Les prisonniers :
Pourquoi faire un travail d’évangélisation en prison
par Gérard Peilhon1
Première raison : Christ le demande.
Au jugement dernier, alors que les hommes comparaîtront à la barre des accusés, Jésus-Christ dira à certains : « J’ai eu faim vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif vous m’avez donné à boire, j’étais étranger vous m’avez recueilli, j’étais nu et vous m’avez vêtu, j’étais malade vous m’avez rendu visite, j’étais en prison et vous êtes venus vers moi ».
Les justes répondront : « Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, quand t’avons-nous donné à boire, quand t’avons-nous vu étranger, quand t’avons-nous recueilli ou nu et t’avons-nous vêtu, quand t’avons-nous vu malade ou en prison et sommes-nous allés vers toi ? » Et le Roi leur répondra : « Je vous le dis en vérité, toutes les fois où vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites » (Mt 25.35-36).
Evidemment, en lisant ce texte, on pourrait penser qu’il s’agit uniquement des chrétiens qui, à cause de leur foi, ont été incarcérés. On en trouve beaucoup dans l’Archipel du Goulag, même si les pays socialistes n’ont pas le monopole de l’intransigeance religieuse.
Pourtant ce texte s’adresse à tous, chrétiens ou non. En effet, le texte dit au verset 42 : « J’ai eu faim vous ne m’avez pas donné à manger, j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire, j’étais étranger et vous ne m’avez pas recueilli, j’étais nu et nous ne m’avez pas vêtu, j’étais malade et en prison et vous ne m’avez pas rendu visite ».
Ils répondirent aussi : « Seigneur, quand t’avons-nous vu ayant faim, ayant soif, étranger ou nu ou malade et en prison et ne t’avons-nous pas assisté ? » II leur répondra: « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait ces choses à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne les avez pas faites ».
Ce verset 45 montre qu’il ne s’agit pas simplement des détenus qui le sont à cause de leur foi, mais qu’il peut s’agir aussi des détenus de droit commun. C’est pourquoi je ne voudrais pas entendre un jour Jésus-Christ me dire : « J’étais en prison et tu ne m’as pas visité ».
Dans Hébreux 13.3, il y a ce texte également : « Souvenez-vous des prisonniers comme si vous étiez prisonniers ». Si après avoir lu ces deux textes je reste insensible à la condition carcérale des détenus de mon pays, la voix du Christ pourra me faire ce reproche et je n’aurai aucune excuse si je n’ai pas profité des occasions qui m’étaient données.
Vous me direz : « Mais tu peux pénétrer en prison, tu as des autorisations, ce qui n’est pas le cas pour nous, ce qui n’est pas le cas pour beaucoup. Il faut faire énormément de démarches et l’Administration met souvent des bâtons dans les roues à ceux qui voudraient avoir le statut de visiteur ou visiteuse de prisons ». C’est vrai, mais cela ne devrait pas empêcher que certains fassent les démarches et parviennent après un laps de temps plus ou moins long à avoir ce statut. Il ne faut pas craindre, même la comparution devant un psychiatre pour que celui-ci examine nos motivations et notre équilibre mental, car il ne faut pas oublier qu’en prison il y a souvent un déphasage que connaissent les détenus, à cause de la condition carcérale.
Ils ont besoin de rencontrer des hommes et des femmes équilibrés. Et même si vous ne parvenez pas à entrer en prison pour visiter les détenus, un moyen reste à votre disposition, c’est la correspondance. Cette action est très importante. D’autre part, vous pouvez aussi entrer en contact avec les familles de détenus, car lorsqu’il y a un prisonnier il y a une épouse, des enfants, des parents, des amis, lesquels souffrent parfois plus même que celui qui est en prison. Alors une action est aussi possible auprès de ces familles autour desquelles, en général, on fait le vide lorsqu’on apprend que le conjoint, le père ou le fils est en prison.
Un autre moyen qui est à votre disposition c’est la prière. Rappelez-vous la prière de Josué combattant contre les Amalécites lorsque Moïse, Hur et Aaron sur la montagne levaient leurs mains en signe d’intercession, Josué avait la victoire dans la plaine. Tous ceux qui travaillent en prison, qu’ils soient aumônier, visiteur ou, comme moi qui ai déjà parcouru 112 établissements pénitentiaires, pendant les dix-neuf années de mon ministère, (et dans certaines prisons je vais une fois par an), ont besoin d’être soutenus sur leurs arrières, Quand l’intendance suit bien, l’armée peut continuer son avance et faire du mal à l’armée ennemie !
Rappelons-nous que Martin Luther King a fait plusieurs séjours en prison alors qu’il n’était pas lui-même condamné de droit commun. Coretta Scott King, dans son livre Ma vie avec Martin Luther King, rappelle ce détail que leur petite fille de quatre ans, montant sur les genoux de son papa, lui demandait souvent : « Papa, pourquoi faut-il que tu ailles si souvent en prison ? Tu n’as pas tué, tu n’as pas volé ! » Mais à cause de sa prise de position, Martin Luther King s’est retrouvé en prison dans un pays où il était malséant d’affirmer que la couleur de peau ne conférait ni supériorité ni infériorité. Un jour peut-être, nous pourrions être amenés, à cause de nos idées, à nous retrouver en prison et nous aimerions que quelqu’un vienne nous visiter.
Deuxième raison : la pénalité est un problème national.
Je ne puis ignorer que les prisons françaises sont plus que pleines. Des mesures particulières sont prises pour les désengorger. Pourtant plus de 51 000 détenus occupent les 32 500 places de prison de France. Le directeur de la prison de Rennes avec qui j’avais un entretien alors que je venais de faire une séance dans son établissement, me disait ceci : « quand on a des enfants-adolescents, on ne peut jurer que l’un d’entre eux ne se retrouvera pas un jour en prison. Savez-vous qui vous aviez dans votre auditoire, parmi les détenus ? Vous aviez un fils de commissaire de police divisionnaire, et un gendarme, fils de gendarme. »
A la prison de Mans, un détenu taillé en armoire à glace, voyant qu’un ami avait enregistré chants et message, lui a demandé d’avoir une copie de cette cassette. Le moniteur des sports, qui est un surveillant, mais toujours en survêtement, venait de me dire : « Vous en avez touché plus d’un ! » et ajoutait « celui qui a demandé la cassette est un très bon pilote automobile. L’année dernière il était deuxième aux 24 heures du Mans ».
Dans une des prisons de Strasbourg, j’avais le frère d’un évêque dans mon auditoire et même un pasteur protestant.
A la Centrale de Muret, où je suis allé plusieurs fois, j’ai rencontré le frère d’un pasteur d’une église évangélique qui avait assassiné sa femme.
J’ai aussi rencontré dans différentes autres prisons des détenus en col blanc comme on les appelle, des notaires, des médecins, des avocats qui, à cause de « magouilles » se sont retrouvés incarcérés.
Certains directeurs de prisons, très conscients de leur propre nature, m’ont demandé un Nouveau Testament à l’issue d’une séance à laquelle ils avaient assisté, me disant : « Ce que vous avez dit n’était pas simplement pour les détenus mais aussi pour nous ». Le directeur de la prison de Reims, qui était dans une de mes soirées alors que j’avais fait une séance dans son établissement l’après-midi, disait publiquement qu’il n’était pas lui-même à l’abri d’un séjour en prison.
Troisième raison : les causes des crimes sont en chacun de nous.
C’est cela qui me pousse à visiter les prisons et qui devrait vous pousser, vous qui me lisez, à peut-être tenter d’y aller. C’est Jésus-Christ qui, encore dans l’Evangile de Marc (7.20-22), dit ceci : « Ce qui sort de l’homme c’est ce qui souille l’homme. Car c’est du-dedans, c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie ». Du cœur de l’homme viennent les meurtres, les vols, les viols.
Un aumônier d’une certaine prison en Alsace, m’ayant accompagné, me disait : « Lors des entretiens avec les détenus, je découvre la face cachée de mon être », Cet aumônier, très honnête, reconnaissait que, derrière le docteur Jeckyl, pouvait se cacher le Mister Hyde. C’est un petit peu ce qu’ont compris beaucoup de gens qui ont réussi parfois à m’accompagner en prison où ils réalisaient, après avoir dialogué avec un détenu, que nous étions tous des détenus en sursis.
Quatrième raison : le remède à la criminalité l’exige.
2 Corinthiens 5.17 dit : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées ; voici toutes choses sont devenues nouvelles ». Il y a donc possibilité pour chaque être humain de changement, même si on lui a collé cette étiquette comme je l’ai eu moi-même sur mon paletot : « bon à rien – vaurien ».
Quand je vais en prison, je peux dire encore à ces détenus, comme je le faisais dernièrement à la prison de Châlons-sur-Marne : « Pour Dieu, vous avez une valeur terrible et si vous avez l’impression parce que la société a roulé la pierre sur vous que nous ne pouvez plus changer, que vous ne pouvez pas rompre le cercle vicieux de la récidive, je viens vous dire qu’il y a possibilité de s’en sortir, une possibilité de recommencement, il y a une possibilité de recréation ! »
Avec le message chanté et prêché, vous pouvez connaître littéralement une recréation, une métamorphose radicale ; de chenille parasite que vous étiez (il y a des chenilles plus ou moins belles) vous pouvez devenir ce papillon né pour l’azur, c’est-à-dire la pureté, né pour la vie et né pour l’amour, pour le répandre autour de lui.
C’est Jésus qui a dit : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs ». Lisez et relisez les Evangiles et l’histoire de l’Eglise, vous verrez que les témoins les plus remarquables sont ceux qui ont été des hommes comme « Légion », comme la femme samaritaine, comme Marie de Magdala, comme le larron repentant. Ils ont eu un passé empoisonné et ce n’est que lorsqu’ils ont rencontré Jésus-Christ qu’ils ont connu la réalité d’une nouvelle vie. Parce qu’ils ont été beaucoup pardonnés, ils aimeront beaucoup.
Plusieurs cas me viennent à la pensée. Je pense à cet ami Serge qui est devenu littéralement notre ami après qu’il m’ait entendu il y a quatorze ans à la Centrale de Fort de France, II m’écrivait ces mots :
« Le témoignage que toi et ta femme êtes venus apporter à la Centrale a touché les cœurs les plus durs. J’avais à côté de moi un « proxo ». Ce proxo m’a soufflé dans l’oreille « jusqu’à aujourd’hui je doutais de la réalité de l’amour, mais quand on voit un gars et une fille qui vivent de cette façon, on se reprend à espérer ». Et Serge, avant la fin de sa lettre, rajoutait : « Moi-même, en faisant confiance à Jésus-Christ, j’ai découvert la vraie liberté et cela derrière les barreaux ». Serge, avec qui j’ai correspondu pendant son incarcération, avait été condamné à 4 ans pour trafic et importation de stupéfiants. Il était lui-même drogué. C’est en prison qu’il a découvert cette authentique liberté et qu’il allait devenir par la suite un témoin de Jésus-Christ. En effet, après être sorti de prison, ne pouvant pas reprendre son métier d’instituteur à cause de son casier judiciaire, il a fait quatre ans d’études à la Faculté de Théologie Evangélique d’Aix-en-Provence, puis deux ans à la Faculté de Théologie de Montpellier afin d’être accepté comme pasteur dans le cadre des Eglises officielles Protestantes.
Et Serge me demandait il y a un peu plus d’un an, d’être là pour la journée de reconnaissance de son ministère en Normandie. Il est pasteur dans une petite ville de cette région et avec quelle joie j’étais là, imposant les mains et priant pour mon frère en Jésus-Christ qui a découvert la liberté derrière les barreaux de la Centrale de Fort-de-France et qui maintenant est un témoin vivant et serviteur de Dieu parce qu’il a connu une authentique recréation
Ces détenus ont besoin d’amour, un besoin extrême d’être aimés, Ils ont, alors qu’ils ont là derrière les barreaux, un sens aigu de la justice. Souvent ils considèrent que la peine dont ils ont écopé est trop lourde, Mais lorsqu’ils acceptent de faire confiance à Jésus-Christ, ils ne se lamentent plus sur la peine, mais sur leur crime. C’est le cas pour ce gars que j’ai rencontré encore récemment à la prison de Reims où il m’avait entendu deux années de suite.
Condamné pour viol il considérait que sa peine était trop lourde. Mais quand il a rencontré Jésus-Christ, il a considéré que les années n’étaient rien à côté de l’acte qu’il avait commis. Il a écrit une lettre déchirante de repentance à la jeune femme qu’il avait violée alors qu’il était en état d’ébriété. L’avocat qui devait défendre ce violeur disait au pasteur Brunet, qui visite cet homme depuis plusieurs mois ; « Je n’ai plus aucun élément de défense puisqu’il ne plaide aucune circonstance atténuante. La seule chose que je pourrai plaider, c’est le changement qui s’est opéré dans la vie de mon client ».
Le directeur de la prison de Reims cité plus haut, me confirmait que ce gars priait et lisait la Bible chaque jour dans sa cellule. Et si le directeur de cette prison est venu à ma soirée, si l’avocat est venu à une autre soirée publique, et si le juge d’instruction est venu pour écouter l’Evangile c’est à cause du bouleversement qu’ils ont constaté dans la vie de ce détenu violeur mais, maintenant, ayant retrouvé en Jésus-Christ une nouvelle virginité.
Oui, j’ai pu constater que le système pénitentiaire dans notre pays de France n’est pas destiné à réhabiliter ceux qui sont incarcérés puisqu’il y a plus de 50 % de récidivistes. La prison ne peut pas changer le cœur humain. Seule la nouvelle naissance peut le faire.
Conclusion
Un dernier point qui me pousse à aller, c’est l’ordre de mission de Jésus. Il dit : « Allez par tout le monde et prêchez la Bonne Nouvelle à toute la création ». Il ne dit pas « excepté le monde des prisons, excepté l’univers carcéral ». Comment croiront-ils s’il n’y a personne qui prêche et comment prêcheront-ils s’ils ne sont pas envoyés ? Je pourrais vous citer beaucoup d’exemples mais ça prendrait trop de place. J’ai essayé de vous sensibiliser à ce besoin de l’univers carcéral. Si vous avez l’occasion de m’accompagner dans l’une ou l’autre des prisons où je passe, vous verrez le bien fondé d’un tel ministère et vous le soutiendrez par tous les moyens.
Je suis membre de la C.E.D.E.F. (Commission d’Entraide pour les Détenus Et leur Famille) à laquelle vous pouvez écrire pour avoir davantage de renseignements.
Je puis vous dire, après avoir passé des heures et des heures dans beaucoup de prisons de France et de pays étrangers, qu’il y a là une moisson qui peut être faite à condition qu’il y ait des moissonneurs. Qu’il y ait aussi des semailles et de l’arrosage soit par votre présence, par vos lettres, ou par la visite aux familles des détenus.
« J’étais en prison et vous m’avez visité » J’espère que c’est ce que vous entendrez lorsque vous aurez à comparaître devant Dieu.
G.P.
Note
1. : Gérard PEILHON, chanteur, auteur-compositeur bien connu des milieux évangéliques, est marié avec Ariette. Ils ont quatre enfants. Gérard est agent de la Ligue pour la Lecture de la Bible et exerce son ministère dans les prisons depuis maintenant 19 ans. Il s’occupe également de la C.E.D.EF.