Mort à la loi

 

Par Reynald Kozycki

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vitrauxDe même, mes frères, vous aussi vous êtes morts à l’égard de la loi, par le corps du Christ, pour appartenir à un autre, à celui qui est ressuscité d’entre les morts, afin que nous portions des fruits pour Dieu. Car, lorsque nous étions (sous l’emprise) de la chair, les passions des péchés provoquées par la loi agissaient dans nos membres et nous faisaient porter du fruit pour la mort. Mais maintenant, nous sommes dégagés de la loi, car nous sommes morts à ce qui nous tenait captifs, de sorte que nous servons sous le régime nouveau de l’Esprit et non plus sous le régime ancien de la lettre. Rm 7.4-6

 

 

Lun des remèdes les plus efficaces contre le légalisme est de comprendre un peu plus l’Évangile. L’épître aux Romains nous le présente comme la puissance de salut et de délivrance pour ceux qui croient (1.17).

Délivrance de la condamnation du péché, de sa puissance, du pouvoir de la « loi » et de la chair. Nous allons tenter de mieux comprendre l’une de ces facettes.

 

 

 

Le contexte de ces trois versets

 

Pour échapper à une condamnation inéluctable réservée à l’humanité rebelle et contaminée par la gangrène du péché, Paul dévoile le plan inimaginable de salut entrepris par Dieu lui-même. Si tous les non-juifs sont inexcusables devant Dieu (ch. 1), il en va de même pour les moralistes (2.1-16) et pour le peuple juif (2.17-3.20) qui, pourtant, a reçu la Loi. Tous sont reconnus coupables (3.19). La Loi de Moïse, ou la loi inscrite dans nos consciences, est incapable d’apporter le pardon de nos fautes et nous permettre d’être en règle devant Dieu. Par la loi vient la connaissance du péché (3.20). La rédemption dans le Christ Jésus (3.24) apporte la réponse. Dieu peut nous déclarer juste et effacer nos fautes en vertu de cette rédemption. La foi, dénuée de toute oeuvre ou de tout mérite, en est le moyen d’accès (3.21-4.25). Unis à sa mort et à sa résurrection, Dieu fait de nous des « hommes nouveaux » au bénéfice de la nouvelle humanité que Jésus a introduite (5.12-6.11). Le baptême d’eau est l’image d’un baptême spirituel qui nous ensevelit avec notre vie ancienne, au monde, au régime de la loi pour nous faire partager la vie de résurrection qui est dans le Christ. Le péché ne dominera pas sur nous, puisque nous ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce (6.14) : cette déclaration révolutionnaire est développée dans le chapitre 7.

 

 

Un mariage surprenant

 

Paul relate une parabole à propos d’une femme liée définitivement à son mari selon la « loi » (7.1-3). Le seul moyen d’échapper à ce lien est la mort de son mari. Ainsi, elle peut devenir la femme d’un autre. De la même façon, écrit Paul, vous avez été mis à mort à la Loi pour appartenir à un autre. Dans notre cas, ce n’est pas la Loi qui meurt, mais, par notre union dans la mort de Christ (dans son corps), nous passons par une mort qui nous délie de la Loi et de notre vie ancienne. Ainsi nous sommes désormais unis à Celui qui est ressuscité d’entre les morts.

 

 

Sans loi ?

 

Précisons que, pour Paul, « mourir à la loi » ne signifie pas vivre « sans loi », puisque Dieu veut accomplir sa loi dans nos vies par son Esprit (8.4). Ce qui est en cause, c’est le régime de la loi ou les oeuvres de la loi laissant l’être humain face à ses propres ressources pour chercher à plaire à Dieu. La loi se limite à dire le bien (et à condamner le mal), mais elle n’a pas le pouvoir de nous le faire accomplir. Ce principe est vrai dans notre société aussi, on aura beau écrire toutes les lois imaginables pour réduire par exemple la délinquance ou pour empêcher les infractions de la route, ces lois ne supprimeront jamais ces délits, mais elles ont au moins l’utilité de les refréner en partie.

 

 

Le coeur du problème

 

Le problème de fond, selon Paul, est en nous, dans notre « chair », c’est-à-dire cette puissance de « péché qui imprègne notre nature et devient une seconde nature mensongère »1. La Loi ne peut répondre à nos vrais besoins, parce que la chair la rend sans force… (8.3). Heureusement, par la puissance de rédemption qui est dans le Christ, l’Évangile peut nous sortir de cette impasse de perdition en nous faisant mourir à la Loi.

 

 

Christ, la fin de la Loi

 

L’une des idées maîtresses du « Nouveau Testament » est l’introduction de la « Nouvelle Alliance », ce qui suppose que l’ancienne a été dépassée. La loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ (Jn 1.17) ; Christ est la fin de la loi pour que la justice soit à quiconque croit (Rm 10.4) ; La loi a été notre surveillant jusqu’au Christ (Ga 3.24) ; Il y a suppression d’un commandement antérieur à cause de sa faiblesse et de son inutilité (car la loi n’a rien porté à son accomplissement) et introduction d’une espérance supérieure (Hé 7.18)… En accomplissant la Loi jusqu’au bout par une obéissance parfaite, mais aussi, en s’identifiant à la condition humaine et en devenant péché pour nous à la croix, Jésus accepte de prendre la malédiction que nous méritions : C’est pour nos péchés qu’il a été percé, c’est pour nos fautes qu’il a été brisé, le châtiment qui nous donne la paix est retombé sur lui (És 53.5) ; Le Christ nous a libérés de la malédiction que la Loi faisait peser sur nous en prenant la malédiction sur lui, à notre place (Ga 3.13). Ainsi, par sa mort, Jésus nous libère du « régime de la Loi » pour désormais lui appartenir.

 

 

Les passions de péchés provoquées par la Loi

 

Un lien étrange et puissant unit le péché et la « loi » au point que Paul écrit : Sans loi, le péché est mort (7.9) ou L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; et la puissance du péché, c’est la loi (1 Co 15.56). La juste condamnation de Dieu nous livre aux conséquences du péché. Par nos infractions à la loi divine, nous tombons dans une sorte d’engrenage selon le principe « récolter ce que nous semons » (Ga 6.7). L’Accusateur en profite pour nous enfoncer encore plus sous sa domination à travers la puissance du péché. La loi, en nous plaçant devant les exigences de Dieu par nos propres ressources, ne fait que réactiver les passions des péchés de notre nature humaine corrompue. Ainsi lorsque Paul décrit sa situation avant sa découverte du régime nouveau de l’Esprit (v. 6), il était sous l’emprise de la chair ou littéralement dans la chair, et non en Christ. Dans cette sphère, le péché est impossible à dompter et la loi l’attise et le provoque.

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La vie nouvelle

 

L’Évangile, en Romains 7, proclame notre union avec Christ, nous arrachant au pouvoir et à la malédiction de la loi ainsi qu’à la sphère de domination de la chair. Une ère nouvelle commence dans laquelle on découvre le régime nouveau de l’Esprit pour sortir du régime ancien de la lettre. Les chapitres 6 à 8 montrent que le basculement de régime peut parfois prendre du temps en vue :

• de mieux comprendre : Ne savez-vous pas que ? Ignorez-vous ? (6.3, 6, 9, 16…) On peut faire le parallèle avec les propos de Jésus : Si vous demeurez dans ma parole, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libre (Jn 8.31-32)

• de mieux appliquer dans la foi ces vérités en calculant bien que nous sommes morts au péché et vivants pour Dieu dans le Christ Jésus (6.11 lit.)

• de mieux nous livrer sans réserve à Dieu (6.16-19)

• de faire mourir les actions du corps ou les relents de la « chair » selon Rm 8.13 ou Col 3.5.

 

 

Le légalisme subtil

 

En nous arrachant à la malédiction de la loi, le Christ veut nous délivrer de nos « oeuvres mortes » et nous faire entrer, aujourd’hui, dans son repos (Hé 4.10- 11 ; 6.1). Le sarment doit puiser ses ressources dans le cep pour porter du fruit et non en lui-même (Jn 15.1-6). Nous savoir accueillis par Dieu sans nos oeuvres, mais par pure grâce, devrait nous délivrer de la recherche de « performances » pour gagner l’approbation de Dieu, afin d’être trouvé en lui, non pas avec notre propre justice, qui viendrait de la loi, mais avec celle qui est par la foi du Christ, une justice venant de Dieu et fondée sur la foi (Ph 3.9). Cela devrait nous affranchir de plus en plus de la puissance du regard des autres qui peut devenir une autre « loi » en vue de recevoir leur approbation (Jn 5.44 ; Ga 1.10). Même les soucis de la vie, nos obligations professionnelles, familiales, voire religieuses, peuvent se transformer en « loi » qui réactive la vie ancienne lorsque nous quittons le terrain de la foi et de la dépendance de Dieu : De tout ton coeur, mets ta confiance dans le Seigneur ; ne t’appuie pas sur ta propre intelligence ; reconnais-le dans toutes tes voies, et c’est lui qui aplanira tes sentiers (Pr 3.5-6). De la « mort à la loi » au laxisme Parfois il n’y a qu’un pas. Mes frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement, que cette liberté ne devienne pas un prétexte pour la chair ; par amour,faites-vous plutôt serviteurs les uns des autres (Ga 5.13). La mort à la Loi nous donne en fait la possibilité d’accomplir la Loi de Dieu en nous, par son Esprit (Rm 8.4-5).

 

 

Par la Loi, mort à la Loi

 

tables-loiAux Galates, dans le contexte de la justification gratuite, Paul résume cette victoire sur la Loi ainsi : Par la loi, je suis moi-même mort pour la loi, afin de vivre pour Dieu. Je suis crucifié avec le Christ, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi (2.19-20). Je paraphraserai ainsi : « Par la Loi, qui a été comme un surveillant pour me conduire à Christ et ainsi me faire mourir à la Loi, mais aussi à cause de mon incapacité à suivre pleinement cette loi et me retrouver sous sa malédiction, je suis désormais mort à la Loi par mon union avec Christ. Il a accompli la Loi pour moi et il a porté ma malédiction. Je peux désormais vivre pour Dieu par l’unique façon qui lui soit agréable, à savoir par la vie du Christ en moi. Par le moyen de la rédemption qui est dans le Christ, je suis désormais uni à sa mort et à sa résurrection. Une rupture profonde s’est opérée avec ma vie ancienne et je peux vivre d’une vie nouvelle dans la foi au fils de Dieu qui répand sa vie en moi comme le cep le fait pour le sarment ».

 

 

Concrètement

 

Saisir ces réalités me conduit à vivre comme nouvelle créature (ou nouvelle création) en Christ. Dès le matin, je peux proclamer ma nouvelle appartenance et demander la sagesse à Dieu pour accomplir sa volonté. La victoire n’est jamais absolue, puisque je dois apprendre à être vigilant face aux nouvelles tentations qui se présentent chaque jour, mais, dans la foi, je peux servir Dieu, libéré de la puissance de la Loi. J’imagine la joie du fils prodigue qui revient chez son père et découvre la grandeur insoupçonnée de sa grâce. Le fils aîné, resté dans sa logique « légaliste », ne peut pas comprendre cette attitude. Y a-t-il un remède au légalisme ? Oui, l’Évangile de la grâce2 !

 

R.K.

 

Questions

 

pour un groupe de discussion

 

Lire si possible cet article, l’article « Loi » d’un dictionnaire biblique, puis Rm 7.1-6 et Ga 2.16-21.

 

Question 1 : Quand on parle de légalisme, à quoi pensez-vous en général ?

 

Question 2 : En Rm 7.1-6, Paul part d’une parabole assez énigmatique. Que représentent cette femme mariée et le premier mari, le second mari ?

 

Question 3 : La Loi est sainte (Rm 7.12), quelle est l’utilité de la Loi, à votre avis, dans le plan de Dieu ?

 

Question 4 : En Rm 7.1-6, comment comprenez-vous cette mort à la Loi ?

 

Question 5 : Selon Rm 7.1-6, et Rm 8.3-4, pourquoi à votre avis « chair » et « Loi » sont-ils liés si intimement ?

 

Question 6 : En Ga 2.16-21, pourquoi Paul insiste-t-il autant sur la justification gratuite, sans les oeuvres de la Loi ?

 

Question 7 : En commentant Ga 2.16-21, John Stott explique : « Notre justification a lieu quand nous sommes unis au Christ par la foi. Or, quiconque est uni au Christ n’est jamais plus la même personne. Au contraire, il est changé ». Qu’est-ce qui montre ce changement dans ce texte de Ga 2 ?

 

Question 8 : Pourquoi une meilleure compréhension de l’Évangile peut-elle être un puissant remède contre le légalisme ?

 

 


 

NOTES

 

1. Selon l’expression d’Henri Blocher, La doctrine du péché et de la rédemption, FLTE, Vaux-sur-Seine, 1982, p. 50.LÉGALISTE, MOI ?

 

2. Pour approfondir, il n’y a rien de mieux que relire avec attention le Nouveau Testament, notamment les épîtres aux Romains, Galates, Colossiens, Hébreux… On peut s’aider de quelques bons commentaires sur les livres clés en rapport avec notre sujet comme Samuel Bénétreau, L’épître de Paul aux Romains, T1, Edifac 1996 ; Brad Dickson, Romains, Edition Clé, 2006 ; F.F. Bruce, Romains, Tyndale New Testament Commentaries, IVP, 1988 ; John Stott, Appelés à la liberté, Commentaires de l’épître aux Galates, Emmaüs, 1996. On peut lire aussi Neil Anderson, Une nouvelle identité pour une nouvelle vie, BLF Europe, 1993. Avec un peu de prudence à cause de certains raccourcis, Watchman Nee, La vie chrétienne normale, Farel, 2007.