Leadership et Management1
Par Claude Grandjean
Introduction
Il est impossible de traiter en entier un sujet si vaste et si complexe. Je crois, pour notre direction d’Église, à la grâce de Dieu, au bon sens et à la soumission au Saint-Esprit. Ce qui n’exclut nullement la compétence et la formation nécessaire. La position et le statut que nous occupons ne nous confèrent pas l’autorité pour agir, au nom de dons que nous ne posséderions pas.
Les impératifs pour construire
CONSÉCRATION
COMPASSION
COMMUNION
Les principes à retenir
Manager, c’est diminuer le stress… En maintenant la pression !
1. C’est l’exemple qui crédibilise notre management
Si le charisme ou les aptitudes sont nécessaires au management, si la spiritualité doit s’allier à la compétence, si l’Esprit doit donner vie à la lettre, en management, l’exemple est la façon de donner de la pertinence à ce que nous enseignons.
Faire ce que nous disons et pas seulement dire ce qu’il faut faire. Anciens, dans notre service spirituel, nous sommes invités à être les « modèles du troupeau » (1 P 5.1-4), exemple pour ceux que nous devons conduire.
Anciens, dans nos activités séculières, nous devons veiller à « recevoir un bon témoignage de ceux du dehors » (1 Tm 3.7), exemple pour ceux que nous rencontrons. Nous ne pouvons transmettre que ce que nous sommes. Si nous devons accepter nos limites, notre management ne peut pas se contenter de la médiocrité, il doit viser l’excellence, même si l’exemple ne garantit pas la réussite.
2. Respecter l’autre dans sa dignité de créature de Dieu
Ce principe découle naturellement des impératifs sur lesquels se fonde notre management. L’autre est un être unique créé à l’image de Dieu et aimé de Dieu. Respecter : c’est prendre égard, c’est ne pas porter atteinte à.
Cette dimension est plus importante qu’elle n’y paraît dans son énoncé ; elle refuse l’indifférence, elle m’invite à accepter l’autre dans ses limites, elle ne s’inscrit pas dans un rapport hiérarchique, c’est une relation d’homme à homme dans un statut égal ou différent.
J’aime beaucoup cette phrase attribuée à Eleanor Roosevelt, femme du président Franklin Roosevelt : « Personne ne peut vous imposer un sentiment d’infériorité sans votre permission ».
Les principes à retenir Manager, c’est diminuer le stress… En maintenant la pression ! Respecter l’autre, c’est aussi valoriser ses compétences, c’est lui donner les moyens de se développer, c’est lui accorder notre confiance. Paul l’exprime à sa façon : (Ph 2.4, version Parole Vivante) « Ne pensez pas seulement à vos intérêts personnels ou à l’avantage que vous pouvez tirer des autres, désirez au contraire le bien de votre prochain et prenez ses progrès à coeur. » Et de poursuivre au verset 5 : « Ayez, pour tous, l’estime que l’on se doit en Christ et que votre attitude envers les autres procède de votre vie en lui. »
3. Savoir ce que l’on veut, pas obligatoirement comment on y va
Un leader qui ne sait pas ce qu’il veut ne pourra développer qu’un management désordonné et sans cohérence. Il risque d’engendrer la confusion, de multiplier les hésitations, de déstabiliser ceux qu’il dirige, de créer un climat de doute, de susciter des craintes, de démotiver ceux qu’il est censé entraîner.
Savoir ce que l’on veut ne relève pas d’un management autocratique. C’est avoir une vision claire du but que l’on se fixe.
Nos leaders manquent trop souvent de vision. Ils agissent en gestionnaires du quotidien. Ce n’est pas ce que l’on attend d’eux. Ils doivent être de ceux qui nous portent en avant. Ils doivent être les moteurs d’une mobilisation qui entraîne ceux qui traînent et qui attire ceux qui cherchent.
Moïse a conduit la délivrance d’Israël parce qu’il savait ce que Dieu voulait de lui. Il ne savait pas comment et n’a même jamais imaginé que cela put durer 40 ans. Son but était la terre promise. Il n’y entrera pas et ceux qui ont désobéi mourront dans le désert. C’est Josué qui accomplira la promesse. Il aura la même démarche, visant l’objectif, sans reculer devant les obstacles.
4. Chercher d’abord à comprendre, ensuite à être compris
Faire adhérer les hommes au projet est l’un des enjeux majeurs de sa réalisation. Ce n’est ni acquis, ni aisé. Il faut s’y employer avec méthode et pertinence. La vision n’exclut pas les méthodes, mais les méthodes évitent les recettes.
La première chose que nous devons avoir présente à l’esprit, c’est que notre idéalisme, si noble soit-il, va rencontrer des résistances de la part de ceux que nous allons solliciter. Conscientes ou non, fondées ou pas, il ne faut pas les sous-estimer, quelle que soit leur origine : la peur, le refus du changement ou autre. Vouloir passer outre est une erreur.
Il va falloir prendre le temps d’exposer et d’expliquer en quoi le projet dont nous sommes porteur a un sens. Savoir écouter les remarques, considérer les objections, apprécier les diverses opinions. Prier non pour parvenir à l’unanimité, mais à l’unité. Ne jamais oublier qu’un bon projet, c’est celui qui nous aide collectivement à progresser.
5. Rien n’est jamais acquis
La motivation s’émousse relativement rapidement. Beaucoup de raisons très valables peuvent justifier cette attitude. C’est un risque pour le leader luimême. Il nous faut donc intégrer que rien n’est jamais acquis. Tout n’est peut être pas à recommencer, mais il faut en permanence savoir évaluer les situations, être en capacité d’anticiper ou de réagir.
Tout être humain a besoin d’être encouragé. Nous devons lui donner les moyens de se projeter dans le futur, l’accompagner dans ses progrès, l’aider à reconnaître ses erreurs. Il faut en permanence donner une chance à la relation.
La Bible nous invite à veiller, à prier, à persévérer. Nos projets rencontreront des obstacles, susciteront peut-être des jalousies et des animosités. Personne n’est obligé de partager nos certitudes, notre idéalisme, notre vision. Ceux avec qui nous oeuvrons doivent y être sensibilisés. C’est ce que Jésus fait à quelques heures de la crucifixion quand, s’entretenant avec ses disciples, il leur dit : « Je vous ai dit ces choses afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, j’ai vaincu le monde. » (Jn 16.33)
Ainsi énoncés, ces principes doivent désormais trouver leur application.
Les dispositions pour agir
Des hommes justes
Pour être juste il faut être libre : libre dans sa tête, libre de ses choix, libre des préjugés, libre de sa parole. Pratiquer la justice, c’est se conformer à l’équité, c’est respecter les règles. C’est aussi marcher selon les commandements de la loi divine. L’homme juste contribue à l’harmonie et à la paix. Il aborde les situations sans a priori, sans parti pris. Il est animé d’un esprit de vérité. « Être juste, ce n’est pas être juge. Le jugement n’est pas la justice »4 (sauf pour Dieu).
Nous ne devons jamais oublier nos limitations humaines. Nous devons nous garder de la tentation de nous démarquer, de nous sentir à part, nous souvenir de cette phrase de Paul Claudel : « À tous les surhommes, il faut préférer ce spectacle rare entre tous ; un homme juste, et juste un homme ».
Des hommes de coeur
« De la tête au coeur, quarante centimètres qui font la différence »5 ; c’est le titre de l’interview qu’Éric DENIMAL fit de Bernard WESTERCAMP alors vice-président du groupe Accor.
Il est vrai que, pour la plupart d’entre nous, nous sommes plus prompts à laisser parler notre tête que notre coeur : logique et pragmatisme. On peut verrouiller ses sentiments, on ne doit jamais fermer son coeur. L’épître de Jacques nous invite à mettre de la cohérence entre nos discours et nos actes. Notre « coeur de pierre » a été changé « en coeur de chair », c’està- dire en un coeur qui connaît le coeur de Dieu et qui agit en conséquence.
L’homme de coeur, c’est un homme qui est sensible à l’autre, un homme qui sait pardonner, un homme qui n’oublie jamais que l’autre est même, semblable, dans sa différence. C’est un homme qui apporte la réconciliation, qui cherche à guérir, qui donne une parole d’espérance.
Des hommes humbles
C’est un sujet inépuisable, un domaine jamais conquis. L’humilité n’est pas la dépréciation de soi. Quelqu’un a dit que « l’humilité, ce n’est pas penser moins de bien de soi. C’est penser moins à soi »6 C’est, pour une part, accepter ses limites. Je ne résiste pas à la tentation de vous citer cette parole de Romain Rolland qui m’accompagne depuis plus de 40 ans : « le bonheur, c’est de connaître ses limites et de les aimer » .
L’homme humble sait qu’il a besoin de l’autre. Sa richesse se construit dans l’écoute et la rencontre. Ses manques, il les comble dans le partage, l’échange, et l’acceptation de la complémentarité. Il compte sur la force que Dieu donne et pas seulement sur ses capacités à maîtriser les situations.
Il ne dispose pas, il propose.
En conclusion
Savoir écouter. C’est le secret de la bonne entente
Nous n’avons pu voir ici qu’un bref aperçu des conditions sur lesquelles peut se fonder notre management en tant que leader. C’était une option. J’ai conscience d’avoir choisi des raccourcis et certains points auraient mérité un développement plus exhaustif.
J’ai passé sous silence les enjeux induits par notre management dans le cadre de notre leadership. À eux seuls, ils nécessitent au moins un article, tout comme l’approche des méthodes, les aspects de la formation ou l’utilisation des outils. J’espère simplement que cet apport vous donnera envie de poursuivre vos recherches.
Mais un peu fastidieux à la longue.
NOTES
1. Nous reproduisons ici le texte de la conférence donnée par Claude Grandjean au Congrès national des CAEF de 2007. Le style oral a été volontairement conservé.