LES BASES D’UNE PRIERE AUTHENTIQUE
3° volet : Aspects pratiques1
par Claude Vilain
La prière a pour objet un Dieu personnel et nous engage dans une relation intime avec la personne de Jésus-Christ.
Les limites de la « technique »
Si nous sommes invités à définir une technique de méditation et de prière, il nous faut en fixer les limites.
Ce ne sera jamais notre technique qui produira la qualité de la prière. Elle sera et restera toujours un don libre et gratuit de Dieu. L’oublier réduit la prière à un moyen d’agir sur Dieu, une atteinte à sa souveraineté (Dt 20.7).
Il est possible de vivre une expérience religieuse intense sans aucune référence au Dieu de Jésus- Christ. Timothy Leary, dans La politique de l’extase, parle du LSD comme faisant partie des « substances biochimiques sacramentelles » et destiné à être utilisé comme l’orgue ou l’encens, pour déclencher et guider une expérience religieuse profonde.
Il nous faut établir une différence très nette entre la méditation chrétienne et les méditations orientales.
Ces dernières cherchent à produire un état de relaxation et de tranquillité en faisant le vide en nous-mêmes. Il n’y a aucune rencontre avec un Dieu personnel, mais une sorte de dissolution dans la « conscience universelle ».
La prière chrétienne a pour objet un Dieu personnel et nous engage à une relation intime avec la personne de Jésus-Christ2.
Il nous faut aussi souligner les dangers d’une recherche « sentimentale » de Dieu. Sa présence peut certes se manifester dans une expérience spirituelle profonde, mais elle est d’abord une réalité de foi. Dieu est présent à nos coeurs, que nous le « sentions » ou non. La foi consiste à croire qu’il est là, présent dans ce temps de silence et qu’il garde la liberté de se manifester comme il veut.
On peut parler à Dieu, ou bien demeurer silencieusement en sa présence, sans rien dire, mais conscients de ce qu’il est près de nous, plus proche de nous que notre âme même3.
Si nous ne sentons pas que Dieu nous aime,
l’essentiel est de le savoir.
Si nous ne sentons pas que nous aimons Dieu,
l’essentiel est de le vouloir.
Apprendre à prier, ce n’est donc pas découvrir une méthode ou une technique de méditation, mais organiser un espace où Dieu puisse se faire don.
Face à nos difficultés à prier
La prière est et reste un combat. Nous avons parfois le sentiment qu’il faut prendre de force la bénédiction que Dieu veut pourtant nous donner, à l’image de Jacob lorsqu’il franchit le Yabboq (Gn 32). L’Ecriture nous appelle à persévérer dans la prière, rappel que nous ne sommes pas devant une démarche qui nous est naturelle.
Il y a un combat avant de prier : « Pourquoi prier ? D’ailleurs tu ne sais pas prier, fais autre chose. Et puis, est-ce que Dieu fait attention à toi ? » Nous rencontrons à l’intérieur de nous-mêmes une infinité de bonnes raisons pour ne pas nous mettre à prier.
Il y aussi un combat après que nous ayons prié : il y a l’orgueil du priant, « moi, je prie ! », le doute qui nous traverse, la perte de confiance en Dieu si la réponse tarde. Jacob sort de sa lutte avec Dieu blessé et sans avoir reçu de réponse à l’une de ses questions : Dis-moi quel est ton nom ? (Gn 32.30).
Il y a enfin le combat pendant que nous prions, combat contre la distraction, la superficialité : « Si Dieu est présent, moi je suis absent ! »
Comment réagir ? Qu’est-ce qui peut nous aider ?
– Eviter les trop longues prières.
– Alterner prière et lecture de la Bible. La prière nourrie par la Parole se trouve portée et stimulée. On trouve dans l’expérience des autres un soutien à sa propre recherche de Dieu.
– Le regard a lui aussi son importance. On peut avoir un objet de référence qui rappelle que l’on prie, une croix, une Bible ouverte qui rappelle que l’on s’est engagé volontairement dans une démarche de prière.
– Il faut déterminer le moment qui semble le plus favorable à la prière et vouloir s’y fixer. Prier après un repas trop copieux nous entraînera dans une douce somnolence…
– Choisir un lieu tranquille, loin des dérangements, des bruits, du téléphone, un lieu propice au silence (Mt 6.6).
– Rechercher la position du corps qui semble la plus favorable ; cette position peut d’ailleurs varier selon les circonstances de prière. Il faut mettre son corps en harmonie avec sa démarche de prière.
– Et par dessus tout s’armer de patience, d’humilité et d’espérance dans la confiance et dans la certitude d’un Dieu qui aime et prend plaisir à nos prières.
Quelques pistes
UNE DEMARCHE CONCRETE D’ENTREE EN MEDITATION
Une démarche en trois temps.
1er temps : Faire silence
II faut apprendre à s’arrêter et à faire silence. Se rendre présents et disponibles, attentifs et à l’écoute. Pour cela, il faut créer un espace vide pour Dieu et désirer que l’Esprit nous ouvre à sa présence.
2ème temps : Le laisser parler à travers l’Ecriture
Notre méditation doit se laisser nourrir et imprégner par un texte de l’Ecriture. Non pour l’étudier, mais pour le laisser parler, nous nourrir « de l’intérieur », le repasser en son coeur à l’exemple de Marie.
3ème temps : Exprimer ses découvertes
Exprimer librement ce que le texte a produit en nous, comment il est entré en résonance avec nos soucis, nos tracas, nos attentes.
UNE DEMARCHE CONCRETE D’ENTREE EN PRIERE
Ici aussi nous retrouverons une démarche en trois temps.
1er temps : Faire silence
Si Dieu est amour et désire nous communiquer son amour, il faut nous laisser imprégner de cette vérité : « Seigneur, tu m’aimes ! »
2ème temps : La reconnaissance
Entrer dans une attitude de reconnaissance, celle de nous savoir aimés de Lui.
3ème temps : La réponse Répondre à son amour : « Je t’aime, moi aussi ! » Il ne faut pas avoir peur de ce dialogue (Jn 21.15). Si le Seigneur pose cette question à Pierre, il nous la pose aussi.
Découvrir le vrai mouvement de Dieu dans la prière, c’est la remettre au centre de nos vies. C’est faire de la prière un temps de joie, parce que de vraie rencontre.
Cela veut-il dire que prier soit devenu facile ? NON, parce que tout en nous nous pousse à ne pas prier. La prière est le lieu où s’exprime le plus l’opposition entre la chair et l’esprit. Si prier, signifie se mettre au diapason de Dieu, alors toute notre vieille nature le refuse. La prière demeure un combat, mais si elle nous permet d’entrer dans «sa présence», elle est digne de tous nos efforts.
C.V.
NOTES
1. Cet article est le 3e volet de l’étude de Claude Vilain sur la prière. Il fait suite à « La prière du coeur, découverte d’une présence » (Servir n° 5/97), et à « Prier, entrer dans l’adoration ». (Servir n° 6/97).
2. Voir Le temps pour vivre. Du temps éclaté au temps retrouvé (collectif, Presses Bibliques Universitaires, Collection Espace, 1991), p.24-25. Et Pablo Martinez, Psychologie de la prière (Ed. Ligue pour la Lecture de la Bible, 1994), p.111ss.
3. Higoumène Chariton de Valamo : L’art de la prière (Abbaye de Bellefontaine, Spiritualité Orientale n°18, 1976), p.14.