L’expérience de la plénitude du Saint-Esprit
Par Eric Waechter
Peut-on connaître ici-bas le bonheur parfait ? Non, bien sûr ! Le croyant est lucide sur le bonheur tout relatif qu’il peut retirer de son existence terrestre. Mais son espérance vivante le pousse à attendre le monde à venir dans lequel il connaîtra le bonheur parfaitement et durablement.
Peut-on alors connaître dès maintenant la plénitude du Saint- Esprit ? Si le bonheur parfait est un bien durable espéré, l’Écriture insiste à plusieurs reprises sur la plénitude du Saint-Esprit comme une réalité possible pour le croyant dans son existence présente : « … laissez-vous constamment remplir par l’Esprit » (Ép 5.18b).
Que signifie au juste la plénitude de l’Esprit saint et quels sont les signes sensibles qui l’accompagnent ? En d’autres termes : quelles sont les caractéristiques de la vie du croyant rempli de l’Esprit de Dieu ?
En Joël 3, le prophète annonce la venue d’une époque où Dieu répandra son Esprit sur tous ceux qui invoqueront son nom1 (v.5). Cette effusion se produira sur tout être, quels que soient son âge, sa condition sociale, son origine ethnique2 et son sexe. L’oracle de l’Éternel précise que cette effusion de l’Esprit sera accompagnée de signes extraordinaires : les récipiendaires du Saint-Esprit exerceront une activité prophétique (v.1 : songes et révélation). À la lecture de ce texte de l’Ancien Testament, nous pourrions affirmer que pour tout croyant, l’habitation du Saint-Esprit se manifeste par un signe visible extraordinaire que nous appelons couramment charismatique.
Quelques siècles plus tard, lors de la Pentecôte à Jérusalem, Pierre annonce à ses auditeurs que la prophétie de Joël est en train de s’accomplir sous leurs yeux (Ac 2.16). En effet, le Saint-Esprit était descendu sur tous les disciples réunis à Jérusalem : ils furent tous remplis du Saint- Esprit [expérience de plénitude] et commencèrent à parler des langues différentes. Là encore, nous pourrions formuler la même conclusion : appliquée à la vie du croyant, la plénitude du Saint-Esprit se manifeste d’une autre manière surnaturelle telle que le parler en langue.
Tirons-nous les bonnes conclusions ? Pas si sûr, car nulle part ailleurs l’Écriture ne formalise et ne confirme l’activité charismatique comme une expérience normative et usuelle de la plénitude du Saint-Esprit dans la vie du croyant.
Selon l’Écriture, les signes « universels » de la plénitude de l’Esprit sont d’abord appelés à se manifester ailleurs… dans la banalité de notre quotidien. Revenons à notre texte d’Éphésiens 5.18 : Ne vous enivrez pas de vin – cela vous conduirait à une vie de désordre –, mais laissez-vous constamment remplir par l’Esprit. Ivresse du vin et plénitude de l’Esprit sont utilisées pour signifier des différences fondamentales et en même temps des similitudes. La seule méditation de l’opposition vin/Esprit induit les signes visibles de la plénitude du Saint-Esprit. Les deux représentent un pouvoir extérieur qui influence la marche de l’homme (au sens moral comme au sens propre !), les deux inspirent des cantiques, les deux égaient (pour qui a le vin joyeux !), les deux donnent du courage. Mais si l’ivresse mène à la débauche, la plénitude de l’Esprit mène à une vie qui glorifie le Seigneur dans deux domaines que Paul détaille dans le contexte immédiat de son exhortation du v.18. D’abord dans la vie communautaire de l’Église : en tout temps, un esprit disposé à la louange et à la reconnaissance envers Dieu pour s’encourager mutuellement (v.19-20). Ensuite, la plénitude de l’Esprit se manifeste dans la relation épouse-époux (un époux aimant son épouse comme Christ aime l’Église, une épouse soumise à son époux, v.22- 23), puis parents-enfants (des parents qui éduquent leurs enfants selon la volonté du Seigneur, v.4) et enfin employé-employeur (respect de son supérieur hiérarchique et travail irréprochable, 6.4). Aucune sphère relationnelle n’échappe aux effets de la plénitude de l’Esprit. En fait, l’homme « nouveau » des chapitres 4 à 6 de l’épître est un homme rempli de l’Esprit, contrairement au vieil homme esclave de son péché.
Si nous devions mentionner quelques exemples de la vie courante où les signes de plénitude se manifestent, nous pourrions dire qu’un parent qui contient sa colère lorsque ses enfants l’irritent et le poussent à bout manifeste quelque chose qui ne lui est pas naturel : il résiste à la colère, signe de la plénitude de l’Esprit. Un chrétien qui accomplit avec sérieux et honnêteté son ouvrage professionnel manifeste des signes extérieurs qui reflètent la plénitude de l’Esprit. Aimer l’Église, vivre avec reconnaissance et louange le culte dominical, veiller à sa manière de vivre… autant de moments dans le quotidien de la vie du croyant où la plénitude de l’Esprit se manifeste.
Finalement, l’expérience de la plénitude est à notre portée chaque jour dans la mesure où nous laissons l’Esprit de Dieu faire mûrir en nous ses fruits (amour, joie, paix, patience, amabilité, bonté, fidélité, douceur, et maîtrise de soi selon Ga 5.22) qui caractérisent la vie nouvelle en Christ.
E.W.
NOTES
1. L’étude de l’expression du verset 5, « Invoquer le nom du Seigneur », démontre qu’elle correspond théologiquement à l’expérience de la nouvelle naissance.
2. Des non- Juifs pouvaient faire partie de la catégorie des serviteurs et servantes du v.2. Ainsi l’oracle indique que l’effusion de l’Esprit de Dieu pourra même toucher des hommes et des femmes en dehors du peuple d’Israël.