Les sept lettres aux églises
par Alfred KUEN
Le choix des sept églises
L’Apocalypse est adressée à sept églises situées toutes dans la province d’Asie, à l’ouest de l’actuelle Turquie. Pourquoi l’apôtre Jean a-t-il choisi ces sept églises ? A l’époque où il a écrit l’Apocalypse, il y avait des chrétiens et des églises dans beaucoup de villes de l’Empire. Il y avait même des églises dans d’autres villes de :la province d’Asie : à Troas (Ac 20.7), à Colosses (Col 2.1), à Hiérapolis (Col 4.1;3, 16), probablement aussi à Tralles et; à Magnésie puisque Ignace d’Antioche; leur écrira quelques années plus tard. Alors pourquoi avoir choisi ces sept églises de préférence à d’autres ?
1. Ces sept églises étaient toutes situées dans la province d’Asie. D’après la tradition, l’apôtre Jean s’était établi pour les dernières décennies du 1er siècle dans la ville d’Ephèse. Il devait donc connaître personnellement ces églises pour y avoir été ou pour en avoir eu fréquemment des nouvelles. Le contenu des lettres laisse même supposer qu’il avait eu des informations récentes à leur sujet. Certains pensent que ces églises étaient plus spécialement sous sa responsabilité ou qu’il avait des relations plus intenses avec elles.
2. Parmi les différentes ville d’Asie, Ephèse, Smyrne et Pergame étaient les plus importantes, s’intitulant « premières villes d’Asie ». Sardes et Laodicée étaient chacune à la tête d’un district judiciaire (conventus). Thyatire et Philadelphie étaient des cités de seconde importance relevant des conventi de Pergame et de Sardes. W. Ramsay pense qu’elles furent choisies parce qu’elles se trouvaient sur le même circuit routier que les autres villes.
3. W. Ramsay a montré qu’une grande route circulaire reliait les régions les plus peuplées et les plus prospères de la province d’Asie. Cette route permettait une distribution facile du courrier. L’ordre de mention des sept villes suit exactement l’itinéraire qu’un messager devait suivre pour atteindre ces différentes villes.
Comme les lettres sont adressées aux « anges » de ces églises, on a objecté que cet itinéraire était purement imaginaire. Cependant, le mot ange (messager) a aussi été interprété dans le sens de « responsable » de l’église ; ils pourraient aussi être considérés comme « des personnifications des églises1 ». D’autre part, « les messages sont si clairement liés aux circonstances historiques qu’il est impossible de supposer que Jean n’avait pas l’intention de voir chaque église prendre spécialement note du message qui la concernait2 », En effet, chaque lettre relève les forces, les faiblesses et reflète l’arrière-plan historique et géographique de la ville concernée.
4. Pourquoi sept églises ? « Le nombre suggère l’idée qu’elles devaient représenter l’ensemble des églises3 ». Les septénaires sont en effet nombreux dans l’Apocalypse portant toujours l’idée d’une plénitude (les sept Esprits de Dieu et de l’Agneau, les sept anges, tonnerres, sept parties du monde…).
Dans 1.20, les sept étoiles représentent les anges des sept églises et les sept chandeliers sont les sept églises. Dans cette image, on a l’impression qu’il s’agit davantage de l’ensemble des églises que d’une sélection d’entre elles.
La structure des lettres
Chaque lettre a la même structure qui comprend :
1. L’adresse : « A l’ange de l’église de… »
2. Un des titres du Christ ressuscité repris du chap. 1.
3. Des éloges : « Je sais que… » (sauf pour Laodicée).
4. Des reproches (sauf pour Smyrne et Philadelphie).
5. Une exhortation ou un avertissement.
6. Un appel : « Que celui qui a des oreilles… »
7. Une promesse au vainqueur.
Dans les quatre dernières lettres appel et promesse sont inversés.
La première et la septième églises courent de graves dangers, la deuxième et la sixième sont louées pour leur état spirituel, les trois églises du milieu sont moyennes avec du bon et du mauvais.
On peut aussi faire d’autres comparaisons : Ephèse et Sardes sont en déclin, Smyrne et Philadelphie tiennent ferme sous la pression extérieure, Pergame et Thyatire ont fait des compromis avec le paganisme. Les attributs ou caractères de Christ placés en tête de chaque lettre ne sont pas pris au hasard. « Dans plusieurs cas on peut discerner dans le corps de la lettre, une reprise plus ou moins claire du thème initial dont le choix apparaît alors parfaitement délibéré.
Ainsi y a-t-il une évidente relation entre 2,1 (celui qui marche au milieu des sept chandeliers) et 2.5 (j’ôterai ton chandelier de sa place). De même entre 2.8 (celui qui a été mort, mais qui est revenu à la vie) et 2.10 (sois fidèle jusqu’à la mort et je te donnerai la couronne de vie). Cf. encore 2.12 et 2.16 (le glaive). Cela confirme… que les sept épîtres ont été écrites pour faire suite à la vision du chapitre 1 »4.
De même les formules finales contiennent « des images qui ne s’éclairent qu’à la lumière des développements ultérieurs de l’Apocalypse. Ainsi de l’arbre de vie (2.7 et 22.2, 14) ; de la deuxième mort (2.11 et 21.8) ; du nom nouveau que nul ne connaît (2.17 et 19.12) ; de la Jérusalem céleste (3.12 et 21.2) ; etc. Ce phénomène montre à l’évidence que notre auteur avait déjà écrit le corps de son livre lorsqu’il a rédigé les Lettres »5.
Tout le message de l’Apocalypse s’adresse à l’ensemble des sept églises. « Comme les Lettres sont postérieures au corps de l’Apocalypse, on peut y chercher l’application du message du livre entier aux problèmes particuliers des églises d’Asie mineure. »6
Le caractère des lettres
Certains auteurs ont pris les lettres aux sept églises pour une fiction littéraire. D’autres ont vu dans ces sept églises des périodes de l’histoire de l’Eglise : Ephèse : l’époque apostolique, Smyrne : le temps des persécutions, Pergame : l’époque de Constantin, Thyatire : Le Moyen-Age, Sardes : la Réformation, Philadelphie : l’époque missionnaire, Laodicée : l’apostasie des derniers temps. « Ces vues sont improbables, dit prudemment L. Morris. Il semble bien plus probable qu’il s’agisse de lettres réelles adressées à des églises réelles, d’autant plus que chaque message s’applique parfaitement aux conditions de la ville en question telles que nous les connaissons »7.
Les allusions à des événements de l’histoire locale ou des coutumes telles que l’archéologie nous les a fait connaître confirment cette destination première des lettres et de tout le livre. Est-ce que ce livre vise le temps de la fin demande A. PohI, peut-être même l’an 2000 ? « En aucun cas, répond-il, nous n’avons le droit de tirer ce livre à nous d’une manière qui le ravirait aux églises d’alors auxquelles il est adressé… Certes, la parole prophétique dépasse le temps d’alors, mais l’interprétation de ce livre porte nécessairement à faux si l’on néglige sa signification pour les premiers destinataires »8.
Cependant, il ne faut pas s’imaginer que chaque église ne recevait que la lettre qui lui était destinée : l’ensemble des lettres et du livre était adressé à toutes les églises, La preuve c’est que chaque lettre se terminait par la formule : « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux églises ». « Notez bien ce pluriel, dit R Prigent. Les véritables destinataires de chacune des lettres sont toutes les églises »9.
A.K.
NOTES
1. C.J. Hemer, ISBF 88, p. 424.
2. D. Guthrie, 66, p. 964.
3. E. Hiebert, 77, p. 252.
4. 80, p. 31.
5. Ici., p. 31 -32.
6. R Prigent, 80, p. 32-33.
7. 71, p.57.
8. 77, p. 21.
9. 80, p.31.