Former une maison spirituelle
Par Robert Souza
Pour nous qui avons reçu comme appel : édifiez-vous pour former une maison spirituelle (1 P 2.5), les textes qui parlent de la construction du tabernacle sont une véritable mine d’or1. Voici un ouvrage dont le Seigneur lui-même est l’architecte, et qui est une image et une ombre des réalités célestes d’après l’épître aux Hébreux (8.5).
Pour penser, imaginer, concevoir et réaliser, l’homme a absolument besoin de modèles. Pour qu’Israël ne puise pas ses modèles en Égypte, pays qu’il venait tout juste de quitter, Dieu lui a communiqué un modèle nouveau et original. Et l’incident du veau d’or, qui se déroule en parallèle avec la communication des plans du tabernacle à Moïse, est là pour prouver l’utilité, voire la nécessité d’un bon modèle. Pendant que Moïse est sur la montagne, pendant que le Seigneur lui parle de la demeure qu’il désire, le peuple se fabrique une idole selon ses propres idées, selon le modèle des nations, et lui rend un culte !
Mais nous ne sommes pas fondamentalement différents des enfants d’Israël à l’époque de Moïse. Notre monde nous propose ses modèles et cherche même à nous les imposer… non par la force, mais insidieusement, par la propagande, par imprégnation, ou par son mépris et son hostilité à l’égard de ceux qui ne sont pas « religieusement corrects ».
Pour construire à la manière de Dieu, il est indispensable de toujours revenir aux modèles que le Seigneur nous donne dans sa Parole : au corps de Christ, à l’édifice de Dieu, à l’épouse…, mais aussi au tabernacle, le premier modèle de la maison spirituelle. Nous nous limiterons ici à quelques pensées – mais j’espère que cela vous donnera envie de continuer à creuser pour vous-mêmes dans la mine du tabernacle.
Bâtir ensemble, donc – mais que devons-nous bâtir ? … construisez-vous pour former une maison spirituelle…
Bâtir une maison
Le mot que nous traduisons traditionnellement par tabernacle désigne tout simplement une demeure. Ce n’était évidemment pas une maison en dur – à l’époque, tout Israël vivait sous des tentes. Mais c’était bien une habitation, le signe que l’Éternel désirait demeurer avec son peuple : Le peuple me fabriquera un sanctuaire pour que j’habite au milieu de lui2.
Il est bien de nous rappeler de temps en temps que nous sommes appelés à édifier une maison, et non un monument ! L’église, comme le tabernacle, n’a de sens et n’a de valeur que si elle est habitée. Le plus important, c’est la présence de Dieu et le règne de Dieu.
Cela est clairement indiqué dans la description que le Seigneur fait de la demeure qu’il désire. La grande majorité des auteurs qui ont écrit sur le tabernacle le décrit en partant de l’extérieur (le parvis, la porte, l’autel de bronze…). C’est curieux… car le Seigneur adopte la démarche inverse ! Il ne commence pas par le parvis, il ne commence pas non plus par la structure, non : il commence par le plus caché, mais le plus important, par « l’arche ». Et ce coffre est, de tout le mobilier du tabernacle, l’objet le moins visible et le plus mystérieux. Le souverain sacrificateur seul entrevoyait, dans la pénombre du lieu très saint et seulement une fois par an, ce coffre surmonté par les keroubim (transcription qui rend mieux leur côté impressionnant).
Le coffre avec son couvercle, le propitiatoire, est une représentation du trône de Dieu et peut donc être vu comme le point de contact entre ciel et terre. En Ex 25.22, nous lisons : Je te rencontrerai du haut du propitiatoire… je te parlerai.
Pour bien bâtir notre maison spirituelle, pour qu’elle soit une demeure habitée plutôt qu’un monument vide, pour que la parole de Dieu soit clairement entendue parmi nous, nous devons mettre le trône au centre… Jésus n’a pas dit autre chose lorsqu’il a proclamé : Cherchez d’abord le règne de Dieu…
Nous pouvons investir beaucoup de temps, d’énergie et d’argent dans l’apparence et dans les activités de notre Église. Si le trône de Dieu n’est pas au centre – et Jésus sur le trône, bien sûr –, cela n’aboutira à rien. Dans le tabernacle, le coffre était invisible et pourtant on savait qu’il était là, il était facile à localiser… parce que tout le reste (porte, autel, cuve, etc.) balisait le chemin du trône et tout s’organisait autour de lui. Dans l’Église, nous nous dispersons si facilement et nous pouvons perdre de vue l’essentiel : nous sommes appelés à rendre visible le règne de Dieu.
Bien sûr, pour que le Seigneur règne dans l’Église, il doit d’abord régner au plus profond de chacun de nos coeurs, de chacune de nos vies. C’est à cette condition que notre vie d’Église trouvera une cohérence qui deviendra un témoignage. Il est bien de nous arrêter de temps en temps devant le trône de Dieu pour faire le point. Le règne du Seigneur est-il solidement établi dans ma vie ? Le trône est-il le point fixe autour duquel tout s’organise ?
Ce trône, accessible au seul souverain sacrificateur une fois par an, nous renvoie au trône de la grâce accessible en permanence depuis la mort du Fils de Dieu. Approchons-nous, nous y sommes invités. Approchons-nous non pour être accusés ou, pire, condamnés, mais pour être éclairés. Pour entendre le Seigneur nous dire : « Mon enfant, là où je ne règne pas, je ne peux pas bénir. »
Là est, sans doute, l’explication de beaucoup de nos frustrations et de nos prières non exaucées. Nous sommes forts pour demander au Seigneur de nous bénir dans des domaines où nous ne le laissons pas régner ! Il nous faut rétablir le trône à sa juste place : c’est là que le Seigneur nous rencontrera et nous parlera.
Bâtir ensemble une maison pour accueillir et révéler le règne de Dieu, voilà notre vocation. La maison doit se construire autour du trône.
Bâtir une maison spirituelle
Pour la construction du tabernacle, les Israélites ont contribué à fournir de l’or, de l’argent, du bronze, des étoffes, des peaux, du bois… La demeure à construire était bien tangible. Mais depuis la mort et la résurrection du Fils de Dieu, depuis que le voile a été déchiré, les choses ont changé et les contraintes de lieu et de mobilier ont disparu3.
Nous formons une maison spirituelle, comme Paul l’explique aux Éphésiens : En Jésus-Christ, tout l’édifice bien coordonné s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous aussi, vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu en Esprit (2.21-22).
1. Il ne faut pas confondre « spirituelle » et invisible
Ici encore, le tabernacle nous aide à penser l’Église, car, à y regarder de près, ce sanctuaire était une drôle de construction. À l’intérieur, on trouve une structure originale, beaucoup d’or, de magnifiques broderies. À l’extérieur, on voit une grande tente en poil de chèvre dont la conception ressemble à celle de toutes les tentes d’Israël (Ex 26.74). L’aspect extérieur est à la fois banal et fonctionnel. Le toit en poil de chèvre protège le tabernacle proprement dit des intempéries et des regards. La gloire est à l’intérieur et seuls ceux qui sont appelés à entrer peuvent la contempler. Pour emprunter une expression que C.S. Lewis emploie dans un des « Contes de Narnia » (pour parler, je crois, de l’étable de Bethléhem), on pourrait dire que le tabernacle est « plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur » !
Nous ferions bien de regarder l’Église de cette façon. De l’extérieur, une église locale prend l’aspect d’une association « loi 1905 ». C’est là notre tente, ce que le monde voit. C’est fonctionnel : cela simplifie nos relations avec les autorités. Mais c’est également banal : il y a des centaines d’autres associations dans la ville. Que le monde ne voit pas plus loin que la « tente » ne devrait pas nous étonner : il croit comprendre ce qu’est une association et cela le rassure. Mais nous ne devons pas donner une importance démesurée à cette apparence, à cet habillage. Nous savons que l’église est plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur et que si la tente couvrait le tabernacle, il est aussi vrai de dire qu’elle ne pouvait pas le contenir.
Mais il y a un autre aspect extérieur à considérer : le local de réunion. Nous ne confondons pas le local et la maison de Dieu, bien sûr ! Si nous nous réunissions dans un hangar quelconque, la mai- son de Dieu serait quand même là ! Toute communauté chrétienne a besoin de se réunir quelque part, mais la Parole de Dieu n’attache pas d’importance au local. La vigueur de la première Église, qui se réunissait comme elle pouvait, dans les maisons, dans un coin de la cour du temple, doit nous parler. Un local plus grand ne garantit nullement la croissance de l’Église… Veillons à ne pas nous laisser fasciner par l’immobilier. Il faut des locaux adéquats, c’est sûr, mais ne perdons jamais de vue que le local appartient au fonctionnel.
Il est bien plus important de faire avancer le règne de Dieu que de soigner l’organisation ou l’hébergement de l’église. C’est une question de priorité et d’équilibre. Le tabernacle a besoin de la tente… mais la gloire de Dieu doit nous fasciner bien plus que les mètres carrés ! Tirons profit, là encore, de l’histoire d’Israël : le tabernacle dans le désert abritait le trône de Dieu tandis que dans le magnifique temple dit d’Hérode le lieu très saint était désespérément vide.
Ne laissons jamais le fonctionnel prendre le pas sur la vie. Notre maison spirituelle ne peut pas rester invisible, mais elle ne peut pas non plus se réduire à ce qu’on voit de l’extérieur.
2. La maison se construit avec notre générosité
Les enfants d’Israël ont fait des dons pour la construction du tabernacle, des offrandes volontaires, fruit de coeurs généreux. Et il reste vrai que le fonctionnement et l’édification de l’Église font appel à nos offrandes volontaires… et que le Seigneur aime celui qui donne avec joie.
Mais pour former ensemble une maison spirituelle où Dieu se plaît à habiter, il ne suffit pas que nous soyons généreux de notre argent. Il n’est malheureusement pas rare de rencontrer des chrétiens qui croient qu’il suffit de donner de ses biens pour que l’oeuvre de Dieu avance et que son règne devienne visible. Ce n’est évidemment pas vrai, comme il n’est pas vrai que le tabernacle s’est monté tout seul à partir des matériaux donnés ! Il a aussi fallu que chacun exerce le don qu’il avait reçu (les détails se trouvent au ch. 31 de l’Exode). Le Seigneur a dit : J’ai mis de la sagesse dans le coeur de tous les gens habiles, pour qu’ils fassent tout ce que je t’ai ordonné. Il ne suffit jamais de donner, il faut aussi se donner.
Pour bâtir ensemble une maison spirituelle, où la présence de Dieu se manifeste, nous devons aller plus loin dans la générosité et devenir généreux de notre accueil, de notre écoute, de notre temps, de notre présence, de nos encouragements… généreux dans l’hospitalité, généreux au service du corps de Christ et d’un monde qui souffre. Notre maison spirituelle ne se construira vraiment qu’avec notre générosité. Dans quel domaine le Seigneur t’appelle-t-il à être plus généreux ?
La maison spirituelle de l’Église est, à l’image du tabernacle, le lieu où Dieu vient à la rencontre de l’homme et lui parle. Cette rencontre n’est possible que grâce au sang de l’Agneau de Dieu. C’est une rencontre avec celui qui est à la fois Père… et Seigneur de l’univers. Il s’approche pour nous dire : « Là où je ne règne pas, je ne peux pas bénir », et il nous invite à réagir, à revenir à son modèle.
Il nous encourage à former ensemble une maison spirituelle, une communauté vivante qui révélera son règne et sa gloire à travers notre générosité.
R.S.
NOTES
1. Lire Exode 25.1- 10, 40
2. Ex 25.8
3. Jean 4.21-24
4. Nous considérons les couvertures en peau (Ex 26.14) comme des housses de transport.