Enterrement ou crémation : pouvons-nous choisir ?
Par François-Jean Martin
Ce sujet1 a par le passé divisé le monde chrétien, et même le courant évangélique. Aujourd’hui, la pratique de la crémation se répand,2 le nombre de crématoriums augmente chaque année.3 D’abord opposée, l’Église catholique romaine a décidé en mai 1963 que les fidèles catholiques pouvaient faire incinérer leur corps s’ils le désiraient. 4
Dans la Bible
L’Ancien Testament souligne l’importance du lieu où certains patriarches et rois furent enterrés : dans la terre que Dieu avait promise de leur donner ainsi qu’à leur descendance. Il s’agit là d’une symbolique prophétique. Néanmoins, peut-être pour éviter toute vénération, le lieu où fut enterré Moïse resta inconnu. Il en va de même des apôtres : aucun ne fait mention de cela dans ses écrits.5
Notre foi
Nous croyons qu’à la mort, la partie spirituelle du chrétien humain (âme ou esprit) va avec Jésus- Christ et que la partie corporelle retourne à la poussière (Ec 12.7). Nous croyons à la résurrection corporelle des morts (Rm 8.23, Luc 24.39, 1 Co 15.50 ; cf. article suivant). Tous les morts (enterrésou non, dévorés par des animaux, disparus au fond des mers, brûlés dans des incendies…) ressusciteront et comparaîtront à la fin des temps devant Dieu.
Paul emploie l’image des semailles (semé corruptible, il ressuscite incorruptible – 1 Co 15.35-36.42ss). Mais cela reste une image pour parler de quelque chose qui nous dépasse. On ne peut donc l’utiliser comme argument contre l’incinération.
La crémation n’est pas abordée directement dans la Bible.6 Il n’y a pas d’arguments forts empêchant une incinération.
Les raisons du refus de la crémation
Elles sont de trois ordres dans notre pays :
- La Parole ne met pas en avant cette pratique, mais parle à l’occasion d’enterrement.
- L’imprégnation de siècles de culture catholique7 qui rejetait l’incinération et réservait le bûcher aux hérétiques et aux sorciers.
- Les positions athées de ceux qui, en défi ouvert contre Dieu (ou contre la pensée catholique dominante), exigeaient que leur corps soit brûlé pour montrer que, jusqu’au bout et au-delà de la mort, ils ne laisseraient rien à Dieu.
Nous avons vu que les deux premiers points n’ont pas, ou plus, de raison d’être ; le troisième paraît à la fois tragique et dérisoire : l’incinération du corps pourrait-elle empêcher de comparaître devant Dieu ? À l’heure actuelle, le choix de la crémation n’est plus, en général, un refus de Dieu. La plupart des personnes n’ont plus de conviction religieuse et ignorent même cette prise de position athée.
En conclusion
Selon le contexte, la démarche de la crémation pourrait choquer, surtout dans les villages traditionnels au niveau religieux8. Dans d’autres cultures, c’est l’enterrement qui choque (comme en Inde). Peut-être dans l’avenir, des questions d’hygiène et de place dans les cimetières généraliseront l’incinération. En outre, une crémation est en général moins onéreuse qu’un enterrement.
La Bible ne se prononce pas sur le sujet de la crémation. C’est un point secondaire où nous pouvons appliquer les principes de l’épître aux Romains, chapitre 14 : nous sommes appelés à la liberté, tout en prenant garde à ne pas être un sujet de scandale ou de chute pour d’autres (Mt 17.27). Aussi, veillons à respecter et à comprendre la décision prise par un frère, une soeur, une famille, de choisir l’ensevelissement ou la crémation.
F-J. M.
NOTES
1. Voir l’article dans Servir en l’attendant N° 5- 2001et le travail de la Commission éthique de la Fédération évangélique de France, Enterrement ou Crémation.
2. Un tiers des obsèques, soit plus de 200 000 par an en France. En 2008, selon l’Association française d’information funéraire (AFIF), la France et les DOM-TOM comptent 128 crématoriums.
3. La pratique est autorisée par l’État français depuis le vote de la loi du 30 mars 1886, accordant aux citoyens le libre choix de leurs obsèques : crémation ou inhumation. La loi du 15 novembre 1887 stipule que la famille est tenue de respecter la volonté du défunt s’il s’est exprimé à ce sujet.
4. « L’Église permet l’incinération si celle-ci ne manifeste pas une mise en cause de la foi de la résurrection des corps », Catéchisme de l’Église catholique, Mame/Plon, nov. 1992 ; § 2 301, p.470.
5. St-Antoine de Thébaïde (250-356 apr. J.-C.), père des Érémites, laissa des ordres clairs à ses deux disciples pour que l’on ne connaisse pas le lieu de sa tombe, ordres qui, hélas, ne furent pas suivis.
6. Les rares exemples sont des actes de jugement : Acan, les faux prophètes – pour montrer que la désobéissance et l’idolâtrie sont abominables aux yeux de Dieu. Le cas de Saül et de ses fils semble montrer que cette pratique pouvait exister en Israël. Cependant, les os qui n’ont pas été consumés ont été enterrés.
7. Pour le début de la décennie actuelle : les pays de tradition protestante ont un taux de crémation élevé (Grande-Bretagne 70 %, certains pays Scandinaves 70 %) ; ceux de tradition catholique ont les plus bas (Autriche 18 %, Espagne 4 %, Italie 2 %, Portugal 1 %). Cependant, le fossé semble se combler petit à petit. En 2007 : le taux est très élevé en Suisse (78,8 %), République tchèque (78,4 %), Danemark (73,8 %). Dans les pays catholiques, la crémation est plus rare : Italie (8,5 %), Espagne (19,3 %). Elle gagne du terrain en Belgique (42,2 %). Dans les pays confessionnellement partagés, elle oscille autour de 50 % (Pays- Bas 51,7 %). En Norvège, le taux est de 34 % et en Finlande de 33,7 %. La crémation est très pratiquée au Japon (99,8 %) et à Hong Kong (86 %). Aux USA, la proportion est de 32 %.
8. Les religions juives, chrétiennes orthodoxes et musulmanes refusent la crémation.