L’Europe bouge, les murs tombent…

 planete

 

par Jean-Pierre Graber1

 

 

 

Où allons-nous ?

 

Cette question redoutable figurait dans le titre de cette conférence. Y apporter une réponse satisfaisante est périlleux. Y apporter une réponse complète exigerait la rédaction d’un livre volumineux.


 

Je me bornerai donc à dessiner à grands traits le paysage du futur à partir des tendances lourdes et des évolutions les plus importantes des sociétés contemporaines.

 

 

Une mondialisation des relations

 

Tout d’abord, nous assisterons à une mondialisation croisante des activités humaines. Les échanges de toute nature sont en expansion continuelle. Le nombre, chaque année plus élevé, des voyageurs transportés par avion atteste ce phénomène majeur de notre temps.

 

Le volume du commerce international progresse d’années en années. La multiplicité des échanges ainsi que la complexité accrue des problèmes auxquels est confrontée l’humanité rend les pays de plus en plus interdépendants et renforce très logiquement le rôle des institutions internationales telles que l’ONU, l’UNESCO, l’OIT, l’OCDE, etc.

 

Il y a quelques semaines, le Conseil de sécurité de l’ONU, comptant quinze membres dont cinq permanents (Etats-Unis, URSS, Chine, Grande-Bretagne et France) a unanimement condamné l’invasion du Koweït par l’Irak avant de prendre des sanctions. Cette unanimité eût été inconcevable il y a trois ans.

 

Des concepts tels que « nouvel ordre politique mondial », « nouvel ordre économique mondial », « nouvel ordre monétaire mondial », reviennent quotidiennement sous la plume des journalistes et dans la bouche des hommes politiques.

 

 

Un gouvernement mondial

 

BabelLa mondialisation croissante rend chaque jour plus plausible l’instauration, à moyen terme, d’un gouvernement mondial dont l’Europe unie serait la préfiguration par son extension à l’Afrique du Nord et au Proche-Orient. Des intellectuels, tel André Chouraqui, le grand traducteur de la Bible, et des hommes politiques toujours plus nombreux, tel Claude Cheysson, ancien Ministre des affaires étrangères de la France, plaident en faveur d’un dialogue euro-arabe et pour un rapprochement de la Communauté Européenne avec les pays méditerranéens, de l’Asie et du Maghreb.

 

Depuis plusieurs décennies, voire depuis plusieurs siècles, des hommes et des mouvements, inspirés par les motivations les plus diverses, tentent d’établir un gouvernement mondial en vue d’écarter les grandes menaces qui pèsent sur l’humanité.

 

La conférence de Bilderberg qui siège depuis 1954 et la Commission trilatérale créée en 1974 oeuvrent dans cette direction. Elles n’ont probablement pas été sans influence sur le Président George Bush qui, en 1973 déjà, déclarait : « II faut arriver par la multiplication des investissements et du commerce, à lier à ce point les nations, qu’elles soient capitalistes ou communistes, qu’il n’y aura plus qu’un seul monde. » Gageons que sa politique s’abreuve, au moins partiellement, aux sources de l’idéologie qui était la sienne voici 17 ans.

 

Un futur gouvernement mondial est ainsi hautement probable et il a toutes les chances d’être le siège d’un pouvoir antichrist, voire de l’Antichrist.

 

 

Une religion unifiée

 

Parallèlement au chemin conduisant vers un gouvernement mondial, il en est un autre qui risque fort de mener au succès de tous les efforts entrepris en vue de rapprocher les diverses religions du monde. Une religion unifiée, issue du syncrétisme : c’est l’objectif avoué du COE, dont le Secrétaire général, Emilio de Castro, a appelé les chrétiens à travailler à la « réalisation d’une communauté mondiale débarrassée de toute discrimination de races, de classes, de religions et de systèmes politiques, et dirigée par un gouvernement mondial unique ».

 

En 1973, le théologien Jürgen Moltmann a déclaré, lors du Congrès de Melbourne, « qu’un gouvernement universel pourrait être réalisé à travers une Eglise universelle ». Ces informations, aussi intéressantes que capitales, sont tirées de la revue Résister et construire.

 

Font partie des prémices de ce syncrétisme, deux faits impliquant le Pape Jean-Paul II. Le premier : à l’automne de 1989, alors qu’il était encore en fonction, l’ancien Archevêque anglican de Canterbury, Mgr Runcie, a invité tous les chrétiens à reconnaître la primauté universelle du Pape – un primat dans la charité – garantie de l’unité des Eglises dans la diversité de leur mission. Le second : en 1986, le Souverain pontife a dirigé une prière pour la paix à Assise qui a regroupé les représentants de plusieurs églises chrétiennes, mais aussi des Juifs, des Bouddhistes et des Hindouistes.

 

En 1989, lors du Rassemblement oecuménique de Baie, une oratrice hindoue fut acclamée en exhortant les délégués à empêcher activement l’envoi d’évangélistes dans le Tiers-Monde, avant de préciser que les évangélistes fondamentalistes étaient un obstacle à la révolution nécessaire.

 

Sous la signature de Lucien Vouillamoz, L’Avènement, magazine évangélique, nous rapporte dans son numéro de 1990, que lors de la Conférence « Mission et évangélisation » du COE, qui s’est tenue en mai dernier au Texas, l’Intifada des Palestiniens fut considérée comme un « acte de fidélité » accompli par des hommes engagés dans la mission divine sans même connaître le nom de Jésus.

 

Seules des églises particulièrement apostates peuvent s’engager dans la voie d’un tel syncrétisme religieux en occultant les fondements mêmes de l’Evangile qu’elles devraient proclamer en mettant en exergue cette parole du Fils de Dieu : « Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par moi » (Jn 14.6).

 

Notons dans ce contexte que l’islam, en dépit du visage hideux, expansionniste et totalitaire de son intégrisme, ne submergera probablement pas le monde. Il risque bien plutôt d’être absorbé par le syncrétisme religieux en gestation appelé de leurs voeux par tous ceux qui préconisent un dialogue sérieux entre les trois grandes religions monothéistes du monde.

 

 

Une civilisation en évolution rapide

 

Parmi les autres phénomènes fondamentaux du monde actuel, citons encore, mais sans trop nous y attarder :

 

– Les graves et irréversibles atteintes à l’environnement, notamment l’effet de serre et l’altération de la couche d’ozone.

 

– L’intérêt croissant des individus du monde occidental de culture chrétienne pour les enseignements ésotériques, les religions orientales, le néo-paganisme, le surnaturel d’origine obscure et le Nouvel-Age dont les prétentions sont totalisantes et qui se propagent très rapidement en promettant le bonheur et le bien-être parce que nous serions entrés dans l’ère du Verseau et parce qu’il suffit, pour y accéder, de découvrir toutes les riches potentialités affectives, intellectuelles et physiques qui jusqu’à présent n’ont fait que sommeiller en nous par la faute des « tabous » chrétiens.

 

– La propension croissante des hommes à consommer des sensations, à privilégier l’expérience au détriment de la connaissance objective, ce qui, soit dit entre parenthèses, privilégie, au sein des milieux évangéliques, la mouvance charismatique au niveau de l’évangélisation et de l’ecclésiologie.

 

– Le culte de l’argent et du matérialisme pratique dont Alain Minc a pu dire avec raison dans son livre L’argent fou : « Le marché et le capitalisme, ce n’est pas accepter un culte délirant, dont les excès sont à la mesure des tabous d’autrefois. »

 

– La montée de l’antisémitisme dans le monde entier, même au Japon où il n’y a que 1500 Juifs, c’est-à-dire 1 habitant sur 80 000 ! La profanation odieuse du cimetière de Carpentras, le défilé de hordes néo-nazies à Berlin et le scandaleux révisionnisme historique visant à nier la Schoah témoignent d’une haine croissante et ouverte à l’égard du peuple historique de Dieu.

 

Dans sa volonté permissive, Dieu oriente les événements de manière à réaliser cette prophétie de Jérémie : « l’Eternel est vivant, lui qui a fait monter les enfants d’Israël du pays du septentrion et de tous les pays où il les avait chassés ! Je les ramènerai dans leur pays, que j’avais donné à leurs pères. Voici, j’envoie une multitude de pêcheurs, dit l’Eternel, et ils les pécheront. Et après cela, j’enverrai une multitude de chasseurs, et ils les chasseront » (Jr 16.15-16).

 

Plus généralement, toutes les mentalités, la culture, les coutumes, les lois, les comportements, les structures judiciaires, politiques et mêmes économiques des pays de civilisations chrétiennes vont s’éloigner rapidement des modèles chrétiens qui les ont influencés, ici profondément, là superficiellement. Un fait isolé symbolise hélas remarquablement cette dérive catastrophique vers les abysses de l’anomie : le mariage, le premier octobre 1989, d’Ove Carlsen avec le pasteur luthérien Larsen.

 

Cette union légale a été rendue possible par une loi du 26 mai 1989 qui accorde aux couples homosexuels les mêmes droits qu’aux couples hétérosexuels, adoptée en dépit de véhémentes protestations de plusieurs chrétiens. Toutes ces évolutions sont autant de facteurs de convergence vers la mise en place des structures qui, dans un futur plus ou moins proche, plongeront l’humanité dans le temps de l’Apocalypse.

 

 

L’avenir de l’Eglise

 

Quel sera l’avenir du Corps de Christ dans ce monde pré-apocalyptique ?

 

A n’en pas douter, l’Eglise de Jésus-Christ va être marginalisée, refoulée dans les marges des pages noires que l’humanité s’apprête à écrire et écrit déjà pour son plus grand malheur. Le message de l’Eglise deviendra une contre-culture méprisée par la majorité, mais précieuse pour le salut de toutes les âmes assoiffées de vérité.

 

Avec l’aide de son Seigneur, l’Eglise se doit de rester fidèle à l’Evangile de Jésus-Christ. Sinon les pierres crieront, comme c’est déjà le cas dans certains laboratoires sophistiqués où des chercheurs balbutient le nom d’un Dieu créateur qu’ils découvrent au bout de leurs télescopes et sur les écrans de leurs ordinateurs. Il y a quelques années, le plus célèbre astrophysicien de notre époque, Stephen Hawkin, de Cambridge, répondit à la question : « Un Dieu créateur existe-t-il ? » par un « yes » échappé de son corps gravement malade et privé de l’usage normal de la parole. A la question : « Ce Dieu est-il personnel ? », il a répondu « no ».

 

Espérons que le Créateur lui fera connaître sa face proche, après lui avoir fait connaître sa face lointaine, pour reprendre les mots du regretté Francis Schaeffer.

 

Depuis plus de vingt ans, je crois à ce paradoxe : au moment même où les hommes abandonneront massivement Dieu, les savants simplement respectueux de la vérité attesteront fortement la vraisemblance de son existence et même probablement celle de sa révélation historique au travers de sa parole et en Jésus-Christ.

 

L’horizon de notre humanité est sombre. Il faut avoir le courage de dire qu’il le sera toujours davantage jusqu’au jour où l’orage et la tempête éclateront pour faire place à un ciel d’azur !

 

Jusque-là, l’Eglise de Jésus-Christ doit se souvenir de cette promesse intangible du Seigneur en Matthieu 16.18 : « Je bâtirai mon Eglise… et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle » !

 

J.-P.G.

 


NOTE

 

1. M. Jean-Pierre Graber de La Neuveville, en Suisse, invité par le Congrès des Eglises de Professants, a donné en septembre dernier une conférence d’actualité sur l’évolution de l’Europe depuis un an. Nous regrettons que son exposé soit trop long pour le reproduire in extenso dans Servir, mais sa dernière partie parviendra déjà à nous interpeller profondément.