Rencontres avec Jésus

 vitraux-2

par Francis ESTEVE

 


 

Nous vous proposons une petite série d’articles sur quel-ques personnages qui ont rencontré Jésus dans l’Evangile de Jean. Notre objectif est simple : nous aider à côtoyer notre Sauveur dans l’intimité, à dialoguer avec lui, à vouloir le connaître encore plus profondément ; tout cela au travers de certains textes-dialogues de cette œuvre si personnelle qu’est la Bonne Nouvelle selon Saint Jean. On a souvent remarqué que « le disciple que Jésus aimait », sans doute Jean lui-même, préférait narrer des entretiens individuels plutôt que des scènes où grouillent les foules.


A deux reprises, l’auteur exprime clairement son but : « Celui qui l’a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est vrai ; et il sait qu’il dit vrai, afin que vous croyiez aussi. » (19.35) et : « Ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. » (20.31).

Connaissons-nous bien Jésus ? Avons-nous conscience de cette vie nouvelle qu’il nous a donnée ? Notre foi a-t-elle le même but que celui de l’évangéliste lorsqu’il écrivait son récit de la vie du Maître ?

 

 

Jean le Baptiseur et ses disciples

rencontrent le Christ

 

 

LA SEMAINE INAUGURALE (Jean 1.15-2.11)

 

Jean nous propose un texte très travaillé, plein de détails souvent chargés de sens. Ainsi dans cette première partie l’expression « le lendemain » revient trois fois (1.29,35,43), à quoi il faut ajouter les « trois jours après » de 2.1. Simples précisions chronologiques direz-vous, étonnant tout de même de dater si précisément les faits seulement à cet endroit (au tout début du ministère) et dans le récit de la Passion. Si l’on compte bien, trois « lendemains » plus « trois jours après » nous donnent une semaine, une semaine qui n’est pas sans nous rappeler celle de la création du monde (surtout quand il commence aussi son livre par les mêmes mots que la Genèse: « Au commencement… » (Gn 1.1).

 

Le prologue (Jean 1.1-12) nous parlait de la Parole « là-haut » hors du temps cosmique, à présent nous sommes sur terre dans un système daté. L’évangéliste n’attend pas la Passion pour dresser le procès de Jésus, il commence d’emblée : le cas Jésus doit être instruit, il faut apporter des preuves ; alors, qu’on appelle le premier témoin à la barre : Jean le Baptiseur.

 

Premier jour : le Baptiseur devant le tribunal nie être le Messie (1.19-28)

 

Les autorités juridiques déléguées par les hautes instances de Jérusalem sont descendues tout exprès à Béthanie (1.28) ou Bethabara en Pérée (notez le détail : « de l’autre côté du Jourdain », l’action du Seigneur se situe hors de la Judée). Prêtres et Lévites sont venus interroger le Baptiseur, et dès le départ ils posent la question clé : « Qui es-tu ? » (1.19) La réponse est instantanée, c’est une affirmation claire et sans tergiversation : « Je ne suis pas le Messie ! » Celui-ci vous ne le connaissez pas (1.26), il ne va pas tarder à se faire remarquer, et il est bien supérieur à moi (1 27).

 

Deuxième jour : le Baptiseur présente l’Agneau (1.29-34)

 

C’est toujours Jésus qui vient le premier, même si dans certains cas (comme Nicodème ou la Samaritaine) l’individu semble être celui qui fait la démarche d’aller vers lui. Il ne faut jamais oublier que cela n’est possible que parce que Lui, le premier, a volontairement « planté sa tente » (1.14) près de la nôtre.

 

On ne sait à qui le Baptiseur s’adressait en disant « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ». Sont-ce les autorités judiciaires restées pour enquêter ou simplement ses disciples ou la foule présente à ce moment précis du deuxième jour ?

 

Si l’image de l’Agneau de Dieu nous est familière, il n’est pas facile d’en trouver l’origine exacte. La référence à l’agneau pascal est évidente, cependant il n’avait pas pour fonction d’enlever le péché mais d’épargner de la mort les premiers-nés juifs (Exode 12.1-13). On doit aussi penser à la brebis muette Esaïe 53 qui a porté nos douleurs et les péchés de beaucoup ; et de qui nombreux seront ceux qui détourneront leur visage, n’en faisant aucun cas. Précisément Jean n’a qu’un but en tête : ramener les regards sur Jésus et qu’on le reconnaisse comme le Messie.

 

On peut enfin penser aux divers holocaustes journaliers (Exode 29.38-39) et spécialement au bouc du Yom Kippur (Lévitique 16). En fait c’est dans le Nouveau Testament que nous trouvons le sens exact de cette image (1 Pierre 1.18-19) et tout spécialement dans l’Apocalypse où l’Agneau n’est pas seulement sacrifié mais glorifié (Ap 5.6-13 parmi tant d’autres passages !).

 

Encore un détail dans cette expression « ôter le péché du monde ». Combien cela nous semble normal, habituel… mais comme cela a dû choquer les Juifs d’entendre ces mots. « Leur » Messie, « leur » agneau pascal destiné à les marquer « eux » pour les protéger « eux seulement » du châtiment bien mérité des « païens » Egyptiens, « leur » Libérateur allait-il aussi pardonner les nations ennemies ? Dieu venait sauver le monde entier et non plus uniquement les Juifs, cette affirmation universaliste a été bien difficile à admettre par les premiers judéo-chrétiens (Actes 11.17-18:21.20-21 ).

 

Le fait que Jésus existait avant le Baptiseur est une de ces nombreuses petites phrases chargées de sens. Si on se rappelle que le Baptiseur est né quelque six mois avant Jésus (Luc 1.36) comment donc ce dernier pouvait-il (au passé !) être avant lui ? Il ne peut s’agir d’une simple primauté humaine (au contraire, Jean était de souche sacerdotale, ce qui ne semble pas le cas de Jésus), mais bien de l’affirmation de l’existence éternelle de Jésus.

 

Mais le problème, avec les témoignages, c’est qu’ils sont humains et donc faillibles. Le Baptiseur n’a pas de raison d’échapper à cette règle, alors comment être sûr de son témoignage ? La preuve définitive ne pouvait être que l’oeuvre de Dieu : l’Eternel lui avait fait savoir d’avance ce qui s’est effectivement réalisé : l’Esprit devait descendre comme une colombe sur un seul homme et c’est celui qui vient maintenant vers vous ! C’est donc clair, sûr, certain : il n’est autre que le Fils de Dieu (1.34).

 

Troisième jour : des disciples du Baptiseur vont vers le Messie (1.35-42)

 

Voici une nouvelle journée qui commence par la même affirmation que la veille : « Voilà l’Agneau de Dieu. » (1.36). Cette fois des gens vont en tenir compte. Jésus va enfin être interpellé, lui dont on parlait depuis le début du livre, lui qui passait sans rien dire, maintenant il va ouvrir les lèvres :

 

« Que cherchez-vous ? » Etranges paroles que ces premiers mots du Sauveur. Mais n’est-ce pas là la question fondamentale ? Que désirez-vous le plus au monde ? Qu’attendez-vous de Dieu ? L’existentialisme, en niant toute solution, est arrivé à faire taire en nous les vraies questions existentielles inéluctables : Qui suis-je et où vais-je ? Nous sommes chrétiens, mais savons-nous pourquoi nous sommes sur terre ? Savons-nous répondre comme la Bible : pour glorifier Dieu ! (Ephésiens l.6, 12, 14…).

 

La réponse des disciples est tout aussi savoureuse. Quel besoin avaient-ils de savoir où il dormait ? Notre réponse aurait été certainement plus « spirituelle », du genre « nous cherchons la vérité, le salut… « . Eux, en bons Juifs, ils veulent voir !

 

Ils étaient deux à aller vers lui. L’un n’est pas nommé (on pense facilement à Jean l’évangéliste) l’autre est André. Andréas est un nom grec qui signifie « homme » (avec le sens général de mari, mâle). Dès le départ Jésus se veut universel, il attire donc à lui des gens aux noms à consonnances bien peu hébraïques. Est-ce une simple coïncidence que pour sa première « apparition » la Parole incarnée dialogue avec « l’homme » venu en savoir plus ?

 

Remarquez que Jésus respecte parfaitement le désir des disciples. Il ne se moque pas de leurs questions mal posées et apparemment inutiles. Il nous donne là un merveilleux exemple d’acceptation de l’autre tel qu’il est : « Venez et voyez ! » (1.39). On ne sait combien de temps ils sont restés avec lui, mais on peut penser que cela a duré au moins une après-midi (1.39). C’est le temps qu’il leur a suffi pour pouvoir affirmer sans ambages « nous avons trouvé le Messie ! » (1 41 ) Leurs questions, même les plus simplistes, avaient trouvé une réponse. Ils étaient convaincus (même s’ils sont loin d’avoir encore tout compris… et Jean nous le fera souvent remarquer).

 

Quatrième jour : d’autres disciples rencontrent le Fils de l’homme (1.43-51)

 

Ce n’est qu’avant de quitter Béthanie pour la Galilée (notez à nouveau que Jésus reste en dehors de la Judée !) qu’on va voir le Seigneur aller vers quelqu’un pour l’appeler et lui dire cette phrase devenue synomyme de l’appel : « Suis-moi. » (1.43).

 

Il est intéressant que le premier « appelé » par le maître soit Philippe. Le Messie juif attire à lui celui dont le nom rappelle la frivolité du monde païen, plus attiré par le tiercé que par Dieu (Philippos signifie en grec : « L’ami des chevaux » ; de plus, il vient de Bethsaïda (1.43) au nord du Lac de Tibériade, dans la province d’Iturée, encore une fois hors de la terre sainte de Judée.

 

Tout cela explique peut-être le ton méprisant de la réaction de Nathanaël (enfin un Juif de pure race dirait-on !) : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » (1.46). A cela Philippe répond comme son nouveau rabbin « viens et vois » (1.46). Pour connaître Dieu il faut aller là où il se trouve, il faut se lever de sous son figuier, il faut marcher, il faut faire l’effort de l’investigation honnête.

 

Il est clair que la réponse de Jésus à Nathanaël est une preuve de ce que les théologiens nomment l’omniscience et que notre monde appelle le « don de voyance » ou de prophétie. Si l’on veut échafauder des théories pour expliquer que Jésus ait pu voir « naturellement »

 

Nathanaël sous le figuier (alors pourquoi cet étonnement du Juif ?) on ne peut nier que Jésus lisait dans les cœurs et pouvait reconnaître les hommes honnêtes (1.47).

 

La dernière affirmation du passage : « Tu es le roi d’Israël » est tout aussi étonnante que les antérieures. En quoi un don de prophétie donne-t-il droit au titre de roi ? C’est seulement en comprenant que ce vrai Juif a reconnu la messianité de Jésus que cela peut s’expliquer. Ce qu’on pourrait plagier ainsi : « Voilà l’Oint de Dieu qui règne sur le monde ».

 

En fait le dernier titre attribué dans le passage revient à Jésus lui-même. Il se nomme le « Fils de l’homme ». Si le sens premier de cette expression est bien synonyme d’humain, il ne peut avoir dans ce contexte cette simple signification. Quel homme, aussi grand soit-il, a jamais servi d’échelle aux anges? « Fils de l’homme » a bien ici le sens particulier, messianique, qu’il a acquis depuis la vision de Daniel : quelqu’un qui dans les nuées reçoit sa mission et la domination universelle directement de l’Ancien des jours (Daniel 7.13-14).

 

Fin de la première semaine, la création trouve son Maître (2. 1-11)

 

Les trois derniers jours ne parlent plus du Baptiseur, nous nous contenterons donc d’un résumé : Jésus va terminer sa semaine en transformant de l’eau en vin, c’est son « premier » miracle montrant sa suprématie sur la matière. N’est-ce pas la preuve formelle qu’il est l’auteur de la création !

 

 

DEUXIEME TEMOIGNAGE DU BAPTISEUR (Jean 3.22-36)

 

Cette fois, ce sont les propres disciples de Jean qui veulent savoir ce qu’il faut penser de cet ancien membre qui maintenant fait plus d’adeptes qu’eux (3.26). Le Baptiseur se contente de leur rappeler ce qu’il avait déjà affirmé : « Je ne suis pas le Christ ! » (3 28) Jésus m’est bien supérieur (3.28, 29, 30, 31). Qu’il en faut du temps pour admettre l’évidence ! Combien de vérités sont clamées sans être entendues ! Tout cela semble confirmer une hypothèse qui veut que le quatrième Evangile ait été écrit à Ephèse où aurait résidé un bon groupe de disciples du Baptiseur que l’Evangéliste essayerait de convaincre (cf. Actes 19,7).

 

Il est difficile de dire si les versets 31 à 36 sont des phrases du Baptiseur ou un commentaire de l’Evangéliste. De toute façon, ils ne font que renforcer la même idée : Jésus est au-dessus de tout et de tous (1.31 ), et il octroie la vie éternelle dans le Royaume des Cieux à tous ceux qui acceptent de croire en lui (3.36).

 

Que pourrait-on ajouter à ce premier témoin du procès de Jésus ? Devant une telle accumulation d’affirmations proclamées haut et fort par un homme d’une telle renommée, peut-on encore douter ? Mais l’affaire Jésus n’est pas close, d’autres témoins sont là, on les retrouvera bientôt…

 

Conclusion en forme de résumé

 

La première chose à retenir c’est que Jésus est bien supérieur à Jean le Baptiseur. Le témoignage de ce dernier devant les autorités juives (1.19-27), devant la foule (1.29) et devant les disciples (1.35-36 ; 3.26-30) est convaincant.

 

Une telle énumération de vérités est vraiment quelque chose de spectaculaire, ça ressemble presque à un spot publicitaire où l’on essaye de dire et de répéter, en un minimum de temps, le maximum de qualités d’un produit. S’il ne nous était resté que le premier chapitre de Jean nous en saurions déjà beaucoup ! En voici l’essentiel :

 

Jésus est un homme (1.30, pourrait-on ajouter 1.51 ?)

  • dans un corps de chair (1.14),

  • il est un rabbin connu et apprécié par beaucoup (1.38, 49),

  • il est bien supérieur à Jean le Baptiseur (1.8, 15, 27, 30; 3.28,30),

  • il a reçu l’Esprit Saint (1.32).

 

Jésus est un être exceptionnel :

  • il est l’envoyé de Dieu (3.34) comme Parole (1.1),

  • il est le Messie, l’Oint, le Christ annoncé par Moïse et les prophètes (1.32,41,45; 3.28),

  • il est le roi d’Israël tant attendu (1.49),

  • il est le Fils de l’homme (1.51), distribuant la grâce divine (1.16-18), la capacité de devenir enfants de Dieu (1.12), baptisant dans l’Esprit Saint et non dans l’eau (1.33),

  • il est l’Agneau sans tache envoyé par Dieu pour être offert en expiation de nos fautes (1.29,36).

 

Jésus est Dieu (1.1, certains manuscrits de 1.18 disent « Dieu Fils unique »), cette divinité est confirmée par de nombreux indices :

  • il est au-dessus de tout (3.31 ),

  • il est créateur de tout (1.3,10), tout lui a été remis (3.35),

  • il existait avant de naître (1.15, 18, 30),

  • il est présent à la fois sur terre et dans les cieux (1.18 et certains manuscrits de 3.13 ajoutent « qui est dans le ciel »1,

  • il vient d’en haut, du ciel (1.2 ; 3.31 ),

  • il sert d’échelle entre les deux mondes (1.51),

  • il est le Fils unique de Dieu (1.14, 18, 34, 49 ; 3.35, 36) aimé de son Père (3.35),

  • il est la lumière des hommes (1.4-5, 8, 9).

 

Combien de ces caractéristiques n’avions-nous jamais saisies ? Ceci est peut-être dû au peu de temps que nous consacrons au tête-à-tête avec notre Sauveur. Nos prochains articles nous aideront à lui reconnaître encore bien des titres et des grâces. En attendant plongeons-nous dans la lecture continuelle de la Parole pour y découvrir l’image de Celui que nous voulons imiter.

F.E.

 


 

Note

 

1. : Ceux qui ne pensent pas que Jésus ait été omniprésent durant son incarnation interprètent ces passages comme des apartés de l’Evangéliste au moment où il écrivait et non comme des vérités dites au moment où Jésus était sur terre.