La pauvreté en France, et si nous pouvions quelque chose ?

 

 

Par Claude MARTINAUD1

 Claude Martinaud

 

 

 

 

 

 

 

 

La pauvreté dans le monde est loin d’être vaincue.

 

On constate, d’une manière générale, qu’il y a de plus en plus de pauvres et qu‘ils sont de plus en plus appauvris même si la richesse globale a considérablement augmenté. Selon le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) et malgré la croissance économique mondiale, l’écart entre les riches et les pauvres, s’élargit entre les pays développés et les pays en développement. 

 

Il y aurait près de trois milliards2 de femmes et d’hommes, dans le monde, qui vivent avec moins de 2 dollars par jour. 8 millions d’enfants meurent chaque année à cause de la pauvreté, 150 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent des méfaits de la malnutrition.

 

L’insuffisance de ressources est souvent l’élément le plus visible de la pauvreté. Le plus difficile étant de trouver à partir de quel taux de privation, on peut être considéré comme pauvre… C’est à la fois une norme et une convention.

 

La pauvreté touche, à des degrés divers, tous les pays du monde qu’il s’agisse des pays dits riches et des pays dits pauvres. Et de fait, il ne faut pas croire que notre pays, la France, n’ait pas en son sein des personnes en grande difficulté.

 

L’histoire montre effectivement que le développement d’un pays n’empêche pas parallèlement le développement de la pauvreté et de l’exclusion.

 

 

La pauvreté en France

 

II existe en France, ce que l’on appelle le calcul du seuil de pauvreté3. Ce dernier en hypothèse basse, est fixé par le très officiel INSEE4 et calculé comme suit : il est déterminé par rapport à la distribution des niveaux de vie de l’ensemble de la population. Le seuil de pauvreté correspond généralement à des ressources inférieures à 50 % du revenu moyen.

 

En France, comme dans les pays de l’Union européenne, ce seuil est relatif et évolue dans le temps. Ainsi, par exemple, les exigences de logement actuelles ne sont plus celles de 1954. La localisation géographique joue également un rôle non négligeable, le problème du chauffage ne se pose pas dans les mêmes termes à Nice et dans le Nord de la France. Aussi la précarité semble « presque impossible » à apprécier. Mais voyons ensemble quelques chiffres.

 

 

Seuil de pauvreté 2005

 

En France, un individu peut être considéré comme « pauvre » quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 681 euros, pour une personne seule, hypothèse basse, mais certains organismes parlent de 817 euros soit 60% du revenu médian, hypothèse haute.

 

Un couple avec deux enfants en bas âge est « pauvre », hypothèse basse, si ses ressources ne dépassent pas 1 430 euros mensuels.

 

L’observatoire social des Bouches-du-Rhône nous donne, pour avril 2008, les chiffres suivants :

 

  • 7 millions5 de pauvres en France dont 2 millions d’enfants (hypothèse haute).

 

  • 2 millions de Français sont demandeurs d’une aide alimentaire.

 

  • 1,5 million de personnes sont des travailleurs pauvres (8% de la population active).

 

  • 1,7 million de personnes sont en-dessous du seuil de pauvreté et 1,3 million perçoivent un des neuf minima sociaux. LINSEE, quant à lui, nous donne le chiffre d’environ 4 millions de pauvres dont 400 000 personnes seules… selon la définition la plus restrictive de la pauvreté (hypothèse basse). On peut nuancer cette liste en précisant que 1,1 million de personnes perçoivent le RMI alors que, lorsque la prestation a été créée, on attendait seulement 100 000 demandeurs ! Il faut ajouter à cela les chômeurs : un chômeur est une personne qui n’a pas d’emploi et qui en recherche un. Le nombre de chômeurs est, d’après les statistiques officielles, d’environ, « plus ou moins » 2 millions de personnes, toutes ne sont pas indemnisées.

 

Essayons à notre tour de synthétiser : la population française est désormais de 63 753 000 habitants au 1er Janvier 2008. Sachant qu’il y a 7 millions de pauvres, hypothèse haute, c’est plus de 10% de la population qui est concernée par le problème : une personne sur dix. 4 millions de pauvres au sens étroit, hypothèse basse, c’est 6% de la population. Ce sont là des chiffres qui donnent à réfléchir.

 

 

Les Eglises et la pauvreté

 

alerteLa vraie pauvreté n’est pas ostentatoire : elle est humble et discrète. Cela doit redonner à l’Eglise une motivation nouvelle pour intervenir en faveur de celui qui est proche, et ce dans nos villages, nos villes et nos quartiers.

 

Dans quelques communautés, l’aide aux plus démunis prend le nom de diaconat, peut-être dans votre communauté y a-t-il un autre vocable ? Quoiqu’il en soit, on ne peut vivre replié sur soi sans tenir compte de la détresse qui est à nos portes. Le diaconat remonte au début de l’Eglise (voir le livre des Actes). Il y a mille et une façons de manifester sa solidarité envers les autres : cela peut aller du bol de soupe l’hiver et… l’été, à la simple écoute de la détresse de l’autre. La solitude n’est-elle pas aussi un fléau qui accable notamment les plus démunis ?

 

L’exercice de la solidarité n’est pas optionnel. Il relève de la nature même de la mission de l’Eglise. Il est vrai cependant que quelques dangers nous guettent. La solidarité, d’abord, ne saurait tout légitimer. Toute intervention auprès des pauvres n’est pas, de soi, valide. En ces domaines, il ne suffit pas de faire, encore faut-il que ce qui est fait soit compétent et fécond, sinon, au lieu de charité, rôdent les dangers de complicité, d’assistanat, de paternalisme.

 

Ces dangers bien réels ne sont pas cependant une excuse pour ne rien faire. Mais ne nous laissons pas gagner par le découragement, ne disons pas : « Que faire ? Cela ne relève pas de notre compétence ! » C’est vrai pour beaucoup d’actions, mais nous avons tous la possibilité de faire un peu, chacun à notre niveau soit individuellement soit en groupe.

 

Mt 25.37-40 : Alors, les justes lui demanderont : « Mais, Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ? Ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? Ou étranger et t’avons-nous accueilli ? Ou nu, et t’avons-nous vêtu ? Quand t’avons-nous vu malade ou en prison et sommes-nous allés te voir ? Et le roi leur répondra : Vraiment, je vous l’assure : tout ce que vous avez fait au moindre de mes frères que voici, c’est à moi-même que vous l’avez fait. »

C.M.

 


NOTES

 

1. Professeur en Classes Préparatoires des Grandes Ecoles, Docteur en Géographie

 

2. Le seuil de pauvreté (monétaire) concerne les individus ou (les ménages) lorsqu’ils vivent avec un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. A l’échelle du monde ce seuil est fixé à 1 dollar par jour. Pour les pays développés il est fixé à 2 dollars par jour.

 

3. Alternatives économiques, n° 155, janvier 1998 (extrait) : « Le concept [de seuil de pauvreté] est beaucoup plus récent en Europe [qu’aux Etats-Unis] : il a fallu y recourir lorsque l’on a éprouvé le besoin de comparer la situation de la pauvreté dans des pays aux pouvoirs d’achat assez différents. »

 

4. INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

 

5. Les chiffres pour la France ont été communiqués par le Haut Commissariat aux Solidarités actives contre la pauvreté.