Israël et les prophéties bibliques
Extraits1 d’une table ronde tenue dans le cadre de la Convention de Palaiseau (2010), animée par Serge GOULT avec Reynald KOZYCKI, pasteur à Palaiseau, Florent VARAK, pasteur à Villeurbanne, Alain LARREY, pasteur à Charenton et Robert GRENET, pasteur à Nanterre.
Comment interpréter les prophéties eschatologiques en lien avec Israël ?
(Reynald KOZYCKI) C’est un sujet très vaste et je ne ferai qu’un survol vraiment rapide de cette question essentielle sur Israël dans la Bible. Le nom « Israël » est cité 2321 fois dans la Bible. Évidemment, l’Ancien Testament est le livre du peuple d’Israël. Israël joue un rôle fondamental dans les textes bibliques.
Le christianisme, qui a hérité de la première Alliance, a eu beaucoup à réfléchir sur le rôle d’Israël. Le Nouveau Testament aborde cette question assez souvent, et l’apôtre Paul, en particulier dans Romains 9 à 11, fait état des promesses concernant la restauration d’Israël dans la fin des temps.
Comment ces textes ont-ils été interprétés dans l’Histoire ? Dans les premiers siècles, il y avait une lecture assez littérale de cette idée du retour d’Israël et la conviction que Dieu n’en avait pas fini avec Israël. Chez certains des premiers interprètes de la Bible, l’accent est mis, au sens littéral d’Apocalypse 20, sur le Millénium pendant lequel Dieu va restaurer pleinement Israël, avant les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Et puis, avec Origène, commence une lecture plus symbolique des textes. Ensuite, surtout avec Augustin, la chrétienté va s’orienter vers une doctrine ancrée très profondément dans de nombreux courants chrétiens, qu’on appelle la théologie du remplacement, en se fondant sur Galates 6.16, où Paul dit : Paix et miséricorde sur tous ceux qui suivront cette règle et sur l’Israël de Dieu. Cette expression d’« Israël de Dieu » est assez énigmatique, et une grande partie du christianisme va dire que l’Église accomplit complètement toutes les promesses faites à Israël et que Dieu en a fini avec l’Israël historique. Il faut dire qu’à l’époque, Israël était presque rayé de la carte depuis l’an 70 et surtout vers 120-140 dans un deuxième temps.
Mais dès le XVIe siècle, un exégète tel que Calvin, sans abandonner la théologie du remplacement, envisage de manière évidente, dans son commentaire de Romains, aux chapitres 9 à 11, que, dans la fin des temps, Israël reviendra. Progressivement, dans le protestantisme attaché aux textes bibliques, cette idée du retour d’Israël est devenue une doctrine assez importante au début du XIXe siècle avec les réveils spirituels dans certains milieux baptistes en Angleterre, au début des Églises de Frères. C’est surtout John Nelson DARBY qui va systématiser un peu plus un enseignement autour d’Israël. Il y aura une grande préoccupation concernant le retour d’Israël comme un des signes de la fin des temps. Dans la littérature du début du XIXe siècle, beaucoup de livres parlent de ce que le peuple d’Israël va revenir bientôt dans sa terre, et cela quelque 100 ou 150 ans avant que les choses ne se passent.
Et puis, avec le retour d’Israël en 1948, une partie des évangéliques y verra dans le début de l’accomplissement des prophéties (en particulier dans le dispensationnalisme et le prémillénarisme). Une autre partie, notamment ceux qui adhèrent à la « théologie de l’Alliance », maintiendra son idée qu’Israël a été définitivement rejeté par Dieu au profit de l’Église.
La place d’Israël dans l’histoire va donc revenir sur le devant de la scène. C’est ce qu’affirme en particulier la Déclaration de Willowbank en 1989. Sous l’égide de l’Alliance évangélique, des théologiens évangéliques du courant de Lausanne ont essayé de formuler, à la lumière de la Bible et de l’actualité, les positions qui pourraient être les plus fidèles à la Bible concernant Israël.
Il y a aujourd’hui un certain consensus pour dire qu’Israël joue un rôle essentiel dans le plan de Dieu et que le peuple de Dieu reviendra sur sa terre, mais de manière beaucoup plus massive que ce qui s’est passé en 1948. Avec un retour glorieux et surtout, en citant Zacharie 14 : Ils pleureront un jour amèrement sur celui qu’ils ont percé et il y aura la conversion d’Israël.
Comment comprendre Romains 11.26 : Tout Israël sera sauvé ?
(Reynald KOZYCKI) Parle-t-on de la nation ou du peuple d’Israël ? On se doute, dans le contexte de la Bible, que tout le peuple d’Israël de manière globale ne va pas se convertir à Jésus- Christ, comme le monde entier ne se convertira pas à Jésus-Christ. Mais quand Paul parle de « tout Israël » en Romains 11.26, je pense que c’est à un moment de son histoire où Israël va être réduit à un « reste » dont parle souvent l’Ancien Testament. Ce reste va être témoin des évènements décrits dans Zacharie et dans Romains 9 à 11. Il s’agirait de l’ensemble de ce reste qui va se convertir.
Comment évangéliser les Juifs ? C’est difficile et cela me semble tellement important. On fait des séminaires pour témoigner aux musulmans, mais je ne connais pas de formation pour l’évangélisation des Juifs.
(Florent VARAK) Plusieurs organisations missionnaires sont actives dans le témoignage auprès des Juifs, comme « Juifs pour Jésus » par exemple. Ces organisations peuvent venir dans les églises pour évoquer les choses à faire et à ne pas faire, parce que bien évidemment, comme pour toutes cultures, il y a des faux pas à éviter.
Un petit témoignage : dans notre église, chaque année, on participe à un effort d’évangélisation avec Juifs pour Jésus et on est entouré d’un voisinage avec une population juive qui est assez amicale à notre égard. On distribue des tracts, je suis d’origine juive et je porte le tee-shirt « Juifs pour Jésus » et cela crée pas mal de conversations, assez houleuses parfois. Un jour, une femme m’a dit : « Il faut arrêter de dire que Jésus est le Messie, c’est faux ! » J’ai répondu : « Vous avez lu la Bible, en Ésaïe 53… » « Mais je ne lis pas les livres chrétiens ! » J’ai dit : « Je suis navré, c’est dans le Tanach, c’est dans les écrits juifs que vous pouvez lire sur le Messie ! » et elle m’a regardé interloquée. Ainsi, cette femme était, comme l’essentiel de nos voisins, qu’ils soient catholiques ou athées, ils n’ont aucune connaissance de l’Écriture.
L’organisation « New Tribes Mission » fait l’analyse suivante : si 2 000 personnes juives se sont converties à la prédication de Pierre en Actes 2 et 3 000 encore quelque temps plus tard, c’est parce que Dieu a pris soin pendant 2 000 ans de donner des instructions, des modèles de rédemption au travers de sa Loi, des sacrifices, et cela a fait « tilt » lorsque Christ est venu. Les pièces du puzzle ont été complétées. Il faut instruire par l’Écriture avant que les gens se convertissent. Pour cela, nous organisons assez régulièrement de petits groupes de découverte, parcourant une douzaine de chapitres de l’Écriture pour donner une vision biblique du monde, avec la création, la chute et le travail rédempteur qui se fait progressivement, qui mène à Jésus et Jésus qui donne vraiment la réponse. Et qu’on soit juif ou non-juif, maintenant très souvent c’est le même chemin, instruire des vérités de l’Écriture avant que la rédemption paraisse comme un cadeau et un privilège extraordinaires.
(Reynald KOZYCKI) L’évangélisation du peuple juif est une question importante. Mais hâter l’avènement du Seigneur selon 2 Pierre 3, ce n’est pas spécialement annoncer l’Évangile aux Juifs ; c’est annoncer l’Évangile autour de nous et, surtout, vivre dans la sainteté, apprendre à obéir à Dieu… Mais c’est aussi être conscient, comme dit Paul dans Romains 1, que l’Évangile est la puissance de délivrance et de salut pour quiconque croit. Il dit : « du Juif premièrement puis du Grec ». Il faut être conscient que l’Évangile s’adresse à eux en premier, mais ensuite, selon les circonstances, les lieux… il ne faut pas négliger de témoigner de notre foi à quiconque. Je pense qu’on peut hâter l’avènement du Seigneur sans se focaliser sur le seul témoignage auprès du peuple d’Israël. Quand l’heure viendra, le Seigneur va, en son temps, apporter un esprit de révélation, de repentance à son peuple comme il est dit dans Zacharie. Mais cela n’empêche pas qu’il faut être témoin.
Extraits mis en forme par Marcel REUTENAUER
NOTE
1. Il n’est bien sûr pas possible de reproduire toute la matière d’une table ronde de 90 minutes et nous avons dû faire un choix. Le CD complet (format mp3) des 6 messages de la Convention est en vente à 10 € franco de port à l’adresse : reykoz@free.fr