La schizophrénie chrétienne1
par Robert Somerville
Je n’emploie pas le mot schizophrénie dans le sens médical. Je ne veux en tout cas pas dire que les chrétiens sont des schizophrènes, des malades mentaux, atteints d’une grave psychose, caractérisée, nous dit le Petit Larousse par « la rupture de contact avec le monde extérieur ». L’incapacité de s’adapter au réel est un aspect de la schizophrénie. Mais il y a un autre aspect, celui d’une discordance, d’une désagrégation du psychisme conduisant à un comportement désordonné, à des pensées et des sentiments incohérents, sinon contradictoires. C’est cela qu’évoqué le terme de schizophrénie – du grec schizein, fendre, diviser et de phrèn, la pensée, l’esprit.
C’est à ce sens étymologique que je me réfère en parlant de schizophrénie chrétienne. Sans soupçonner le moins du monde une psychose chez les chrétiens, je crois pouvoir dire, d’après mon expérience personnelle, le regard que je porte sur moi-même et les autres, mais aussi d’après l’Ecriture Sainte, que les chrétiens en général, quoique à des degrés divers, connaissent une tension, parfois même un déchirement dans leurs sentiments et leurs pensées.
La question posée
La tension interne entre des pensées, des désirs, des sentiments contradictoires, n’est pas le propre des chrétiens. L’écrivain Angus Wilson, s’adressant aux utopistes, leur dit que « l’idée que les hommes sont des êtres conséquents avec eux-mêmes est l’un des mythes les plus absurdes auxquels vous croyez ».
La psychologie moderne, depuis Freud, nous a fait prendre conscience que l’homme n’est pas un être raisonnable, que son comportement n’est pas soumis à sa raison et à sa volonté, mais à des pulsions qu’il est incapable de contrôler. « C’est un être d’une affectivité intense et instable, un être subjectif dont les rapports avec le monde objectif sont toujours incertains, un être soumis à l’erreur, un être qui produit du désordre » (Jacques Lesourne).
Dans le deuxième volume de sa Théologie Pratique, Maurice Ray écrit : « L’homme est un être inadapté parce que, sous cinq aspects, il est en contradiction avec lui-même : il y a…
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ce qu’il est en réalité,
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ce qu’il croit être,
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ce qu’il veut être en contradiction avec sa vraie destinée, et qu’il ne sera jamais,
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ce que les autres voudraient qu’il soit et qu’il n’est pas,
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ce qu’il croit que Dieu veut qu’il soit, alors qu’en vérité Dieu lui demande simplement d’être lui-même. »
Cette dernière phrase concerne plus particulièrement les chrétiens et montre qu’il y a bien là une sorte de « schizophrénie ». Mais, pour le moment, je m’en tiens à l’humanité en général. Je parlerai des chrétiens plus tard.
C’est encore Maurice Ray qui écrit : « Beaucoup d’hommes modernes sont inadaptés, écartelés entre leurs tendances profondes et leur comportement extérieur. Et le psychologue constate que huit fois sur dix, le malade est inadapté, non pas à son travail ou à son époque, mais à lui-même par les nombreux conflits intérieurs qui agissent en lui » (citation de Daco).
Et Maurice Ray ajoute : « Etre un individu conscient exige l’harmonie de la totalité de l’être humain. Une harmonie qui vient de la cohérence. Sans elle, il n’y a ni amour, ni amitié possible ».
Cette incohérence, ce déchirement sont un aspect constamment observable de la réalité humaine : « Je ne l’ai pas voulu » ; « ça a été plus fort que moi » ; « je n’aurais pas cru cela de lui » ; « je ne le reconnais pas » C’est ce qui fait que des êtres qui s’aiment et désirent se faire du bien l’un à l’autre en viennent à se faire du mal, à se déchirer, à se détruire.
L’écartèlement dont je parle est particulièrement sensible chez les hommes qui ont un idéal, une morale, un désir de bien faire. Un théologien catholique, André Birou, l’a bien exprimé : « II se produit une dichotomie et un écartèlement à l’intérieur de tout homme entre ce qua ‘il doit être pour survivre dans le système (puissant, dur, sans pitié, maître de grands moyens, sans scrupules, toujours adapté, toujours dans le courant) et ce qu’il aspire à être dans le plus intime de lui-même (libre, aimant et aimé, s’accomplissant, cherchant à se dépasser). D’un côté, il est dur en affaires et sans cesse en lutte contre les autres pour avoir les leviers de commande, le pouvoir ; de l’autre, plein de bons sentiments et de généreuses inspirations ».
Le Dr Tournier le confirme : « Deux forces s’affrontent dans l’homme : un besoin de vivre comme s’il était seul, de renverser tout ce qui s’oppose à sa croissance et à son ambition, de dominer les autres, d’en faire de dociles instruments de sa puissance et de les écraser, s’ils lui résistent ; d’autre part, une conscience morale non moins puissante, qui sanctionne d’un remords ineffaçable tout acte injuste, un besoin d’aimer et d’être aimé, une intuition de l’ordre divin qui limite harmonieusement l’espace vital de chaque personne au sein de la nature et de la société. Si les hommes sont tous faibles, c ‘est qua ‘ils se sentent tous déchirés entre ces deux forces et impuissants à résoudre le conflit intérieur qui en résulte ».
Ce conflit intérieur est accentué par la pression sociale, les impératifs de la vie en société, qui encourage l’agressivité, qui admire les forts, les riches, les vainqueurs et méprise les pauvres, les petits, les vaincus. C’est ce que Birou appelle « le système » et que la Bible appelle « le monde », un monde sans Dieu, enfermant les hommes dans des « systèmes » et les contraignant à se comporter autrement qu’ils ne le voudraient avec une partie d’eux-mêmes.
Mais le « monde » ne fait que renforcer des tendances et des comportements que la « chair » produit en nous. Ce que la Bible appelle « la chair », ce n’est pas l’aspect physique de notre être, mais l’être humain tout entier lorsqu’il s’est coupé de Dieu, l’homme livré à ses propres ressources, faisant de lui-même le centre de sa vie, cherchant à bien faire, mais n’y parvenant pas.
Le chrétien aussi
Aucun chrétien n’est à l’abri de ce conflit. La victoire est possible certes, par le Saint-Esprit, mais des retombées dans la chair sont également possibles (que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! – 1 Co 10.12) N’est-ce pas ce qui arrivé à Pierre à Antioche, lorsqu’il s’est abstenu de manger avec les païens ? Il savait ce qu’il devait faire : Dieu le lui avait révélé assez clairement lorsque, par une vision, il l’a convaincu de se rendre chez un païen, Corneille (Ac 10). Mais, à Antioche, par peur du jugement de ses frères juifs, il a fait le contraire.
Le danger existe même qu’ayant commencé par l’Esprit, on finisse par la chair. Les Galates en sont un exemple (3.3). Luther l’avait bien compris, qui disait : « Je croyais avoir noyé le vieil homme ; l’animal, il a appris à nager ».
Ainsi donc les chrétiens aussi connaissent la dichotomie, le combat intérieur entre la chair et l’Esprit, le vieil homme et l’homme nouveau, la pensée du monde et la pensée de Dieu. S’imaginer le contraire est dangereux : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous » (1 Jn 1.8).
En fait, le danger est précisément de ne pas souffrir de ce conflit, de croire que tout est bien, donc qu’il n’y a plus rien à changer. Cela ne veut-il pas dire alors qu’on s’accommode du vieil homme qui surnage et perdure ?
Luther nous a laissé à ce sujet une parole sans doute un peu brutale, mais salutaire : « Le propre de l’homme charnel est de se croire spirituel et de se plaire ; le propre de l’homme spirituel est de se croire charnel et de se déplaire ».
La satisfaction de soi ne signifie pas que le conflit a été résolu, mais qu’on arrive à s’accommoder de sa schizophrénie.
Il est bon de reconnaître que nous restons ici-bas des chrétiens tiraillés, menacés d’écartèlement, ayant à lutter pour parvenir à ce que toutes nos pensées soient « rendues captives à l’obéissance du Christ » (2 Co 10.5).
Trois aspects du combat
Je voudrais maintenant faire ressortir trois aspects particulièrement importants de ce combat entre le vieil homme et l’homme nouveau.
1. L’air du temps
Le premier concerne notre présence au milieu du « monde », un monde sans Dieu, une humanité rebelle à Dieu et qui exerce sur nous une pression constante, parfois consciente, le plus souvent inconsciente, afin que nous nous conformions à ses idées et à ses façons de faire. Il est difficile de résister à « l’air du temps ».
D’où l’exhortation de l’apôtre Paul : « Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait » (Rm12.2).
Ce que la Bible appelle « le monde », ce n’est pas tel ou tel domaine d’activité humaine qui serait mauvais en soi (les plaisirs, les spectacles, l’argent, la politique, etc.). C’est une mentalité, une façon de penser et d’agir, qui a cours autour de nous et nous enveloppe, nous imprègne, nous modèle.
Le comportement de tous les hommes est largement conditionné par ce qui se fait dans le monde où ils vivent. Nul n’échappe aux idées reçues, aux modèles, aux règles de conduite de la société, dont il est membre, sans qu’il se rende bien compte des pressions qu’exercé sur lui son milieu. Très souvent, en croyant agir librement et spontanément, nous ne faisons que répéter un comportement appris dès l’enfance, nous reflétons des préjugés, des stéréotypes de conduite.
Le « monde », c’est donc la pression sociale qui nous pousse à penser et à agir, « comme tout le monde », à faire les choses parce que « cela se fait », et non parce que Dieu le commande.
Les chrétiens de tous les temps ont connu cette tension, et avec une mentalité divisée, où cohabitent la volonté de Dieu et la pression du monde ambiant avec tous ses « il faut », « on ne peut pas faire autrement », ou encore « la vie commande ». « En ce sens-là, écrit J.F Six, la vie, c’est la mode, c’est-à-dire le monde, manière collective de s’abstenir de vivre et de penser librement. »
2. Une place au soleil
Une autre cause de tension intérieure – et qui ne fait qu’accentuer le tiraillement entre Dieu et « le monde » – est le besoin que nous éprouvons d’avoir une place reconnue dans la société, d’y jouer un rôle. Et c’est vrai que nous avons un rôle à jouer, un rôle social qui constitue une part importante de notre identité : rôle de mari ou de femme, de parent, de travailleur selon l’emploi occupé ; de supérieur ou de subordonné, de citoyen, etc. Rôle de membre d’église aussi, de pasteur, de diacre, de trésorier, etc.
Le Dr Tournier a bien analysé cette tendance à endosser un personnage dans son livre Le personnage et la personne. Il écrit : « La réputation et la profession apparaissent comme des abris… Alors ce que M. Jules Romain appelle le ‘Système officiel’, ce jeu perfectionné de toute la société où chacun remplit bien ponctuellement le devoir conventionnel qui lui incombe, n’apparaît plus seulement comme un obstacle fâcheux au contact personnel, mais plutôt comme un grillage derrière lequel nous abritons notre fragile personne. »
II continue, citant Pascal : « Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable ». L’être imaginaire, c’est ce que nous voulons paraître aux yeux des autres.
La peur d’être mal jugés nous pousse à porter des masques (or, l’hypocrite, étymologiquement, c’est précisément celui qui porte un masque, l’acteur de théâtre). L’expérience du ministère pastoral nous apprend vite qu’il faut du temps et de la patience pour que les gens cessent d’être sur la défensive et acceptent de se montrer tels qu’ils sont en laissant tomber leurs masques.
Devant la facilité avec laquelle nous nous jugeons les uns les autres, le risque de la transparence et de la vraie communication nous remplit de crainte. La sécurité se trouve dans l’apparence, dans le double jeu de l’être et du paraître.
Malheureusement, cela vaut pour les chrétiens. C’est la peur d’être jugé qui a poussé l’apôtre Pierre à renier Jésus comme à trahir ses convictions à Antioche en se tenant à l’écart des païens. C’est parce qu’ils cherchaient à plaire aux hommes que les Galates se sont laissés troubler par des ennemis de l’Evangile du Christ.
Le chrétien qui a le souci de rendre un bon témoignage doit veiller sur sa conduite, mais il est fortement tenté, souvent à son insu, de veiller aussi sur les apparences. La crainte que ses échecs, ses failles, ses fautes ternissent son témoignage le porte à les dissimuler. Et cela d’autant plus qu’il sait qu’on attend davantage de ceux qui se disent disciples de Jésus.
Sans aucun doute, celui qui a la charge de conduire les autres est plus menacé. Ne doit-on pas donner l’exemple ? Or, un exemple qu’on ne voit pas, qui n’apparaît pas, ne vaut rien. Ici encore, il faut écouter Paul Tournier : « Une vocation ecclésiastique pas plus qu’une autre, ne saurait échapper à une déformation professionnelle et à la routine du métier ».
Nul de nous n’est à l’abri de la contradiction qui peut exister entre l’être et le paraître et qui crée une division dans notre être, en particulier dans nos motivations. L’image que nous donnons à voir correspond-elle bien à la vérité de ce que nous sommes ?
3. C’est pas moi
Une troisième forme de schizophrénie qui nous menace provient du conflit qui peut exister en nous entre la loi et la grâce.
Croire en Jésus-Christ, c’est se remettre à sa grâce qui sauve, c’est donc se démettre de toute prétention d’assurer son salut par soi-même, par ses oeuvres religieuses ou morales. Mais pareille démission ne nous est ni naturelle, ni facile. L’air du temps ne la favorise pas, puisqu’il nous pousse à refuser l’idée de culpabilité, à nous disculper, à nier notre responsabilité (c’est la faute aux autres, aux parents, aux enseignants, au gouvernement…).
Le besoin de nous justifier, de faire valoir nos droits à l’amour de Dieu, de nous trouver des excuses lorsque nous péchons, est profondément ancré en nous. Nous essayons d’en persuader les autres en portant des masques, comme nous l’avons vu. Et nous espérons que Dieu finira par en être convaincu lui-même !
Il est certain que le pharisaîsme est étroitement lié à la notion de salut par les oeuvres. Mais le besoin de nous justifier est si grand que nous avons beau croire à la grâce, nous sommes tiraillés entre la sécurité qui vient de la grâce de Dieu et celle que nous croyons pouvoir ajouter par notre justice.
Dans un article d’Aimer et Servir, J.-L Richardeau écrivait : « On sait la réticence que nous avons d’accepter la grâce et le pardon ; et avec quel empressement nous retournons vers les lois, les commandements et le jugement, c’est-à-dire, de nouveau, les conflits et les difficultés. C’était déjà le cas des Galates auxquels Paul écrit son épître ».
Je ne crains pas de dire qu’il y a souvent chez les chrétiens, y compris les chrétiens évangéliques, un danger de glissement vers la loi, qui est cause de schizophrénie, de division entre ce qu’ils croient par leur intelligence (vous êtes sauvés par la grâce) et ce que leur dictent leurs sentiments, leurs « tripes », si vous voulez, où subsiste la peur de ne pas faire assez pour être aimés de Dieu.
Cette peur produit des sentiments de culpabilité souvent exagérés, d’où des chrétiens tristes, angoissés, qui ne reflètent pas la joie du salut.
« Il faudrait qu’ils me chantent des chants meilleurs pour que je croie à leur Sauveur. Il faudrait que ses disciples aient un air plus délivré », disait Nietsche.
Le retour à la foi, en effet, c’est la perte de la liberté. « Ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage » (Ga 5.1 ).
Un théologien catholique, L Beinaert, a bien vu cette perte de liberté : « Chez un très grand nombre de chrétiens persistent des craintes, des anxiétés, des sentiments de dévalorisation, des tentations anxieuses de disculpation se rapportante des fautes qu’ils auraient commises ou qu’ils pourraient commettre… La situation éthique d’un bon nombre de chrétiens présente quelques traits structuraux que la révélation de la libération du péché, de l’abolition du régime de la Loi et du pardon en Jésus-Christ ne semble pas avoir touchés… »
Cela nous affecte tous ! Reconnaissons que, même si nous avons compris que notre seule sécurité est dans la grâce de Dieu, nous avons tendance à croire – ou à sentir – que Dieu nous aime davantage quand nous avons obéi à ses commandements !
Dans leur livre Victoire sur le sentiment de culpabilité et la dépression, Narromore et Courts nous rappellent que « Dieu n’est pas en communion avec nous sur la base de nos bonnes intentions, de nos efforts honnêtes ou de notre spiritualité. Il nous accepte en raison de son caractère divin qui exige la perfection à 100%.
Le problème essentiel réside, non pas dans la sincérité ou le succès de nos efforts, ni dans notre bonté, mais dans la justice à 100 % exigée par lui… Jamais aucun homme, excepté Jésus-Christ, n’a observé la loi de Dieu dans son intégrité, ne serait-ce qu’un seul jour. Si Dieu nous acceptait dans la mesure où nous respectons ses commandements, tout chrétien se sentirait sans cesse rejeté ». Heureusement, « Dieu nous accepte sans conditions, parce que nous sommes en Christ ».
Tant que nous n’avons pas compris que sa grâce nous suffit, que nous avons pleinement tout en Christ, nous ne pouvons rester que déchirés, écoutant à la fois l’accusateur, le diable (qui nous dit : tu as péché, tu es indigne de l’amour de Dieu, tu es donc condamné) et le Défenseur, le Saint-Esprit, qui nous atteste que nous sommes enfants de Dieu et qu’il n’y a aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. Quand nous péchons, nous nous sentons rejetés (alors que Dieu nous aime) ; quand nous obéissons à Dieu, nous nous croyons aimés davantage (alors qu’on ne peut rien ajouter à l’amour de Dieu).
Les conséquences
Le chrétien schizophrène, c’est-à-dire celui qui n’est pas libéré de l’écartèlement entre la loi et la grâce, tombe habituellement dans deux travers :
1. L’esprit de jugement, puisque le péché des autres le fait paraître meilleur, se sentir plus juste. En cela, il cède à l’air du temps, un temps où il est habituel de se justifier en accusant, en trouvant un bouc émissaire : tout le mal vient des autres, les communistes, les juifs, les catholiques, les musulmans, etc.
2. Le retour au légalisme, au besoin de détailler les commandements pour savoir exactement ce qui est « permis » ou « défendu », pour être sûr d’être « en règle ». On fait de la loi une épreuve d’examen et du Nouveau Testament un code de lois. Le Dr Tournier l’a bien noté : « Le puritanisme apparaît comme une tentative de localiser le mal : par une sorte de convention sociale, il y a une liste de choses défendues. La liste peut varier naturellement selon les époques ou les communautés. Il y en a, par exemple, qui défendent de fumer, de boire de l’alcool, de danser ou d’aller au théâtre. Mais le sens psychologique me paraît bien d’assurer la bonne conscience à quiconque s’abstient des choses défendues, puisque la liste, si sévère soit-elle, est limitée » (voir aussi Col 2.20.23).
Pauvre Paul, qui écrivait : « Tout est permis » ! Il est vrai que c’est là une parole biblique à laquelle beaucoup de chrétiens ne croient pas, apparemment. Sans doute, Paul ajoutait-il : « Tout n’est pas utile… tout n’édifie pas… Je ne me laisserai asservir par rien ».
Cela ne nous ramène pas sous le régime de la loi, mais nous fait progresser dans la liberté des enfants de Dieu. Il ne s’agit plus de législation, mais de discernement, d’amour « abondant de plus en plus en connaissance et en vraie sensibilité » (Phil 1.9 ; Col 1.9).
Plus de schizophrénie ici, mais la cohérence d’un comportement fondé sur l’assurance de la grâce de Dieu, motivé et orienté par l’amour.
R.S.
Note
1. : Cet article est tiré d’une étude donnée par M. Somerville au Congrès de l’Association des Eglises de Professants, à Thollon-les-Mémises, en 1990.