Accompagner les enfants
du divorce
Par Marie-Christine Fave
Papa et maman se séparent… Cela est vécu par certains comme un tsunami familial, par d’autres de façon un peu moins tragique. Mais quoi qu’il en soit, c’est toujours difficile. Ces enfants, ces jeunes qui évoluent au milieu de situations familiales tendues, de divorce, nous les côtoyons dans les camps, et parfois même dans nos groupes de jeunes ou dans nos Églises. Que faisons-nous ? Comment les accompagner, essayer de les soutenir ?
David SUTHERLAND, de l’Église de la rue Sonnerat à Lyon, souligne d’abord quelques mots clés : prudence, discrétion, garder la paix, prêt à écouter, passer du temps. Jean-Luc TABAILLOUX, de l’EPEGE1 à Grenoble, nous fait ensuite part des conseils qu’il donne aux jeunes dans ces cas-là.
Écouter, passer du temps
« Nos enfants invitaient souvent des copains à la maison et à dormir, se rappelle David. Un camarade de notre fils aîné, dont les parents étaient séparés, voulait venir le soir de Noël chez nous. Il était infect avec sa mère alors qu’avec nous cela se passait bien. » David nous encourage à « inviter les enfants, être prêts à les écouter, être là pour les rassurer. Ce n’est pas toujours facile d’avoir les enfants seuls à la maison, reconnaît David. Cela nous est arrivé plusieurs fois d’en recevoir et de leur dire que nous priions pour leur papa et leur maman, surtout si la séparation était récente. Nous essayions de leur montrer un amour un peu maternel, un peu paternel. »
Des référents
Pour autant, David ne se substitue pas au père. « Des mamans qui avaient la garde de leur enfant m’ont parfois demandé d’intervenir comme un père auprès de leur enfant, confie David. J’ai toujours refusé de faire la morale à un enfant. Je ne suis pas le père. Je suis le responsable de l’école du dimanche ou d’un club d’enfants. J’ai un autre rapport. Il faut savoir garder sa place. »
« On ne peut pas se substituer aux parents, ajoute Jean-Luc. Cependant, on peut être un soutien, apporter une mise en perspective, dédramatiser, montrer la ressource du Seigneur. Certaines personnes peuvent servir de référents. Je recommande aux responsables de notre groupe de jeunes de veiller sur telle ou telle personne, notamment en leur manifestant de l’affection, en étant attentifs aux besoins exprimés ou non. »
En discutant un jour avec une étudiante dont les parents s’étaient séparés pendant son adolescence et faisaient face en plus à des problèmes de santé, celle-ci me confiait que les camps et son groupe de jeunes avaient été une aide précieuse pendant cette période. Il faut tout un village pour élever un enfant : ce proverbe africain nous rappelle l’impact que peuvent apporter différents adultes dans le développement d’un enfant ou d’un jeune. Et la complémentarité sera encore plus importante si la situation familiale présente des lacunes.
Garder la paix
« Dans la mesure du possible, nous nous efforçons de maintenir de bonnes relations avec le père et avec la mère, affirme David. Nous pensons en effet au bien-être de l’enfant : il est préférable qu’il ne voie pas qu’il y a une préférence pour le père ou la mère. Je me souviens de cette maman qui avait la garde de ses enfants. Avec peu de moyens, elle assumait ses responsabilités. Le père était beaucoup plus à l’aise financièrement, et il gâtait les enfants. Ceux-ci disaient parfois : Papa, il est super. Nous ne pouvions pas parler négativement du papa. Nous avons cependant aidé la maman pour un achat ou l’autre. »
Prudence et discrétion
« Son père ne sait pas qu’il est ici. Il ne faut surtout pas qu’il le sache », insiste cette maman au début d’un camp dont David a la direction. Un jour, le père télé- phone au centre pour savoir si son enfant est dans ce centre de vacances. « Il faut se couvrir, assure David. J’ai évité de répondre. J’ai expliqué que, par principe, le directeur ne donne pas le nom des campeurs. »
En ce qui concerne les clubs d’enfants, David choisit la prudence quand l’enfant est chez un des parents. Pour cela, il préfère faire signer l’autorisation parentale aux deux parents dans la mesure du possible, ou au moins obtenir un accord verbal si on connaît l’autre parent. « Il faut aussi s’adapter, poursuit David. Ils seront là samedi, avait affirmé la maman. Et puis, le samedi, il n’y a personne. Le papa est passé et a proposé une sortie. »
Ni juge ni responsable du divorce
« Tu n’es pas responsable du divorce de tes parents et des mauvais souvenirs qui suivent, précise Jean-Luc aux jeunes qui vivent cette situation. Mais tu es responsable de ce que tu vas en faire. » Jean- Luc leur conseille de ne pas se comporter en victimes, de ne pas faire porter au reste du monde les conséquences de leur souffrance.
« Tu n’es pas juge de tes parents, ajoute Jean-Luc. Ils ont fait avec ce qu’ils étaient, ce qu’ils savaient. N’attends pas d’eux ce qu’ils ne peuvent pas te donner. Il y a un deuil à faire. Certaines choses ne changeront pas. »
Des conseils pertinents et qui ont peut-être besoin de temps pour faire leur chemin dans le coeur. En effet, « quand les jeunes viennent me parler de la séparation de leurs parents, j’ai souvent vu qu’ils avaient un parti pris pour l’un ou pour l’autre, reconnaît David. Il y a de la colère dans leur coeur. »
Analyser les causes
Lors d’un entretien avec un jeune chrétien qui fréquente une jeune fille chrétienne, Jean-Luc décide d’attirer l’attention de celui-ci sur sa situation familiale : « As-tu analysé les causes qui ont amené l’explosion du couple de tes parents (les paroles, les habitudes…) ? », lui demande Jean-Luc. « C’est important que tu les comprennes pour t’en séparer. Pour ne pas répéter le même processus, il faut que tu en sois conscient. » Jean-Luc le met aussi en garde : « La personne que tu vas épouser, ce n’est ni ton père ni ta mère. Tu risques de trouver chez ton futur conjoint des attitudes qui vont te mettre mal à l’aise à cause de ce que tu as vécu chez tes parents. » « Il était content que je lui parle ainsi, car il n’y avait jamais pensé », constate Jean- Luc.
Bien petits !
Comment accompagner ces enfants, ces jeunes qui traversent des situations de crise au sein de leur famille ? On se sent bien petit devant de telles circonstances ! Les partages ci-dessus ne visent évidemment pas à nous fournir des recettes pour savoir que dire ou que faire. Nous pouvons néanmoins retenir quelques conseils. Et le temps que nous pourrons investir auprès de ces jeunes, l’écoute, la disponibilité, la prière peuvent faire partie de ce que faire.
MC.F.
Pour se développer normalement, les enfants ont besoin d’être nourris émotionnellement par des adultes dignes de confiance autour d’eux. Drew PINSKY, médecin2 |
NOTES
1. Église Protestante Évangélique de Grenoble-Eybens
2. Cité dans le livre : « Enfants à risques, Enfants à promesses »