L’autorité dans l’Eglise locale1
(3ème partie)
par Jacques Dubois
LES LIMITES DE L’AUTORITE
Le Père de gloire […] a mis en action sa force souveraine dans le Christ, en le ressuscitant d’entre les morts et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute principauté, autorité, puissance, souveraineté […]. Il a tout mis sous ses pieds. (Ep. 1.17-23).
En Dieu aucune limite …
en aucun domaine, que ce soit dans le ciel, sur la terre, aujourd’hui ou dans l’avenir. Le Christ est notre chef suprême. Il est la tête, nous sommes son corps, unis à Lui, et nous voilà pourtant dans la nécessité de parler de nos limites. Contradiction ? Paradoxe ? Contradiction, certainement pas. En Christ, il n y a pas le oui et le non en même temps. Mais comme le Christ sur la terre a été abaissé et humilié pour un temps, ainsi le sommes-nous, en attendant de le rejoindre quand il reviendra dans sa gloire.
Quelles sont alors nos limites ? On peut en distinguer trois groupes principaux.
A. Les limites imposées par la volonté de Dieu
1 ) Limites liées à notre héritage génétique
Cet héritage s’inscrit dans notre physique, dans l’aspect moral de notre être, dans sa dimension spirituelle. Nous sommes chacun de nous une créature unique de Dieu, avec nos potentialités mais aussi nos barrières. Elles nous sont imposées et nous sont propres.
Paul n’était pas Pierre, qui lui-même n’était pas Apollos. Dieu donne à chacun sa propre mesure et il faut s’en contenter ; car à l’intérieur de cette mesure, Dieu manifeste la puissance de sa grâce. Une limite : une écharde dans la chair… La réponse du Seigneur : ma grâce te suffit. La conclusion de Paul : Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Co 12).
Qui peut décider de la durée de son existence, de sa santé, de sa maladie, de sa vitalité, de sa faiblesse, de ses dons… ? Les uns en ont un peu plus, les autres un peu moins. On doit accepter ses limites personnelles, refuser le mépris ou la jalousie !
Ceux qui sont avec nous doivent aussi nous accepter avec nos limites. Bien que David dise au Ps 139.14 : Je te célèbre, car je suis une créature merveilleuse. Merveilleuse oui, mais limitée.
2) Limites personnelles inhérentes à la collégialité
Devoir travailler en collégialité implique l’obligation de renoncer parfois à une vision personnelle. On ne peut pas toujours s’imposer dans le groupe. Les décisions se prennent ensemble, collectivement. Ce que l’on perd en individualité, on le gagne en collégialité. Le bénéfice final est incontestable.
Dans notre deuxième message2 nous avons parlé d’une règle bien établie dans le N.T., celle de la collégialité considérée comme une norme. . Avant de commencer son ministère public, Jésus a choisi les Douze pour les avoir toujours avec lui. Plus tard, il a envoyé 70 disciples deux à deux. Ils devaient apprendre à travailler en équipe.
Dans les Actes, il se présente une situation où les apôtres eux-mêmes délèguent à l’Eglise une responsabilité importante : la gestion matérielle. Ils choisissent 7 diacres. Il y a partage des responsabilités. Ce partage est toujours une décentralisation, une certaine manière de « limiter », en même temps qu’une multiplication bénéfique. Rien d’étonnant puisque l’on est dans la volonté de Dieu.
Paul, pour sa part, respecte l’autorité de l’Eglise locale. Il ne décide pas tout, tout seul. Il ne prononce pas seul les jugements : à Corinthe, il renvoie à l’Eglise la responsabilité de certaines décisions qui exigent un acte d’autorité (désordres moraux, procès devant les infidèles, etc.).
Ce respect de la communauté doit se mettre en place le plus vite possible. Quand Paul commence à Corinthe et a la joie de voir les premiers convertis, il prend soin de ne pas baptiser lui-même (1 Co 1.13-16). Paul se fixe des limites à l’exercice de son autorité. C’est d’autant plus remarquable qu’il aurait eu un « droit » sur eux: « Quand vous auriez 10 000 maîtres en Christ, vous n ‘avez cependant pas plusieurs pères… « (1 Co 4.15).
3) Limites dues au fait que chaque membre dépend d’abord du Seigneur
Chaque croyant reçoit du Seigneur une autorité pour diriger sa vie, prendre des décisions et s’engager dans les combats spirituels. Sa tâche première est de transmettre la Parole de Dieu. Il le fait comme un frère parmi les frères. Et c’est elle, la Parole reçue avec foi dans les coeurs, qui donne l’autorité du Seigneur. Aucun croyant ne domine sur les autres. Jésus-Christ est le seul Chef suprême.
Il en va aussi du respect de chacun. Il faut observer une certaine retenue pour ne pas aller au-delà de ce qui est demandé (1 Co 4.6-7), pour ne pas manipuler. Un ancien n’est ni un gendarme, ni un juge, encore moins un gourou.
Ne prenons pas goût au pouvoir. Ne cherchons pas à prendre autorité sur les autres. Que nul ne s’enorgueillisse en prenant le parti de l’un contre l’autre. Acceptons cette limite pour ne pas prendre le risque d’engendrer des divisions.
4) Limites imposées par le renoncement à ses droits
Ne risque-t-on pas ici de perdre une partie de son autorité ? Certains chrétiens se posent la question. Selon le monde, renoncer à ses droits est faire preuve de faiblesse. C’est permettre aux autres d’avancer leurs pions. Ce n’est pas une stratégie intelligente.
Paul aborde cette question. Elle lui tient même très à coeur : Ne suis-je pas libre ? Ne suis-je pas apôtre ? […] N’avons-nous pas le droit de manger et de boire ? (de nous marier ? …) Mais nous n’avons pas usé de ce droit. Au contraire, nous supportons tout, afin de ne pas créer d’obstacle à l’Evangile de Christ (1 Co 9.1-12. Lire aussi 1 Co 9.15 et 2 Th 3.8-9).
Dans chacun de ces textes, l’apôtre donne une raison différente et complémentaire :
• Tout supporter afin de ne pas créer d’obstacle à l’Evangile de Christ.
• Entrer dans la joie du disciple fidèle.
• Faire en sorte qu’avec le message proclamé, l’exemple pratique soit aussi donné aux jeunes chrétiens.
L’autorité spirituelle dépend largement de la cohérence entre les paroles et la vie de chaque jour. C’est ainsi que Paul peut écrire aux Philippiens (4.9) : Ce que vous avez appris, reçu et entendu de moi, et ce que vous avez vu en moi, pratiquez-le, et le Dieu de paix sera avec vous.
La réponse est claire. En renonçant à s’imposer, on ne perd rien de son autorité, mais elle demeure devant Dieu et devant les hommes.
Il faut cependant remarquer que dans le domaine du renoncement aux droits légitimes, Paul n’oblige personne. Il en fait une affaire de conviction personnelle, liée à la direction du Seigneur. Paul invite à considérer le Christ, à avoir la pensée qui était en Christ. De condition divine, il s’est dépouillé lui-même… Ph 4.9ss). Le chemin emprunté par le Seigneur contient un premier temps de renoncement ponctuel… pour un second temps de revêtement éternel.
Vient maintenant un deuxième groupe de limites.
B. Les limites dues aux inconséquences
1) Les fautes personnelles
Les fautes personnelles, connues ou cachées, parfois déguisées sous le manteau de l’hypocrisie, traits de caractère désagréables, habitudes mauvaises et coupables, parfois « double vie », elles deviennent des interdits dans nos vies.
Personne n’est à l’abri. Les serviteurs de Dieu pas plus que les autres. Lorsqu’ils chutent, leur autorité est gravement compromise. Et parfois pour longtemps, selon la faute et l’attitude du coupable. Ce qui est en cause, ce n’est pas d’abord la réputation de l’ancien, mais la sainteté du Seigneur. Vient ensuite le scandale public. Malheureusement, attachés les uns aux autres par des sentiments de respect, d’amitié, de confiance, certains ne veulent pas voir et nient l’évidence, contre toute vérité et toute justice.
L’autorité spirituelle et le péché ne vont jamais ensemble, ils s’excluent mutuellement. Le Seigneur ne bénit pas dans une situation d’interdit. La conquête de Canaan devrait nous l’apprendre.
2) Les égarements collectifs
Les égarements collectifs, comme ceux de l’Eglise de Corinthe. Paul en dresse une liste éloquente. Je crains de ne pas vous trouver à mon arrivée, tels que je voudrais, et d’être moi-même trouvé par vous tel que vous ne voudriez pas. Je crains qu’il n’y ait de la discorde, de la jalousie, des animosités, des rivalités, des médisances, des racontars, de l’orgueil, des désordres. Je crains qu’à mon arrivée […] (je n’aie à pleurer) sur plusieurs de ceux qui ont péché précédemment et ne se sont pas repentis (2 Co 12.20-21).
Ici la discipline n’a probablement pas été faite comme elle aurait dû. Et les péchés de certains sont devenus comme autant de virus qui ont infecté une partie du corps. L’Eglise de Corinthe est en mauvaise santé spirituelle. Dans une telle situation, qu’en est-il de son témoignage vis-à-vis du monde qui l’entoure ? de son autorité spirituelle ? Et Les chrétiens restés fidèles en son sein doivent souffrir et prier en silence. Qu’une telle situation se prolonge indéfiniment et ce n’est pas de « limite » qu’il faudra parler, mais de « mine » totale.
L’histoire nous enseigne. Les Eglises du bassin méditerranéen fondées au 1er siècle par les apôtres et de nombreux disciples fidèles ont connu une extension extraordinaire. Ce ne sont pas les persécutions mais bien le relâchement spirituel et moral qui a détruit l’Eglise. Et peut-être la méconnaissance de l’Ecriture Sainte. Au 7e siècle, les Eglises n’ont pas résisté à la poussée de l’Islam ; elles furent presque complètement balayées.
3) Les conflits entre responsables
II s’agit de tensions et de divisions dans le sens des termes utilisés par Paul en 2 Co 12.20 : discorde, jalousie, animosité, rivalités, médisances, orgueil… Comme ce sont ceux qui sont à la tête de l’Eglise qui sont tombés dans ces travers, à quelle autorité se référer alors ?
Paul constate ce problème à Corinthe : des membres de l’Eglise s’intentent des procès entre eux (il ne dit pas explicitement que des responsables sont en cause, mais une lecture attentive du texte le suggère). Dans les structures fédératives, synodales ou épiscopales, un appel à l’aide peut être adressé à une instance supérieure. Mais dans le système congrégationaliste strict, comment résoudre le conflit ?
Que va faire Paul ? Il interpelle les fautifs en parlant du temps eschatologique où les croyants jugeront le monde et les anges, puis ne leur pose qu’une seule question : Parmi vous, n’y a-t-il pas un seul homme sage qui puisse prononcer un jugement entre ses frères ? (1 Co 6.5).
Pauvre Eglise locale, lorsque les responsables ont à ce point perdu le sens de leurs responsabilités, donc aussi leur autorité !
C’est ici qu’il nous faut aborder une autre problème :
4) L’autoritarisme
L’autoritarisme est une caricature de l’autorité (celui qui devient autoritaire l’admet rarement). C’est dans la nature des choses. Quels sont les premiers pas qui font quitter le bon chemin ? Prétentions excessives, trop haute opinion de soi, orgueil. La véritable autorité est liée à une juste mesure de foi, à un raisonnement équilibré, à une juste appréciation de soi (Rm 12.3).
Elle est marquée du sceau de l’humilité et de la douceur. Jésus disait de lui-même qu’il était doux et humble de coeur (Mt. 11.29). La véritable autorité crée un sentiment de sécurité et de bonheur. C’est pourquoi Jésus peut dire dans le même texte : c’est dans cette attitude de coeur que vous trouverez du repos pour vos âmes. L’autoritarisme va dans le sens opposé, celui d’une démesure insensée, charnelle et coupable.
Comment survient-elle ? Les anciens sont des « leaders », des « cadres », des « conducteurs ». Ainsi, par la force des choses, ils conseillent, exhortent, rectifient, dirigent. Au départ, ils le font en tremblant avec la grâce du Seigneur. L’expérience aidant, ils prennent de plus en plus l’habitude de parler et de décider, d’agir sans réplique, d’asseoir leur autorité, et bientôt s’ils n’y veillent pas, de mettre les âmes sous leur tutelle.
L’apôtre Jean parle ainsi d’un homme qui a dépassé toute mesure : J’ai écrit quelques mots à l’Eglise. Mais Diotrèphe qui aime à être le premier parmi eux, ne nous reçoit pas. C’est pourquoi, si je viens, je rappellerai les actes qu’il commet en répandant contre nous des paroles mauvaises… (3 Jn 9-11). A partir de là, une seule alternative :
1) Certains membres de l’Eglise se laissent diriger sans réagir, sans réfléchir. Ils prennent l’habitude de dépendre de celui qui pense et parle pour eux. Signe de faiblesse et d’infantilisme. Ils ne peuvent plus grandir.
2) D’autres refusent, avec raison, d être asservis. Mais le danger qui pourrait les menacer serait de se laisser entraîner à refuser toute autorité, même la vraie, celle selon Dieu.
Il est impossible de n’être jamais directif. Mais il faut l’être le moins possible. Toujours dans la bonne direction. Et avec une juste mesure. Le but de l’autorité est de soumettre chacun, non pas à soi-même, mais au Seigneur et à sa Parole. Ce combat ne sera gagné qu’avec des armes spirituelles et doit conduire à l’obéissance à Christ (2 Co 10.4-5).
Il faut encore mentionner une 3ème catégorie de limites à l’autorité.
C. Les limites dressées par des résistances extérieures
Cette réalité n’est pas toujours bien comprise. On aime mieux parler de victoire et de délivrance. Or, il faut l’avouer, l’ancien vit assez souvent des situations qui lui apparaissent comme des échecs. L’on sait que Dieu ne connaît aucune limite dans l’exercice de son autorité. Les responsables de l’Eglise sont à Son service, mandatés par Lui, et semblent pourtant désarmés, impuissants. C’est une réalité. Pour mieux la comprendre, prenons un texte-clé :
1) 2 Corinthiens 10
(II faut absolument relire ce chapitre dans nos Bibles avant d’aller plus loin…)
A Corinthe, Paul affronte de grandes difficultés ; il voit son autorité contestée et répond en trois étapes : l’apôtre donne d’abord le profil de sa propre autorité. Ensuite il parle de la résistance rencontrée. Enfin il montre la voie à suivre.
a) Son autorité : Elle est marquée par la douceur et la bienveillance (v.1). Pourtant il a reçu le mandat de combattre devant Dieu avec des armes puissantes (v.4). Son ministère est d’amener les hommes à la soumission totale à Christ (v.5). Son assurance et sa gloire, c’est d’être à Christ (v.7). Son autorité sert à édifier et non à abattre (v.8). Il ne cherche jamais à se comparer aux autres (v.12). Il prend comme mesure de gloire, la mesure de grâce que le Seigneur lui a donnée (v.13). Il veille à ne pas interférer dans les travaux d’autrui (v. 15-16). Il conclut en rappelant que la seule recommandation valable est celle que le Seigneur lui-même accorde (v.18). Peut-on trouver une meilleure attitude ?
b) La résistance des Corinthiens
(v.2): Ils déclarent que Paul est charnel, hypocrite, faible quand il est présent, et dur dans ses lettres. Cette accusation neutralise l’autorité de Paul auprès des Corinthiens.
c) La riposte de Paul : avant d’agir parmi les Corinthiens, il est à la fois ferme pour contester certaines accusations, et patient pour attendre des résultats. Il veut éviter deux pièges : se vexer, se fâcher, et les abandonner à eux-mêmes, ou faire une arrivée en force.
• II conteste d’emblée l’accusation de faiblesse, non à cause de sa personne, mais à cause du message. Laisser planer la méfiance sur le messager, ce serait laisser le doute s’installer sur le message. Car c’est moins son autorité personnelle qui est en cause que l’autorité de la Parole de Dieu.
• II ne veut pas agir précipitamment contre l’Eglise, mais le faire avec l’Eglise (v.6).
Dans l’exercice de son autorité, Paul respecte les priorités : 1° le Seigneur et sa Parole, 2° l’Eglise, 3° lui-même dans son apparente faiblesse.
Respectons-nous ces priorités ? Sommes-nous trop sensibles à l’image que les autres peuvent avoir de nous ? Supportons-nous mal que notre autorité soit remise en cause ? Peut-être oublions-nous que ce que nous avons vient du Seigneur.
2) Jésus-Christ au coeur de l’Histoire
J’ai voulu rassembler […] vous ne l’avez pas voulu (Mt 23.37-39). L’opposition venait principalement des chefs religieux. Comment comprendre que l’autorité de Jésus n’ait pas suffi dans tous les cas ? Faiblesse, lacune, impuissance ? Gardons-nous de le croire. En réalité, la volonté du Seigneur s’accomplit toujours. Si ce n’est pas celle de son désir en vue du salut, ce sera celle de ses décrets en vue du jugement. Le Seigneur n’est pas d’abord venu pour juger mais pour sauver (Jn 3).
Jésus récapitule aussi en sa personne tous les prophètes de l’AT. Ils ont été investis d’une autorité divine exceptionnelle. Or, non seulement ils n’ont pas toujours été écoutés et suivis, mais trop souvent ont fini par y laisser leur vie, eux aussi. Ecoutez Etienne dans son dernier discours : Hommes au cou raide ! /…/ Vous vous opposez toujours au Saint-Esprit, […] comme vos pères (persécutant) les prophètes qui annonçaient à l’avance la venue du Juste (Ac 7.52). Sur ces paroles il fut lapidé.
Pour terminer, il faut remarquer aussi que l’autorité des anciens se heurte à de rudes concurrences :
3) Notre autorité dans un marché encombré !
Dressons un bref bilan comparant autrefois et aujourd’hui. Non pas par nostalgie du passé, mais, comme tout navigateur, pour faire de temps à autre le point sur l’itinéraire suivi : est-on dans la meilleure trajectoire qui conduit vers le but ?
AUTREFOIS | AUJOURD’HUI |
Une ligne évangélique claire : la Bible. |
Options diverses sous l’influence de tendances oecuméniques, charismatiques. |
Une identité par dénomination. | Plusieurs identités selon les courants et les sympathies de chacun. |
Regroupement et coordination des forces. | Dispersion des engagements, en particulier de la jeunesse et des finances. |
Priorité donnée à l’Eglise locale. Les oeuvres et missions créées par l’Eglise sont soutenues en priorité. | Eglises sollicitées par des organisations internationales qui fragmentent les intérêts de l’Eglise et donnent le ton. |
Les orateurs sont du terroir. | Plus les orateurs viennent de loin, plus ils ont la cote ! |
Beaucoup d’engagements de la part des membres. | Esprit de consommation de plus en plus exigeant. Fragilité plus grande des membres. |
Ce tableau est trop schématique, mais il indique malheureusement des tendances bien réelles.
Aujourd’hui, jeunes et moins jeunes sont sensibles aux nombreuses sollicitations extérieures. L’ordinaire et le régulier sont plutôt à la traîne. Sur le plan local, ce sont souvent les rencontres de prière et l’étude biblique, les diverses activités organisées par l’Eglise qui en pâtissent.
Sur un plan plus étendu, ce sont les oeuvres et les missions exerçant un ministère béni depuis de nombreuses années qui peinent financièrement. Elles n’ont pourtant pas démérité. Mais les fidèles de la première heure s’en vont et ne sont pas nécessairement remplacés. Les jeunes générations privilégient le nouveau et l’extraordinaire. Une situation qui, à longue échéance, pourrait bien fragiliser aussi les Eglises locales comme les oeuvres plus anciennes.
Faut-il rester les bras croisés, impuissants ? Poser une telle question c’est déjà y répondre. Bien sûr que non. Qu’en est-il de l’autorité spirituelle dans ce marché encombré ? Que doit-on faire ? Que peut-on faire ? Démissionner ? Certainement pas. Donner de la voix pour condamner la tendance actuelle ? Ce n’est sûrement pas la bonne méthode. Et puis, il ne faudrait pas s’opposer à ce que le Seigneur pourrait approuver. C’est lui qui jugera toute chose et chacun.
Nous avons pourtant la responsabilité devant Dieu et devant les hommes d’avertir ceux qui veulent bien écouter, et d’accompagner ceux qui sont prêts. Dans ce ministère, il n’y a rien de très spectaculaire. Qu’importe. Pourvu que nous soyons utiles par une vie de tous les jours qui prouvera que le sel n’a pas encore perdu sa saveur ni la lumière son éclat. Rappelons-nous ce que Paul demandait à Timothée: Convaincs, reprends, exhorte avec toute douceur et en instruisant. […] Sois sobre en tout, supporte les souffrances, fais l’oeuvre d’un évangéliste, remplis bien ton ministère (2 Tm 4.1-5).
Et n’oublions pas le chemin de la prière, de l’intercession, de la supplication, avec des actions de grâces.
Conclusion
II n’y aucune place légitime dans les Ecritures pour une autorité euphorique et triomphaliste.
Malgré de nombreux livres et témoignages qui se multiplient dans un mouvement croissant de surenchère, nous savons par l’Evangile que le serviteur n’est pas plus grand que son Maître. Nous savons aussi que l’autorité qu’il nous a donnée, n’est pas encore celle du trône, mais celle de la croix : L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu […] si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être aussi glorifiés avec Lui (Rm 8.16-17).
Nous acceptons cette parole de Dieu et sommes heureux de pouvoir ici-bas, dans nos Eglises locales et dans le monde entier, servir le Seigneur avec les moyens qu’il nous donne. Et qu’importe notre faiblesse, si par elle, le Seigneur peut encore se glorifier par sa force toute-puissante.
J.D.
NOTES
1. Ce texte est celui du 3° et dernier exposé que Jacques DUBOIS a donné à la Conférence nationale des CAEF AUTORITE parus dans Servir n°2/98 et 3/98.
2. Relire Servir n°3, mai-juin 1998, p.1ss