Et celui qui se suicide ?
Par Jean-Marc Pilloud
Le suicide est souvent auréolé de mérites qu’il n’a pas et l’on oublie volontairement qu’il est en réalité révélateur d’une très grande détresse intime que personne n’a pu comprendre. Cet état de grande détresse, nous pouvons – vous et moi – le connaître aussi. Jour terrible, jour d’angoisse où l’on se sent seul, terriblement seul et abandonné de tous… On croit avoir atteint “le point de non-retour”. Il n’y a pas d’issue et l’on en vient à souhaiter la mort. »
Que dit la Bible ?
L’Ancien Testament proclame sans équivoque la souveraineté de Dieu sur la vie et la mort. Au verset 39 de Deutéronome 32, Dieu dit : C’est moi qui fais mourir et qui fais vivre, qui blesse et qui guéris. Personne ne peut arracher quelqu’un de ma main. Paradoxalement, la Bible relève que Dieu est aussi très affecté par la mort de ses enfants : Le Seigneur souffre en voyant mourir ses amis fidèles (Ps 116.15).
Étrangement, le suicide ne se trouve nulle part explicitement interdit dans la Bible. Elle se contente de relater sans commentaire les sept suicides d’Abimélec, Samson, Saül et son porteur d’armes, Achitophel, Zimri et Judas.
Pour les premiers chrétiens, la question du suicide était ambiguë : comment définir le suicide ? Quelles sont les limites entre suicide et ascétisme ? Entre martyre et suicide ? De nombreux textes parlant de la résurrection exhortent à ne pas craindre la mort… Certains auraient pu alors chercher à jouir plus rapidement de ces bénédictions. Cependant, les premiers chrétiens n’étaient guère tentés par le suicide, sachant que le sens de la vie chrétienne est de faire la volonté de Dieu.
Un suicidé peut-il aller au ciel ?
La réprobation du suicide ne veut pas dire réprobation de la personne. Si un chrétien que nous aimons s’est suicidé, il est possible d’espérer. Longtemps, l’Église catholique a refusé la sépulture chrétienne aux suicidés en signe de désapprobation sociale et spirituelle. Aujourd’hui, on s’est rendu compte que le suicide est un geste effectué dans un état de détresse grave. Les capacités de discernement peuvent alors être affectées.
Les chrétiens considèrent donc qu’il est impossible de juger ce qui s’est passé et à quel point le suicidé était malade psychologiquement. Pouvait-il résister à cette pression ? Tout en continuant à réprouver fortement le geste du suicide en soi, nous devons faire preuve de compassion vis-à-vis de la personne et de sa famille.
J-M.P.
NOTE
1. Non au suicide, Francis Bailet, Servir N° 4-1993