Vivre la restauration intérieure aujourd’hui

 

 

Par Nelly SINCLAIR-KUEN

 

 

Au hasard d’une flânerie de dimanche après-midi, vous tombez sur une brocante, un de ces vide-greniers où on trouve de tout… et là c’est le flash ! Une armoire en bois massif, comme vous en avez connue chez la grand-mère… nostalgie d’une époque, d’une ambiance. Du coup on y regarde de plus près. Alors, double mouvement : à la fois admiration pour la beauté, la solidité de la pièce, et désolation, quand on réalise l’ampleur des dégâts. C’était un superbe meuble. Mais la poussière, l’usure, les chocs ont laissé leur trace. Indélébile ? Irréparable ? On se demande si le « jeu en vaut la chandelle ». Va-ton investir du temps, de l’énergie, des frais pour la restauration ? On pourrait remettre cette armoire en état, lui donner une nouvelle vie pour qu’elle serve à nouveau

 

 

Parabole spirituelle ? À cause de la chute et de l’impact varié du mal, chaque être humain est « un chef-d’oeuvre en péril ». Mais il a un tel prix, que le Père veut toujours le restaurer. Par Jésus, chacun peut retrouver sa marque d’origine, créée à l’image de Dieu. Avec l’Esprit, il peut mettre en valeur sa richesse, sa personnalité unique, son histoire qui donne couleurs et contours particuliers…

 

Description du processus

1. Vouloir la restauration

En reprenant la parabole, la première chose à faire serait de décider de restaurer ce meuble. De même, dans la restauration intérieure, il est capital que la personne concernée prenne une décision, montre qu’elle est demandeuse de changement, et qu’elle devienne active dans le processus. Sinon elle risque de rester passive, de chercher à se faire prendre en charge, d’accuser tout et tout le monde de ses malheurs. Le chemin de restauration s’amorce à partir d’un constat : la situation telle quelle est, insatisfaisante, voire douloureuse, et on ne peut ou ne veut plus continuer ainsi.

 

Jésus demandait : « Que veux-tu que je te fasse ? » pour amener la personne à formuler elle-même son désir, à participer à la guérison que Lui allait donner. Ainsi tout au long du processus, il y a interaction entre la part humaine et la part divine. Dans tous les domaines, l’homme est invité à répondre à cet appel « Choisis la Vie » et à mettre en oeuvre ses capacités… et Dieu fait grâce : Dieu répare les brèches, redresse les ruines, rebâtit comme autrefois (Am 9.11).

C’est passionnant de grandir dans cette collaboration fructueuse.

 

L’aspiration au changement peut-être ambivalente, on avance et on recule, on tourne en rond. C’est fréquent ! Il est bénéfique, voire indispensable, de se faire accompagner dans ces allers-retours, de faire le point sur ce que l’on gagne et perd, soit dans la situation actuelle, soit dans un changement potentiel.

 

2. Parcourir différentes étapes

On peut décliner le cheminement autour de 3 verbes : énoncer, renoncer, annoncer. Ils seront valables aussi bien au cours d’un entretien que sur l’ensemble du parcours.

 

Énoncé : Dans la parabole, le travail consiste à retrousser ses manches et passer en revue chaque partie du meuble abîmé pour s’en occuper. Dans cette étape d’état des lieux, on constate là où il y a de la poussière, de l’usure ou des chocs ! La personne qui veut se laisser restaurer va énoncer « le » problème, exprimer des faits, laisser émerger un ressenti. Elle identifie les schémas de pensée, les états d’âme, les modes de réaction ou de comportements mis en place pour faire face aux circonstances et qui sont davantage de l’ordre de la survie – ou de la sous-vie – que de la vraie vie. En libérant la parole et l’émotion, elle apprivoise la situation, fait le tour des blessures, des manques, des besoins en attente et dénonce le mal.

 

L’accompagnant est un témoin attentif, ouvert, il accueille avec respect et bienveillance ce qui est dévoilé, utilise la reformulation pour permettre d’aller plus profond. Il a confiance que la personne va d’elle-même parler de ce qui est mûr pour être abordé et résolu, de ce que le Seigneur a préparé d’avance en vue d’une guérison. Il s’agit donc de la suivre, un pas après l’autre.

 

Renoncer : En poursuivant la parabole, il y aura plusieurs sortes de traitements. À certains endroits, un coup de chiffon ou de ponçage suffira. À d’autres, il faudra réparer patiemment, à d’autres encore il sera nécessaire d’enlever ce qui est cassé ou rouillé et de le remplacer. De la même manière, dans une vie abîmée, il y a des parties à revisiter, d’autres à réparer, d’autres à remplacer. Lorsque l’accompagnant se laisse guider par le Saint-Esprit, il sera orienté vers les outils adéquats à utiliser : spirituels (verset biblique, image, prière…) et psychologiques (chaque approche en a des spécifiques ; il est bon de pouvoir puiser dans un panel diversifié).

 

Quelle que soit la situation, l’accompagnant va amener la personne à réaliser sa part de responsabilité, consciente ou inconsciente, passive ou active, au moment des dégâts ou depuis lors. Ce ne sont pas tant les circonstances vécues qui sont déterminantes, mais ce que la personne va en faire, comment elle va les gérer. Elle a développé de fausses croyances, a nourri la douleur, se pose en victime, répète les mêmes fonctionnements… Après avoir identifié le mal, il y a un temps pour le lâcher (à la fois le problème d’origine et ce qui s’est greffé dessus). Il n’est pas évident de renoncer aux bénéfices du mal (se plaindre, attirer l’attention des autres, rester passif…). Mais pour qu’un vrai changement intervienne, se repentir, changer d’attitude intérieure est une chance. Pouvoir donner sa souffrance au Christ, transférer sa charge à la croix, apporte un réel soulagement. Choisir de pardonner et se pardonner à soi-même, permet de ne pas retenir le mal en soi et laisse à Dieu le soin de faire justice. Quelle grâce de pouvoir venir au Christ qui comprend tout et a tout pris sur lui (És 53.3-6).

 

Approchons-nous donc avec confiance du Dieu puissant qui nous aime. Près de lui nous recevrons le pardon, nous trouverons son amour, et ainsi il nous aidera au bon moment (Hé 4.16, Parole de Vie).

 

Cette part spirituelle va faciliter la part psychologique du lâcher-prise. La personne peut se repositionner autrement et reprendre du pouvoir sur sa vie.

 

Annoncer un temps nouveau : le meuble est restauré, on y retrouve la marque d’origine et il peut de nouveau servir à l’usage pour lequel il était fabriqué. Oui, quand l’identité profonde est réparée et rétablie sur les bases de la Parole de Dieu, il devient possible d’entrer dans une nouvelle étape. La personne peut découvrir un autre regard sur son passé et y discerner l’empreinte de Dieu. Elle va aussi percevoir le présent autrement, puisqu’elle se connecte à des ressources jusque-là inexploitées. Pour son avenir, elle va pouvoir entendre une parole d’espérance. Dieu dit : Voici que, moi, je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne, ne le reconnaîtrez-vous pas ? (És 43.19) Elle peut s’appuyer sur les promesses de la Bible, et sa relation avec le Dieu trinitaire prend de nouvelles dimensions. Il y a tout un chemin de prises de consciences, de recadrages, de (re)décisions, d’appropriation de nouvelles croyances spirituelles et psychologiques. Elle entre dans son vrai appel d’aimer et servir Dieu et les hommes. La conscience de sa fragilité et la dépendance de la grâce de Dieu sont sa force. Et cela va se traduire par des changements concrets, visibles, stimulants, qui donnent de l’élan pour faire face à ce qui est difficile et exigeant.

 

3. Entrer dans d’autres dimensions ?

Peut-être même pourrait-on prolonger la parabole : chercher à utiliser les défauts du meuble abîmé pour créer une originalité qui en ferait une pièce unique… C’est suivre les traces de Jésus, le serviteur blessé, qui, par ses blessures, a permis notre guérison (cf livre de H. Nouwen : The Wounded Healer). Quand Dieu a restauré une personne et qu’elle a développé ses ressources, elle peut, grâce à sa blessure, devenir source de guérison pour d’autres. Combien de personnes, ayant traversé puis dépassé un traumatisme, peuvent par la suite en aider d’autres…

 

Conclusion

Nous sommes appelés à être réparateurs de brèches (És 58.12).

La restauration intérieure est une belle mission. Et en tant qu’accompagnante en relation d’aide, je me sens privilégiée d’être aux premières loges de l’oeuvre de Dieu !

Je cherche quelqu’un qui élève un mur, qui se tienne sur la brèche devant moi, en faveur du pays (Éz 22.30).

 

Qui se lèvera pour agir au nom de l’Éternel et devenir co-acteur de restauration avec lui ?

 

N.S-K.