Aimer la vérité à l’ère d’Internet

 

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Par Jonathan Hanley

 

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Certains débats publics récents ont ravivé une ancienne perplexité chez moi. Pourquoi, à l’écoute d’un message qu’ils veulent entendre, tellement de chrétiens se préoccupent-ils relativement peu de savoir s’il est vrai ?

 

 

 

 

 

Un problème aggravé par Internet et les téléphones portables

 

iconePDFLa question de la véracité des messages que nous propageons est particulièrement d’actualité à l’ère d’Internet, qui facilite la transmission d’affirmations ou de demandes à des multitudes de personnes. Reçus par e-mail (ou SMS) ou aperçus sur les réseaux soc iaux comme Facebook ou Twitter, des messages trompeurs appelés fakes (faux) ou hoax (canulars) nous proposent de partager un lien Internet ou transmettre un message pour gagner un des 500 ordinateurs qu’Apple n’arrive pas à vendre, pour aider à retrouver une fillette disparue ou pour annoncer une découverte qui va bouleverser le monde tel que nous le connaissons.

 

 

Quelques exemples de hoax ?

 

Un canular récent particulièrement bizarre concerne un article rapportant la découverte par des archéologues de squelettes gigantesques qui correspondraient aux Nephilim, ces géants mystérieux mentionnés dans Genèse 6.4. L’article, qui comporte des photos de fouilles archéologiques où des personnes s’affairent autour de formes humanoïdes disproportionnées, affirme que ces découvertes confirment le récit de la Genèse. Ces photos sont truquées à l’aide de programmes informatiques.

 

Les persécutions des chrétiens et les conflits interreligieux sont des terrains fertiles pour les « fakes ». Il y a quelque temps, un de mes contacts Facebook a posté l’image effrayante de cadavres calcinés alignés dans une morgue de fortune en Afrique. La légende de la photo affirmait qu’il s’agissait de chrétiens brûlés par des musulmans. Or, la photo avait été prise à la suite de l’accident et de l’embrasement d’un camion transportant du carburant au Congo en juillet 2010. Rien à voir avec la persécution !

Mais les chrétiens n’ont pas attendu Internet pour propager des hoax. Au début des années 90, l’histoire circulait que des chercheurs avaient repéré, à l’aide d’ordinateurs, des irrégularités dans le calendrier solaire, comme si le soleil et la terre avaient ralenti leur course quelque temps. Selon cette histoire, les chercheurs auraient alors découvert que ces irrégularités correspondaient exactement aux journées miraculeusement prolongées que nous décrit la Bible dans Josué 10 et Ésaïe 38.

 

 

Pourquoi les chrétiens propagent-ils ces canulars ?

 

Pourquoi ces histoires et d’innombrables autres mensonges de ce genre trouvent-ils un terrain aussi fertile chez les chrétiens ? Confondons-nous croyance et crédulité ?

Nous aimons croire ce qui tend à renforcer la foi. Qu’il s’agisse des Nephilim ou des jours « rallongés », la Bible nous apprend que les miracles font partie d’un monde créé par Dieu. Comme nous aimerions voir plus souvent ce genre de manifestations de la puissance divine, je suppose que certains chrétiens sont tentés d’améliorer la vérité. De plus, nous aimons tous raconter une histoire sensationnelle qui mobilise l’attention de nos interlocuteurs. C’est pourquoi nous colportons parfois trop facilement les récits d’actes malveillants contre les chrétiens dans les pays où, par ailleurs, la persécution est avérée et une réalité douloureuse pour nos frères et soeurs. Il nous arrive aussi de transmettre un peu vite une information qui nous conforte dans notre opposition à un gouvernement qui semble antipathique à la foi chrétienne.

Il est vrai que nous vivons à une époque où l’amour de la vérité et l’intégrité ne sont pas des valeurs particulièrement prisées. Elles n’arrangent pas les affaires de nombreux décideurs de la société, qui préfèrent voir les gens consommer et se taire. Mais Dieu appelle ses enfants à la différence dans ce domaine.

 

 

Quelles sont les conséquences ?

 

D’abord, notre crédibilité est en jeu. Quand les chrétiens diffusent comme vraies des histoires inventées, comment attendre de nos contemporains qu’ils nous croient quand nous affirmons la résurrection de Jésus ? Si les chrétiens rejoignent les rangs de ceux qui racontent n’importe quoi, comment convaincre les gens de la véracité du message de la croix ? De plus, il est facile de vérifier la fiabilité de la plupart des histoires d’Internet sur des sites spécialisés qui débusquent les distorsions de la vérité (comme www.hoaxkiller.fr, etc.).

Nous avons le devoir de vérifier nos sources. Ensuite, lorsque nous relatons une intervention divine fictive, cela revient à dire à Dieu qu’il n’est pas assez fort pour impressionner les gens, et qu’il nous faut compléter ses lacunes. Quand il s’agit de la persécution des chrétiens, inventer des détails croustillants représente une insulte à l’égard de ceux et celles qui vivent la persécution comme une réalité quotidienne.

Finalement, une conséquence majeure de ces mensonges, même lorsqu’ils semblent soutenir le point de vue chrétien, est qu’ils sont une atteinte à la gloire de Dieu qui n’aime que la vérité (Ps 5.6, Ép 4.25, etc.).

Nous avons un message fou à proclamer : la croix. Ce message est suffisamment difficile à faire passer (voir 1 Co 1.18-25). Si nos contemporains sont offusqués par la foi chrétienne, que ce soit à cause de la folie de la croix, pas à cause de la folie des chrétiens !

 

 

Et nos manquements, devons-nous les cacher ?

 

Le devoir de vérité des chrétiens devrait nous empêcher de masquer nos lacunes. Nous n’allons pas nous vanter de ce qui ne va pas dans notre vie de foi et dans nos Églises, mais nous devons aussi accepter que la vérité finira par se savoir. Plusieurs domaines me semblent souffrir d’opacité dans la manière dont nous présentons le témoignage chrétien. Deux d’entre eux me semblent mériter une attention particulière.

 

 

  • La désunion dans nos Églises. De nombreux jeunes chrétiens découvrent avec surprise les conflits et le manque d’amour entre enfants de Dieu, une situation tellement contraire à ce qu’ils attendent à la lecture des Écritures. Je ne détiens pas la solution à ce problème, mais il me semble que nous devrions trouver un meilleur moyen d’aborder cette question que de laisser de nombreux nouveaux arrivants découvrir l’étendue des dégâts lors de leur première Assemblée générale d’Église, par exemple.

 

  • La culture de la louange dans nos chants. Il est difficile de trouver l’équilibre entre la célébration d’un Dieu parfait et l’évocation de notre humanité tellement imparfaite. Néanmoins, il est fréquent de constater un écart ahurissant entre certaines affirmations triomphalistes de nos chants et la réalité de la vie chrétienne.

 

 

Comment aimer la vérité ?

 

Si nous sommes concernés par cette question, comment pourrions-nous être plus attentifs à parler avec vérité de notre Dieu et de la vie chrétienne ? Comment encourager un plus grand amour de la vérité de la part de ceux que nous enseignons ou encourageons dans la foi ?

Je ne prétends pas résoudre ce problème, mais il me semble que trois considérations méritent plus d’attention de la part des chrétiens qui tendent à dissimuler ou « contourner » quelque peu la vérité.

 

1. Redéfinir nos objectifs : nous n’avons pas pour mission de défendre Dieu, mais de nous laisser utiliser par son Esprit vivant et puissant dans la démonstration d’une relation authentique avec le Christ.

 

2. Pratiquer le bon sens : si c’est trop beau pour être vrai, ce n’est probablement pas vrai ! (Sauf dans le cas du message même de l’Évangile !)

 

3. Veiller à l’authenticité de nos affirmations et de nos cantiques : les témoignages et les chants sont des composantes primordiales de nos cultes, et ne doivent pas être simplement l’évocation de nos rêves et désirs, mais une expression intègre de la grandeur de Dieu à l’oeuvre dans un monde brisé et dans nos vies compliquées.

 

Le seul vrai moyen de conjurer le malheur du monde n’est pas de l’imaginer plus heureux, mais de le remettre à Jésus, qui est mort pour nous sauver. Et il aime éperdument la vérité.

 

 

J.H.