de l’altérité sexuelle, l’idéologie du gender veut amener l’individu à être ce qu’à tout moment il décide d’être. De façon radicale, les propagandistes du mouvement queer3 ne font cas que de l’orientation sexuelle, variable. Aussi une sexualité polymorphe est-elle prônée. Bref, la différence des identités sexuelles choisies est appelée à supplanter la différence objective des sexes.

 

« Marx voulait construire une société sans classe, Queer cherche à édifier une société sans sexe. »4 La différence des sexes est en effet perçue comme le moyen par lequel la nature aliène l’indépendance de l’être humain. Il s’agit donc de détruire le schéma de la différenciation sexuelle s’imposant à l’humanité, pour libérer l’individu de tout déterminisme naturel.

 

La fin de cette entreprise est l’avènement d’un monde arbitraire, dans lequel l’hétérosexualité ne devrait plus prévaloir, pas même au nom de la perpétuation de l’espèce humaine : le féminisme radical rêve déjà d’utérus artificiels permettant de libérer les femmes de la contrainte de la maternité, considérée comme un stéréotype !

 

Or ces idées se prévalent volontiers d’une mise en oeuvre radicale de la démocratie, « l’anatomie ne [devant] plus [y] être un destin »5. Notons cependant que cette vision du monde et cette éthique du libre choix ne s’imposent pas sans contrainte, du moins sans un conditionnement. Ne distingue- t-on pas en France l’intrusion de l’idéologie du gender dans la formation des professionnels de la petite enfance et dans l’enseignement scolaire, au risque de heurter des consciences et de contrevenir au principe de laïcité ?

 

 

Le procès scientifique du gender

 

La part de vérité scientifique du gender, c’est que le cerveau humain est influencé par divers facteurs : entre biologie et culture notamment, il y a des influences réciproques. C’est ce que la neurobiologiste Lise Eliot6 explique, en montrant que le cerveau se transforme en fonction de son propre vécu.

 

Eliot nous rappelle ainsi l’importance de l’éducation dans le développement différencié des garçons et des filles. D’ailleurs, les sciences humaines ont su montrer qu’une tradition particulière influence toujours l’entendement et les agissements de l’individu. Cela nous ramènera à notre responsabilité morale puisque nous avons à faire des choix, d’ordre éducatif notamment, en fonction de valeurs qui ne sont pas forcément explicites dans la nature.

 

identiteReste bien sûr la réalité de la constitution génétique différenciée de l’homme et de la femme : « les quelques gènes supplémentaires du chromosome Y du garçon influencent ses comportements… et, sans doute, les structures cérébrales qui les sous-tendent »7.

En tout cas, l’androgynisme générique au stade primaire n’a aucun soutien scientifique, mais est un idéalisme. En fait, la dénégation a priori de toute pertinence de la réalité du sexe biologique pour l’identité sexuelle ressortit à de la dissimulation.

 

L’identité sexuelle ne se réduit donc ni à une construction sociale ni à l’anatomie. À l’évidence, le caractère sexué constitue une donnée initiale déterminante, mais l’épanouissement des particularités mentales réputées masculines ou féminines tient aussi aux relations nouées et à la culture transmise.

 

 

L’évaluation morale du gender

 

L’éthique théologique confesse d’abord l’autorité morale de Dieu, dont la parole définit ce qui est bien. Ensuite, elle recueille volontiers dans la structure fondamentale de notre être des confirmations de ce que le Créateur a prescrit. Reste que la Parole est nécessaire pour bien saisir quel est l’ordre créationnel.

 

En l’occurrence, Dieu révèle avoir créé l’homme et son vis-à-vis, la femme : le sexe d’une personne n’est donc pas un accident, et c’est bien à tort que l’idéologie du gender nie en somme le corps en le traitant comme une entité détachée de la personne.

 

Confesser cela n’équivaut pas à nier l’influence de l’environnement sur l’identité sexuelle : celle-ci présente, dans une certaine mesure, un aspect conventionnel. Cependant, c’est la réalité créationnelle, commentée par l’Écriture, qui est normative.

 

Ainsi, la sexualité, principe de différenciation, établit aussi des relations différenciées, comme le montre l’institution du mariage. Le rapport d’altérité entre l’homme et la femme signale en effet leur incomplétude.

 

Le péché, lui, refuse la limite et donc la différence ; il incite à prétendre à l’intégralité de l’humain. Au gender, qui veut persuader l’individu de devenir en quelque sorte son propre créateur, il faut répliquer que chacun est créé tout entier homme ou femme, comme l’affirme l’Écriture à laquelle fait écho notre constitution anatomique et génétique. C’est cette réalité qu’il nous revient d’assumer, pour notre bien. C’est aussi conformément à cette donnée créationnelle qu’il convient de structurer la société, pour son bien.

 

S.A.

 


NOTES

 

1. Simone de BEAUVOIR, Le Deuxième Sexe, Paris, Gallimard, 1949, p. 285.

 

2. Élizabeth MONTFORT, Le Genre en questions, s. l., Peuple Libre, 2012, p. 10.

 

3. Le terme signifie « bizarre », « louche ».

 

4. Joseph-Marie VERLINDE, L’Idéologie du gender comme identité reçue ou choisie ?, Mesnil- Saint-Loup, Le Livre Ouvert, 2012, p. 39.

 

5. Florence ROCHEFORT, citée par Thibaud COLLIN, « Genre : les enjeux d’une polémique », Communio, n° 6, t. XXXVI, 2011, p. 120.

 

6. Cerveau rose, cerveau bleu, Les neurones ont-ils un sexe ?, trad. de l’américain par Pierre REIGNIER, Paris, Robert Laffont, 2011, 510 p..

 

7. Ibid., extrait consulté en mai 2013 sur http://books.google.fr/.