Le chrétien et l’argent
par Jacques Blocher1
II est très important pour le chrétien de savoir ce qu’il doit faire de son argent, surtout si par « argent » nous parlons de tout ce qu’il possède : ses biens meubles et immeubles. En effet, nous vivons dans une société où la place d’une personne dépend, de façon considérable, de son argent.
C’est un problème actuel pour nous qui sommes dans un système « capitaliste », mais c’est un problème qui a toujours existé, car malgré ce qu’affirment certains démagogues l’homme a toujours eu le sens de la propriété. D’ailleurs c’est un sens que la plupart des animaux possèdent aussi. Les hommes et les femmes ont toujours eu des objets leur appartenant. Ceux qui vivaient dans les sociétés les plus simples avaient des ornements : des colliers ou des bagues.
Dans les sociétés plus compliquées, ils ont eu des troupeaux et des esclaves, et puis des vergers et des maisons. Et puis le commerce est venu remplacer les échanges et a permis à certains hommes d’amasser du métal : de l’or ou de l’argent qui représentait la possibilité d’acheter ce qu’on désirait. L’histoire nous apprend que ce n’est pas seulement l’habileté qui enrichit le commerçant mais aussi la ruse ou le mensonge. Et le guerrier par sa violence peut aussi entasser le butin chez lui.
Dans ce monde où il est placé, que doit faire le chrétien pour acquérir et conserver les biens qu’il désire ?
Tournons-nous vers la Bible pour résoudre ce problème.
Ancien Testament
Dans l’Ancien Testament, la loi de Moïse, résumée dans les Dix Commandements donnés par Dieu sur le Sinaï, établit le droit de propriété de façon rigoureuse. Nous trouvons deux commandements sur dix qui protègent la propriété : Tu ne déroberas pas, tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain, quel qu’il soit. On peut y assimiler celui qui condamne l’adultère.
L’Ancien Testament dans son ensemble considère que la richesse est une bénédiction de Dieu. Nous le voyons dans le cas d’Abraham, de Jacob, de Job, de Salomon, et de beaucoup d’autres. Mais les lois d’Israël sont ainsi faites par Dieu pour que les richesses ne s’accumulent pas chez la même personne. La terre, par exemple, une des formes principales de la richesse, appartient à Dieu qui la répartit équitablement à des familles, selon leurs besoins en location. Dieu dit : « Le pays est à moi et vous êtes chez moi comme des hôtes étrangers… » (Lv 25.23). La Bible condamne le péché du roi Achab qui veut prendre à Naboth sa vigne (1 R 21). Ce dernier dit au roi : « Je ne te donnerai pas l’héritage de mes pères ! ».
Pour bien montrer que l’homme n’est qu’un locataire de Dieu il doit lui donner un pourcentage de tous ses revenus qu’ils soient en argent ou en nature. C’est la dîme. En outre les personnes que l’on possédait, enfants ou esclaves, devaient être « rachetées » à Dieu (Ex 13; Nb 18.15). Le droit de propriété en Israël est donc tempéré par l’affirmation sans cesse répétée que Dieu est le détenteur de toute richesse.
Malgré ces lois, la civilisation se transforma en Israël au point que la richesse s’accumula dans les mains de quelques hommes riches et que les pauvres perdirent le peu qu’ils avaient. Les prophètes s’élevèrent alors vivement contre les richesses égoïstes :
Ils ont confiance en leurs biens
Et se félicitent de leur grande richesse.
La libération de leur âme est chère
Et n’aura jamais lieu.
(Psaume 49.7,9).
Je le sais, vos crimes sont nombreux Et vos péchés énormes, Vous opprimez le juste, vous le rançonnez, Et vous évincez le pauvre…
(Amos 5.12).
Je m’approcherai de vous pour juger… Ceux qui retiennent le salaire de l’employé Oui oppriment la veuve et l’orphelin…
(Malachie 3.5).
Nouveau Testament
Certains commentateurs pensent que le Nouveau Testament a un autre enseignement. Par exemple, disent-ils, l’Ancien Testament voit l’argent comme une bénédiction alors que le Nouveau Testament y voit une malédiction. C’est inexact. L’enseignement des deux est le même. Seulement au temps de Jésus la société a évolué, et la Paix Romaine assure la sécurité du commerce. De grosses fortunes ont pu se faire et le niveau de vie s’est élevé considérablement, et l’écart entre les pauvres et les riches s’est élargi. A côté des gens très riches une masse de pauvres souffre dans la misère.
Jésus est particulièrement sévère pour les riches. Dès sa naissance il est du côté des pauvres. Sa mère, Marie, annonce que Dieu va « renvoyer à vide les riches » (Lc 1.53). Il ne choisit pas de naître dans un palais mais comme un pauvre parmi les plus démunis.
Pendant son ministère, à maintes reprises, le Christ condamne les riches. Il déclare qu’un chameau passe plus facilement par le trou d’une aiguille qu’un riche par la porte du Royaume de Dieu (Mt 19.23). Il dit : « Malheur à vous, riches, car vous avez votre consolation ». Il raconte la parabole du riche insensé (Lc 12.20) et l’histoire du mauvais riche et de Lazare (Lc 16.19-31). Il parle de la « séduction des richesses qui étouffe la Parole de Dieu » (Mt 13.22). Les apôtres, à leur tour, prendront la même attitude, ainsi Jacques dira : « Le riche se flétrira dans ses entreprises ! » (Jc 1.11). « A vous maintenant, les riches ! Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont mités. Votre or et votre argent sont rouilles ; et leur rouille s’élèvera en témoignage contre vous et dévorera votre chair comme un feu. Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et dont vous les avez frustrés crie… » (Jc 5.1-6).
On pourrait citer bien d’autres passages, mais nous ne devons pas commettre l’erreur de penser que la richesse est un péché en soi et la pauvreté une vertu, aux yeux de Jésus et de ses disciples. Il n’y a pas de condamnation systématique de la propriété. Jésus a raconté des paraboles où l’homme riche est l’image de Dieu le Père, par exemple dans l’histoire de l’enfant prodigue, dans celle des ouvriers loués à différentes heures, ou dans celle des mines et des talents. Le Bon Samaritain a de l’argent et s’en sert bien. Jésus ne condamne pas le fait de chercher un trésor ou une perle rare. Il porte une robe sans couture, un vêtement de luxe. Il va manger chez les publicains, qui sont hommes d’argent ; il loge chez Zachée.
Il n’y a pas de différence fondamentale entre l’Ancien et le Nouveau Testament ; l’un et l’autre mettent en garde contre le danger que représente la richesse.
D’abord parce que la richesse donne un sentiment de sécurité.
La fortune est pour le riche une ville forte (Pr 10.15).
On est abrité comme à l’ombre de l’argent (Ec 7.12).
L’argent répond à tout (Ec 10.19).
Je suis riche, je n’ai besoin de rien… (Ap 3.17).
Ensuite la richesse donne l’impression qu’on peut tout acheter, que l’on est tout-puissant.
Que ton argent périsse avec toi, toi qui as cru que le don de Dieu s’achetait à prix d’argent! (Ac 8.18).
Enfin la richesse donne soif d’en avoir davantage, même par des moyens malhonnêtes. Quand vos richesses s’accroissent, n’y attachez pas votre coeur (Ps 62.11 ).
La Bible nous met donc en garde contre l’amour de l’argent. Attention ! Cet amour nous pouvons l’avoir même si nous avons le portefeuille vide. « L’amour de l’argent, c’est la racine de tous les maux » (1 Tm 6.10). « Ne vous livrez pas à l’amour de l’argent » (Hé 13.5). Ne nous confions pas dans les biens que nous avons, comme le riche insensé.
La solution n’est pas de dilapider, de gaspiller l’argent que nous avons, comme le fils prodigue (Lc 15). La solution est d’administrer, de gérer les biens qui appartiennent à Dieu en réalité. Nous sommes tous dans la situation de serviteurs qui ont reçu plus ou moins de talents de leur Maître et doivent les administrer sagement (Mt 25.14-30).
Ceux qui en ont reçu beaucoup doivent veiller particulièrement à les gérer selon la volonté de leur Maître, sachant qu’ils auront des comptes à rendre.
Aujourd’hui
Pratiquement, nous qui vivons dans la société actuelle, que devons-nous faire pour obéir à la Parole de Dieu ?
Nous devons savoir que l’argent est une nécessité qu’il faut utiliser sans lui permettre de devenir une obsession. Je crois qu’il faut faire nôtre la prière du Psaume 30 : « Ne me donne ni pauvreté, ni richesse » ( v. 8 ) . Méfions-nous du pouvoir de séduction de l’argent.
Surtout restons toujours conscients du fait que notre argent appartient à Dieu même si nous croyons l’avoir « gagné ». Il ne faut le dépenser qu’avec son accord. Heureusement il est un père tendre et miséricordieux qui veut notre joie et notre bonheur. Il sait que nous avons besoin de détente et de loisir. Méfions-nous toutefois des efforts de notre société de consommation qui nous pousse à gaspiller notre argent, à tout dépenser sans compter. Nous sommes les gérants des biens de Dieu.
Nous sommes responsables devant notre Maître des biens qui nous ont été confiés. Demandons-lui la sagesse qui nous manque pour être fidèles, et nous n’aurons pas à rougir quand nous devrons lui rendre nos comptes, et que nous l’entendrons dire : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Seigneur ».
J.B.
NOTE
1. Article paru dans la revue Ichthus, n° 127 (1984) et reproduit avec autorisation.