Un pas de plus… Bible en main
Par Marie-Christine Fave
Nous ouvrons notre Bible, parcourons un chapitre par exemple. Puis, nous avons souvent envie d’en ressortir immédiatement une application pour notre vie, une parole pour aujourd’hui, une promesse de Dieu… Et pourtant, avons-nous bien saisi le sens du passage ? Cette promesse s’adresse-t-elle à nous ? Sans transformer la lecture de la Bible en un exercice littéraire et sans enlever la spontanéité de la relation avec Dieu dans ce moment privilégié, cet article reprend 3 phases d’étude d’un texte biblique, classiquement appelées : observation, interprétation, application1.
Observer
Observer, c’est s’imprégner du passage et se demander : Que dit le texte ? |
Regarder ne consiste pas seulement à voir. De même, observer un texte demandera plus de temps et d’effort que de le lire simplement. On sera peut-être amené à relire plusieurs fois certaines parties pour essayer de comprendre.
Au cours de cette étape, on fait attention aux :
• faits : surtout dans un récit ;
• lieux : au besoin, s’aider d’une carte ;
• personnages : ce qu’ils font ou pas, comment, pourquoi…
En général, le caractère des personnages n’est pas directement décrit, mais on peut le découvrir au travers de leurs actions et de leurs paroles. Les contrastes entre deux ou plusieurs personnes ne sont pas rares : Simon le pharisien et la femme pécheresse (Lc 7), Marthe et Marie (Lc 10), le juste et les méchants (Ps 1)…
On relève l’époque. L’histoire de Ruth, par exemple, se situe pendant la période des Juges. On note certains détails ainsi que ce qui nous étonne. On constate aussi ce que l’auteur ne dit pas et les interrogations qu’il laisse parfois. Ainsi, ne soyons pas dogmatiques sur ce qui n’est pas clairement affirmé dans la Bible, sachant que les points importants pour notre foi sont exprimés et même répétés sans ambiguïté.
La Bible est rédigée dans des styles littéraires variés dont il faut tenir compte et les termes employés ne nous sont pas toujours familiers.
• Les mots, les expressions, les coutumes
Certains mots nécessitent un apport d’informations. À quoi correspond un denier, un talent ? Comprenons-nous bien certaines expressions dans le sens de leur époque ? Les habitudes culturelles, comme les règles d’hospitalité (Lc 7.44- 46) ou la façon de conclure une alliance (Gn 15), ont par exemple bien évolué.
Alors que nous évitons les répétitions en français, elles servent souvent d’indicateurs dans la Bible. Elles montrent un point sur lequel l’auteur insiste. Pensons, par exemple, aux nombreux « C’est par la foi… » de Hébreux 11.
• Les citations
Selon le cas, on peut chercher le passage d’où provient la citation ou celui, voire ceux où elle est mentionnée. Pour une prophétie, cela pourra permettre de voir son accomplissement. Pour d’autres versets, cela montre la perspective du N.T., avec parfois plusieurs utilisations comme la célèbre phrase de Gn 15.6 reprise au moins en partie dans Jc 2, Ga 3 et trois fois dans Rm 4.
• Le style littéraire
Entre un texte narratif, poétique, législatif, une parabole, une vision, une prophétie, un discours, une lettre…, le style change et la façon d’écrire aussi. Les lignes suivantes relèvent quelques points sur certains de ces styles.
Style narratif : Beaucoup d’évènements sont rapportés dans la Bible. Le récit forme un tout, et on peut analyser comment le dénouement se prépare. On touche à certaines doctrines, mais non de façon systématique et exhaustive. De ces récits, on apprendra sur Dieu, sur l’homme.
Si on rencontre une promesse ou un commandement, on peut se demander :
à qui est-ce adressé ? Y a-t-il des conditions ?
Parabole : C’est une histoire qui illustre une vérité centrale. Ne cherchons pas une signification pour tous les détails. Le contexte immédiat donne la raison pour laquelle cette histoire est racontée.
Style poétique : La poésie hébraïque qui représente une partie conséquente de l’A.T. est différente de la nôtre. Le langage est souvent imagé. Deux parties de verset ou deux phrases se correspondent avec un effet de parallélisme. À titre d’exemples , citons : Jb 27.4 ; Psaume 142.2-3.
Pour les psaumes, on peut voir si un contexte historique est précisé, noter l’évolution de l’état intérieur du psalmiste.
Lettre : Elles représentent à la fois des écrits de circonstance (avec des destinataires et des situations) et contiennent des vérités éternelles.
Texte de loi : On peut distinguer des lois à caractère religieux, social ou moral.
Interpréter
Interpréter, c’est chercher le sens du texte et se demander : Que voulait dire l’auteur ? |
Interpréter un texte, c’est répondre aux questions suivantes : qu’est-ce que l’auteur voulait dire à ceux à qui il écrivait ? Quelle était l’intention de Dieu en inspirant ce texte ? Même si les commentaires fournissent parfois différentes interprétations sur un passage, une seule est correcte : celle qui correspond à la pensée de l’auteur, au sens qu’il mettait dans ses écrits. Reste à le découvrir… Les éléments observés ainsi que des principes d’interprétation vont aider dans cette démarche.
• Le contexte
Vous l’avez probablement déjà entendu : « Un texte hors de son contexte est un prétexte. » Le « Va-t-en de ton pays… » dans Genèse 12.1 n’est pas un commandement pour nous à laisser travail, maison… et à partir, voiture chargée, vers une destination inconnue. C’est une parole adressée à Abram à un moment précis de sa vie. Dans l’étude d’un passage, prenons le temps de regarder le contexte du livre entier (comment le texte s’insère-t-il dans le plan de ce livre, voire de sa thématique ?) et bien sûr le contexte immédiat (les versets autour).
La parabole des ouvriers embauchés à différentes heures (Mt 20.1-16) surprend à priori beaucoup de lecteurs. Elle nous conduit dans une autre logique, basée sur la grâce. En fait, cette histoire fait partie d’un dialogue entre Jésus et Pierre. Elle représente un avertissement pour ce dernier. Dans le contexte immédiat, Jésus invite le jeune homme riche : suis-moi, et lui promet un trésor dans les cieux (Mt 19.21). La question de Pierre arrive après le départ de ce jeune homme au v.27 : Voici que nous avons tout quitté et que nous t’avons suivi, qu’en sera-t-il pour nous ? Jésus donne alors promesse et avertissement à cet ouvrier de la première heure.
• La Bible par la Bible
Quand un texte aborde un sujet, cherchons d’autres versets qui traitent de cette même question. Les différents textes se complètent et fournissent un cadre à ne pas dépasser dans notre interprétation. Si nous étudions le passage de Jacques 2.20-26 indépendamment du reste du Nouveau Testament, nous risquons de nous méprendre sur la place des oeuvres et de la foi. Tenir compte de l’argumentation de Paul, dans les chapitres comme Rm 4, Ga 3 et 4, Ep 2, donnera des pistes pour éviter une interprétation erronée.
Nous nous attendons, en effet, à trouver une cohérence dans la Bible, parce que nous croyons qu’elle est Parole de Dieu. Ainsi, nous partons du principe : la Bible ne se contredit pas. Et si nous avons l’impression d’être devant une contradiction, il est temps de nous remettre en question : Avons-nous bien compris le sens des passages ? S’agit-il vraiment du même sujet ? N’est-il pas vu sous un angle différent ? Par exemple : Jacques, dans sa lettre, se soucie de la nature d’une foi authentique et de ce qu’elle produit dans les vies. De son côté, Paul aborde la foi en relation avec la justification (dans Romains sous forme d’exposé, dans Galates en réaction à une avancée du légalisme).
D’une manière générale, interpréter la Bible par la Bible nous amènera à considérer divers textes sur un même sujet, à utiliser les passages les plus clairs pour nous aider à comprendre des versets plus difficiles. On peut, par ailleurs, s’attendre à ce qu’une vérité importante soit répétée plusieurs fois dans la Bible.
• Ancien Testament et Nouveau Testament
Dans l’observation, nous avons mentionné les citations, notamment entre A.T. et N.T. Dans l’interprétation, il faut tenir compte du caractère progressif de la Révélation, distinguer le transitoire du permanent.
• Le style littéraire, le bon sens
Un texte poétique ne s’interprète pas comme un récit. Quand le Psaume 98 au verset 8 déclare : Qu’ensemble les montagnes lancent des acclamations, on ne s’attend pas à entendre crier les montagnes. Le style est à prendre en considération, ainsi que le langage (imagé, figuré, etc.). On utilise aussi son bon sens. Un texte narratif comporte un côté historique et peut apporter un exemple de l’intervention de Dieu dans une situation. Les évènements décrits peuvent illustrer une doctrine explicitée ailleurs. Toutefois, on ne peut pas fonder une doctrine sur un récit.
• Interprétation en solo ?
Nous prions que Dieu nous parle. Dieu se révèle aussi aux autres. Les écouter, lire des commentaires, permet de confronter ou de vérifier nos réflexions et apporte des informations utiles.
Appliquer
Appliquer, c’est s’approprier le texte, se demander : Que vais-je faire de ce que j’ai lu ? |
Vient enfin le moment des implications du passage lu dans vies. L’interprétation est une, mais les applications peuvent être multiples et variées. On peut notamment regarder si nous trouvons dans ce texte : un commandement à respecter, un péché à confesser, une promesse à saisir, un avertissement à prendre au sérieux, un encouragement pour moi ou pour quelqu’un d’autre, un exemple à suivre, un défi à relever. Et finalement se dire : comment vais-je prier suite à ce que j’ai lu ?
Trop de questions ?
Certains pensent peut-être : « Je lis simplement, je ne me pose pas tant de questions ! » En fait, il ne s’agit pas de s’interroger sur chaque point lors de notre lecture, même si certains de ces éléments peuvent être bien utiles. Le temps passé pour creuser un texte en l’observant et en essayant de l’interpréter n’est pas du luxe. Nos mémoires retiendront peut-être davantage du texte. Et après, reste le challenge pour aujourd’hui et pour demain : Que vais-je faire de ce que j’ai lu ?
M-C.F.
NOTE
1. Vous trouverez, en page 18, l’étude d’une parabole avec des questions pour l’étude en groupe.