Quand l’Eglise prend la truelle
Colin Breeze interviewé par Esther Buckenham
En voyant leurs voitures chargées à la limite du possible, je me demande si ce sont des touristes en route pour la Côte d’Azur. Mais non, ces Anglais-là n’ont pas traversé la Manche à la recherche du soleil – ils sont venus pour travailler !
Colin Breeze, leur « chef », se déplace beaucoup depuis qu’il a pris la direction de l’organisation « Brass Tacks », il y a de cela deux années. Plus récemment, il a été rejoint pour un service « plein-temps » par Paul Hannay. Leur but : fournir une aide technique et pratique aux serviteurs de Dieu à travers le monde entier.
Très gentiment, Colin répond à nos questions.
Colin, ton voyage actuel t’emmène de Paris à Ville-franche-sur-Saône, à Marseille, à Nice, et dans plusieurs autres villes. Quel est le but de ce long voyage ?
C.B. : Notre but cette fois-ci est de rencontrer plusieurs serviteurs de Dieu ouvrant dans le cadre de nos assemblées, qui ont demandé de l’aide pour des projets de construction. Je désire aussi, pour moi-même, avoir un aperçu de la croissance de l’Eglise de Jésus-Christ en France tout en prenant connaissance des possibilités d’aide que nous pouvons apporter à nos frères et soeurs en Christ.
Est-ce que tu peux nous expliquer le nom de votre organisme – « Brass Tacks » ?
C.B. : C’est une expression qui remonte loin dans l’histoire de l’Angleterre ! Dans les magasins où l’on vendait autrefois du tissu, étaient fixés sur le comptoir, des clous en cuivre qui servaient à mesurer le tissu – une distance d’un « yard » (environ 90 cm) séparait les clous. Pour nous, « Brass Tacks » signifie tout simplement se mettre au travail ! Nous sommes un groupe de personnes, membres d’assemblées en Grande-Bretagne, qui désirons apporter une aide pratique aux missionnaires et aux assemblées à travers le monde.
Quel est l’âge de votre organisation ?
C.B.: Nous fonctionnons depuis cinq années.
Quelles sont les conditions à remplir pour obtenir votre aide professionnelle ?
C.B. : Nous n’avons pas de conditions prédéterminées ; nous examinons cas par cas, chacun des projets qui nous sont soumis. Ceci dit, voici quelques-unes des questions que nous risquons de poser :
1) S’agit-il d’une oeuvre pionnière ? éventuellement dans une ville ou une région nouvelle ? ou d’une action de type nouveau ?
2) S’agit-il d’un local pour réunions, ou d’un lieu d’habitation ? d’un lieu de formation, d’enseignement au service des églises ?
3) Est-ce un endroit qui sert l’église d’une autre manière et qui contribue à la proclamation de l’Evangile, par exemple, un Centre de Vacances ?
4) S’agit-il d’apporter une aide à des missionnaires à la retraite ?
5) S’agit-il de construction, ou d’aménagement, d’amélioration, ou d’entretien ?
Nous ne voulons pas enlever du travail aux ouvriers qui pourraient se trouver sur place ! Mais lorsqu’il y a absence de connaissances techniques, de main-d’oeuvre, ou de finances, nous sommes prêts à apporter notre aide. Il nous faut pour cela, trouver des bénévoles qui acceptent de « sacrifier » leurs vacances pour mettre leurs compétences au service de Dieu et de ses enfants.
Comment, justement, constituez-vous vos équipes ?
C.B. : Quelquefois plusieurs assemblées d’Angleterre, proches géographiquement, se mettent ensemblel pour constituer une équipe. C’est ainsi que durant les récentes vacances de Pâques, trois assemblées du « Merseyside » ont collaboré pour envoyer des équipes en France. Il arrive aussi qu’un individu isolé se rende disponible et nous contacte afin d’entrer en relation avec d’autres volontaires pour constituer une équipe.
Et la langue ? Est-ce qu’elle ne pose pas des problèmes ?
C.B. : Oh oui, hélas ! – mais en nous mettant au travail avec nos frères et soeurs, c’est un problème que nous arrivons à surmonter ! Un peu de traduction, un peu de dessin, un peu d’humour, et beaucoup d’amour et de compréhension : voilà notre recette !
Etant données vos compétences et vos conditions singulièrement intéressantes, n’arrive-t-il pas que les gens essayent de « profiter » de votre aide? N’êtes-vous pas inondés de demandes ?
C.B. : Jusqu’ici notre action a été, pour les membres des équipes que nous avons pu constituer, une source de vraies bénédictions. Ces bénédictions ont été également expérimentées par les églises locales d’où sont venus les travailleurs. Non, nous n’avons pas du tout l’impression d’être « exploités ».
N’est-ce pas un peu frustrant de visiter différents pays (entre autres, la belle France !) pour vous trouver enfermés dans un chantier ?
C.B. : Dans chaque pays que nous avons visité, nous avons été accueillis avec amitié, gentillesse. Nous voyons beaucoup de choses que les touristes ne voient jamais, nous apprenons à connaître les habitudes et les moeurs de la population. Il faut dire que notre but est de servir Dieu et ses enfants. Ce que nous perdons en beauté touristique, nous le gagnons en amitié et en communion fraternelle enrichissante !
Peux-tu dire quelques mots des « bénédictions » que reçoivent les volontaires de vos équipes ?
C.B. : Certains ont dû mettre leur foi à l’épreuve – ceux qui, par exemple, vont loin, en Afrique ou ailleurs : il y a les risques de santé, les engagements financiers, le besoin d’expérience, la nécessité de solutions techniques inédites en face de situations imprévues… A leur retour, quelle joie de les entendre témoigner de la fidélité de Dieu, de la réalité de ses interventions, de ses réponses concrètes aux besoins ! Les expériences vécues au loin, les contacts établis, permettent aussi une meilleure connaissance de l’oeuvre de Dieu dans le monde, avec pour corollaire une prière plus intelligente et plus intense de leur part et de la part de leurs églises d’origine.
Avez-vous maintenant – dans cette perspective – une impression d’ensemble concernant le travail en France ? Est-ce très différent de la situation en Angleterre ?
C.B. : De mon voyage, je retire l’impression d’une église en marche : elle avance vaillamment, elle a le souci de l’évangélisation, elle se fortifie. Pour reprendre les paroles de notre Seigneur Jésus-Christ, l’Eglise en France essaie « d’annoncer la Bonne Nouvelle et de faire des disciples ». Malheureusement en Grande-Bretagne, il y a bien des endroits où manquent tristement cette flamme et cet enthousiasme. Pour nous c’est encourageant de voir comment Dieu travaille en France ! Cela nous inspire et nous pousse à un travail plus zélé pour le Seigneur lors de notre retour dans notre pays.
Et pour ta femme, tes enfants… ? Est-ce aussi évident pour eux ?
C.B. : Liz, ma femme, et moi-même, sommes convaincus que Dieu nous a appelés ensemble à ce travail. Chacun y a sa part. Bien sûr, cela implique de fréquentes séparations de plusieurs semaines ; plus tard, au cours de cette année, nous serons séparés pendant une période de trois mois… C’est dur, mais nous savons que Dieu ne manque jamais à ses promesses. Il nous donne « le vouloir et le faire », II comble le vide, et endosse lui-même la responsabilité du partenaire absent.
C.B. : Nous avons trouvé que Dieu prend soin de nous, et de nos besoins. Il le fait de façons diverses : par des individus, par des groupes, par des fondations, et bien sûr, par des assemblées.
Si nous en trouvions le financement, penses-tu qu’il y aurait en France suffisamment de travail pour un groupe du même type que le vôtre ?
C.B. : Ce que j’ai vu en France cette année me fait croire qu’il y a tellement de travail qu’un groupe itinérant pourrait être très utile – outre le travail pratique, ce serait un encouragement pour les chrétiens dans leur témoignage local. Peut-être, pour commencer, pourrions-nous envisager des groupes jumelés franco-britanniques ?
Un dernier mot. Je sais que tu prends la parole en public, et que tu es ancien dans ton église ; mais dans votre service en équipes de travail, vous rendez plutôt un témoignage pratique non-verbal. Après l’expérience de ces deux dernières années – depuis donc que Dieu t’a appelé à quitter ton travail séculier, et à diriger l’organisation « Brass Tacks » – peux-tu nous dire si tu es toujours aussi convaincu de cette vocation ?
C.B.: Ma réponse est en un seul mot : OUI. Imaginez notre joie lorsque nous recevons des lettres du monde entier avec des messages tels que – « Merci pour votre aide : le bâtiment est maintenant terminé, et nous sommes en pleine activité. L’évangélisation et l’enseignement se poursuivent… » Voilà un résultat qui vaut la peine !
Merci beaucoup, Colin. De notre côté nous voulons prier pour toi, pour Liz, pour vos quatre enfants. Nos voeux accompagnent, aussi Paul et Angela et leurs trois garçons. Que Dieu lui-même vous comble de bénédictions et de joie dans votre service !
E.B.