Cinq leçons tirées de l’épreuve
Par Reynald Kozycki
L’épreuve nous atteint un jour ou l’autre. À partir de son témoignage personnel, il a été demandé à l’auteur de partager quelques leçons qu’il a pu en tirer.
J’ai souvenir, au tout début de mon ministère pastoral, d’avoir apporté une série de 5 études sur le livre de Job et la souffrance. La préparation de ces longs chapitres et les partages qu’ils ont suscités m’avaient beaucoup apporté. Je réalisais, au moins en théorie, l’importance de faire confiance complètement au Seigneur, sans forcément chercher à comprendre le pourquoi de l’épreuve.
Quelques semaines après cette série, avec ma petite famille, nous participions à un week-end de rentrée de l’Église. Notre enfant unique de 18 mois, laissé à la surveillance d’amis pendant une réunion, nous « quittait » suite à un accident. L’épreuve nous frappait de plein fouet. J’avais l’image ou le sentiment d’une sorte d’amputation à vif (sentiment que ma femme éprouvait peut-être de manière plus frontale). Je pouvais mesurer la distance qui sépare parfois notre savoir théorique et notre expérience. Avec les questions qui fusent dans tous les sens, la culpabilité, l’amertume, se mêlaient aussi les promesses bibliques, et quelque chose d’inexplicable de la présence du Seigneur. Voici des exemples de questions qui nous traversaient : « Est-ce qu’une simple négligence humaine peut échapper à la souveraineté de Dieu à ce point et aboutir à un tel drame pour nous ? » « Si Dieu est souverain, pourquoi a-t-il permis cela ? Que veut-il nous enseigner ? Est-ce un jugement que Dieu permet sur nos vies, nos ministères… ? » Avec du recul, voici quelques leçons tirées de cette épreuve.
1. NOS PARCOURS SONT UNIQUES
Chaque épreuve, surtout lorsqu’elle est assez lourde, est unique. Les explications qu’on peut donner, un peu comme les amis de Job, ne sont pas de grande utilité, parfois même décourageantes. Il est évident qu’une personne qui a vécu quelque chose de proche peut mieux comprendre, mais dans tous les cas, quand la douleur est particulièrement vive, il est très difficile de s’identifier avec les explications de l’épreuve des autres (même s’il faut nuancer avec le point 3).
PHOTO : Brimham Rocks
2. UN EXAMEN DE NOS VIES
L’épreuve permet un réexamen profond de nos vies devant Dieu. Quelqu’un disait qu’elle jouait le rôle d’une lampe torche dans nos coeurs, faisant ressortir les scories, mais aussi le véritable attachement à Dieu. Lors de l’épreuve dont j’ai parlé ci-dessus, j’avais préparé, durant les jours précédents, une prédication sur la parabole du semeur qui devait être donnée le lendemain. J’avais longuement médité sur la deuxième terre, celle qui « envoie tout balader » dès que surviennent une « tribulation » ou certaines tentations. Ces épreuves révèlent, en quelque sorte, la longueur des racines de notre foi : Mais ceux-là n’ont pas de racine, ils ne croient que pour un moment, et au moment de l’épreuve ils font défection. (Lc 8.13).
3. LA CONSOLATION
Ces versets de Paul ont été souvent, pour moi, dans différentes épreuves, une grande promesse. Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père compatissant et le Dieu de toute consolation, lui qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que, par la consolation que nous recevons nous-mêmes de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans toute sorte d’afflictions (2 Co 1.3- 4). Il est intéressant de remarquer les deux expressions qui caractérisent notre Père céleste. Il est d’abord ce Père plein de compassion, on pourrait dire aussi « dont les entrailles s’émeuvent pour nous ». Il est loin d’être insensible à nos épreuves dans son amour envers nous. Il est aussi appelé le Dieu de toute consolation. Il va plus loin que la compassion, il a la puissance de nous consoler, de panser nos blessures, d’essuyer nos larmes, en nous donnant un avant-goût de la nouvelle création où il essuiera toute larme. Cette consolation, lorsque nous la recevons, permet aussi, un jour ou l’autre, d’encourager d’autres personnes. D’autre part, ce texte parle de l’aide mutuelle. Si les amis de Job n’ont pas été d’une grande utilité lorsqu’ils se sont lancés dans des discours accusateurs, leur silence et leur présence ont certainement été très appréciés par Job, au moins dans un premier temps. La plupart des cultures ont intégré l’importance, par exemple, d’entourer les personnes dans le deuil. La présence d’amis, de frères et soeurs, leur compassion… apportent une aide précieuse.
4. LA SOUVERAINETÉ DE DIEU
Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein (Rm 8.28). Ce verset est difficilement compréhensible dans le feu de l’épreuve. On a plutôt tendance à réagir comme Job, par une sorte d’effondrement. Il est évident que l’épreuve doit se vivre dans ses différentes phases. Abraham, malgré sa proximité de Dieu, au moment de la mort de sa femme, vint pour mener deuil sur Sarah et pour la pleurer (Gn 23.2). Pour un deuil par exemple, on ne peut pas court-circuiter cette période de pleurs et de douleur. Mais cela n’empêche pas de prendre conscience progressivement que le hasard n’existe pas. Job n’a pas compris la raison de sa souffrance, mais la fin du livre montre de précieuses leçons qu’il en a tirées. Joseph, non plus, ne devait pas comprendre la série d’épreuves qui l’ont atteint, le rejet violent de ses frères, la calomnie de la femme de Potiphar, les années de prison… Mais un plan était à l’oeuvre dans sa vie, sous le contrôle de Dieu lui-même. Il est évident que nous ne comprenons pas les enjeux du plan de Dieu dans nos vies, la façon dont il fait tourner tout au bien de ceux qui l’aiment. Mais un jour, très probablement au ciel, nous le saurons. Je repense souvent à cette image des anciennes tapisseries. En regardant à l’envers, tous les fils partent un peu dans tous les sens, et nous n’avons aucune idée de ce qu’ils peuvent représenter, mais, à l’endroit, c’est souvent un beau tableau extrêmement précis. Nous n’avons pas accès sur cette terre, ou si peu, au bon côté du tableau.
5. LA DIMENSION PÉDAGOGIQUE
L’épreuve est un moyen puissant de formation. Le texte précédent de Rm 8.28- 29 le dit aussi. Dieu n’a jamais promis de nous en épargner : Tout sarment qui est en moi… qui porte du fruit, il (mon Père) l’émonde, afin qu’il porte encore plus de fruit (Jn 15.2).
Avez-vous oublié l’exhortation qui s’adresse à vous comme à des fils : Mon fils, ne méprise pas la correction du Seigneur, et ne te décourage pas quand il te reprend. Car celui qu’aime le Seigneur, il le corrige, et il châtie tout fils qu’il agrée. (Hé 12.5-6). Il ne faudrait en aucun cas voir cette « correction » d’Hébreux 12 comme une sorte de punition. Le mot « correction » (paideia) partage une racine avec « pédagogie » en français, c’est l’oeuvre éducatrice de notre Père, plein d’amour, en vue de notre façonnement et notre sanctification.
CONCLUSION
Si, nulle part, la Bible ne nous encourage à rechercher les épreuves (elles viennent toutes seules en général), nous devons nous armer de la pensée de souffrir (1 P 4.1), sachant aussi qu’aucune épreuve ne vous est survenue qui n’ait été humaine ; or Dieu est digne de confiance : il ne permettra pas que vous soyez mis à l’épreuve au-delà de vos forces ; avec l’épreuve il ménagera aussi une issue, pour que vous puissiez la supporter. (1 Co 10.13).