Une visite à la Martinique
« L’île aux fleurs »
par Briand Tatford
La Martinique est située au centre des Iles Caraïbes entre deux îles de presque la même grandeur : la Dominique au nord et Ste-Lucie au sud. Elle mesure 64 x 20km (1280 km2). Au nord il y a la Montagne Pelée (1398 m) sommet qui a fait frissonner le monde suite à l’éruption de 1902. Dans la forêt tropicale qui recouvre les pentes du Mont Pelée se trouve le « fer de lance », un serpent très dangereux. Malgré l’introduction des mangoustes, ce serpent n’a pas été exterminé ; mais il est responsable de moins de morts que du temps des esclaves en fuite.
St-Pierre, qui fut appelé « Le Petit Paris », était la première capitale de la Martinique. C’est ici que, bien que les autorités leur aient assuré qu’il n’y avait pas de danger, 30 000 personnes furent tuées par la terrible éruption le 8 mai 1902. Le seul survivant fut un prisonnier qui avait été enfermé alors qu’il était saoul.
Peu de temps avant cet incident, une jeune Anglaise du nom de Mlle Mary Johnson avait distribué les pamphlets et voulait chanter l’Evangile en plein air. Comme résultat un homme fut sauvé, M. Fataccy, celui-là même qui avait porté l’énorme croix à la procession catholique dans l’île. Mary Johnson épousa un Canadien, Henri Poirier, et ils ouvrirent la première assemblée dans une petite salle de réunion à Fort de France. Avant que M. et Mme Poirier ne repartent, ils demandèrent à M. Fataccy de quitter St-Pierre pour habiter Fort de France.
Il le fit contre son gré et sa vie fut sauvée grâce à son obéissance. Après un séjour au Panama, lui-même, ainsi que ses fils, revinrent pour faire beaucoup de colportage et le résultat fut que des assemblées furent fondées sous le nom de « Mission Evangélique des Antilles » (aujourd’hui « Mission Chrétienne Evangélique de la Martinique »). Depuis le désastre de 1902, Fort de France est devenue la capitale et un tiers des 360 000 personnes de l’île y vivent.
Roger Riol, ancien et pasteur de l’église mère dans la capitale et vice-Président de la Mission aujourd’hui, écrit : « D’un début difficile dans un petit hall dans Ste-Thérèse (Fort de France), enfin nous avions un bâtiment permanent construit par les chrétiens locaux. Cet immeuble avait 3 étages – un rez-de-chaussée pour les réunions de 50 personnes, un autre étage pour l’école du dimanche et au dernier étage un appartement pour les évangélistes en tournée ou les missionnaires. »
De ce petit début, les nouveaux chrétiens visitèrent toute l’île en vélo, annonçant les évangiles et louant des salles pour les rencontres des « nouveaux » chrétiens.
Pendant 25 ans, il y eut une période bénie d’évangélisation et d’implantation de nouvelles églises qui culmina en 1979 avec l’érection d’une grande chapelle à Fort de France dans le quartier de Moutte. Il y avait de la place pour 800 personnes assises et elle fut le modèle pour un certain nombre de chapelles à travers l’île.
Aujourd’hui, il y a des assemblées rattachées à la Mission dans 28 villes et bourgades de la Martinique.
La Cène est prise moins fréquemment que dans les assemblées en France – il y a souvent de nombreux visiteurs au culte et c’est même une bonne occasion pour évangéliser. Trois fois par an les anciens de toutes les assemblées se réunissent pour partager divers problèmes et prier ensemble.
Des professeurs d’Instituts Bibliques et de Facultés de France tels que Henri Blocher ou Jules-Marcel Nicole ont rendu visite à ces églises. Les missionnaires des assemblées travaillant en Guyane Française se rendent aussi quelquefois en Martinique. Aujourd’hui c’est la Martinique qui est en train d’implanter des assemblées en Guyane et d’y soutenir un couple missionnaire.
Lors de nos entretiens avec les frères responsables, nous découvrîmes un réel désir de travailler ensemble avec les assemblées de la Métropole tout en sachant qu’il ne s’agit pas de transposer tout d’un pays à un autre. Il est essentiel que le travail entrepris avec tant de succès dans le cadre de l’évangélisation par les chrétiens martiniquais soit encouragé par un enseignement systématique sur les sujets tels que « l’église locale », « la prophétie biblique », etc. Le terrain spirituel est très fertile.
Sur le plan des problèmes occultes, bien que la manifestation des « zombies » de Haïti s’y soit pas très répandue, il y a tout de même un arrière-plan de spiritisme, de style africain. Le surnaturel marque beaucoup la culture et lorsque l’on visite le marché, on voit de nombreux stands où l’on vend des potions magiques et des charmes.
Le sentiment religieux est très manifeste parmi les catholiques. Pendant la fête de la Toussaint tous les cimetières sont éclairés à la bougie et la foule est là, rendant hommage à ses morts. La place très importante occupés par le catholicisme est matérialisée par la présence de deux cathédrales et de deux monastères bénédictins.
Les adventistes se sont implantés très tôt, mais l’Eglise évangélique est aujourd’hui très présente et il y a une heureuse coopération entre « La Mission » (les assemblées), les baptistes et deux dénominations pentecôtisantes. Cela se remarque à travers les programmes chrétiens à la radio locale. Hélène et moi-même avons eu l’occasion de témoigner pendant toute une matinée grâce à ces programmes. Des cassettes et émissions venant de France sont utilisées et nous fûmes très encouragés un matin d’entendre la voix d’un de nos jeunes frères d’Aix-en-Provence qui avait animé une cassette de La Voix de l’Evangile que la radio de Fort de France était en train d’utiliser.
Tous les jours, nous étions reçus avec beaucoup d’amour par divers frères et ils nous posèrent de nombreuses questions au sujet d’églises de la Métropole. Nous fûmes impressionnés par la courtoisie ainsi que l’élégance parisienne qui se distingue chez les uns et les autres. Rien n’est fait au hasard. Un frère estima que 5 % de la population avait répondu à l’Evangile et on estima que 20 % sont en rapport avec les milieux évangéliques. Chaque après-midi nous allions parler dans diverses villes autour de Fort de France. A Ducos ce fut une très grande joie de revoir notre ami, André Colonette, qui avait fait partie de l’Assemblée des Gobelins à Paris. Il travaille dans la police mais, pendant ses heures de liberté, il se donne au travail spirituel et est en train de construire une belle salle de 200 places pour les réunions.
Ce fut une révélation de voir la façon dont les croyants, qui venaient de tant de différents groupes ethniques, pouvaient glorifier Dieu ensemble, unis en Christ. Un ou deux européens perdus dans la masse, quelques créoles blancs, mais peu de « békés » – descendants des anciens planteurs aristocratiques. Il y en a quelques 2600 qui appartiennent à peu près à 30 familles. Ils doivent à l’Angleterre d’avoir été protégés par les occupants anglais pendant cette terrible période de massacres lors de la Révolution Française.
Les békés font partie de cette population peu touchée par les évangélistes, mais nous avons appris que certains d’entre eux font partie du mouvement charismatique catholique. Ils sont propriétaires terriens et hommes d’affaires très compétents et ils ressentent que leur culture et leur patrie, c’est la Martinique.
Ce fut en 1635 que la Martinique devint française. En fait elle est française depuis plus longtemps que la Corse ou Nice ! L’histoire de ces îles nous remémore plusieurs dates. En son quatrième voyage Christophe Colomb « découvrit » cette île alors qu’il mit pied sur la plage de Carbet en 1502, mais Madinia dont c’était alors le nom, avait déjà été colonisée au 4e siècle par les indiens Arawak qui venaient du Venezuela. Ils laissèrent de magnifiques sculptures sur les rochers, mais par la suite les Indiens Caraïbes qui arrivèrent au 9e siècle d’Amazonie les exterminèrent pratiquement tous. Une réserve de Caraïbes existe toujours à la Dominique et dans certaines autres îles anglaises.
Les plantations de cannes à sucre furent à la base de l’économie pendant plusieurs années et puisque la main d’oeuvre importée d’Europe était incapable de travailler dans ces plantations à cause du climat, 70 000 africains ont été amenés en tant qu’esclaves. Pendant la Révolution ils furent relâchés quelque peu, mais cette liberté fut courte. En 1848 enfin, ils devinrent vraiment libres grâce aux efforts du ministre Victor Scholcher. A leur place, une main d’oeuvre hindoue a été amenée en Martinique.
A cause de la production moins onéreuse de sucre à partir de la betterave, l’industrie de la canne à sucre déclina, bien qu’elle fût à la base de la production du rhum. Certains fruits tropicaux sont exportés, mais s’il n’y avait pas le tourisme, les allocations familiales et d’autres subventions de l’Etat Français, cette île connaîtrait de graves problèmes. Aujourd’hui il y a beaucoup d’émigration vers la France et les Antillais se trouvent partout en Métropole, car la France est la mère patrie : la langue, la culture, l’éducation, les lois sont françaises. Pourtant il y a un esprit merveilleusement martiniquais qui se dégage de la vie. Le créole est souvent parlé dans les foyers, mais tout le monde comprend le français.
Les derniers jours de notre séjour furent marqués par des contacts bénis avec la famille Riol et les frères et soeurs de l’église locale à Moutte. Quelle joie de voir les gens se presser pour aller au culte et ne pas être limités par le temps accordé à la prédication. L’enseignement fut suivi par un appel d’évangélisation où plusieurs ont répondu et les visages radieux étaient une preuve du travail de conviction que le Saint-Esprit de Dieu fait dans les coeurs.
Nous quittâmes l’île pour aller en Guadeloupe par le catamaran ultra rapide, L’Antilles Express. Sur le quai il y avait nos frères nous disant « Au revoir – quand serez-vous de retour ? » Nous espérons être de retour dans les Iles sous peu pour un enseignement dans les églises locales et en vue de la formation des pasteurs et anciens.
Sur le bateau, nos pensées se tournèrent vers la création merveilleuse de Dieu. Les flamboyants avec leurs fleurs rouge vif, les bougainvilliers et l’arbre du voyageur avec ses bras ouverts pour nous accorder la bienvenue ! Nous pensâmes à la diversité des croyants dans l’église locale et cela reflétait « la sagesse de Dieu à travers tous ces divers aspects » (Ep 3.10).
Des différences immenses, il y en aura toujours dans les églises locales, et cela de lieu en lieu et à travers le temps, mais quand Jésus-Christ est couronné dans le coeur des gens, nous pouvons nous réjouir avec les anges au ciel.
B.T.
La Mission Chrétienne Evangélique de la Martinique
– 29 églises (pour 32 villes).
– Environ 2300 membres baptisés (mais plus de 4000 personnes assistent aux divers cultes).
– Seulement 3 pasteurs à plein temps (MM. Roger Riol, Lucien Maréval, Antoine Vanitou).
– Mais de nombreux anciens assurent l’enseignement et le travail pastoral dans les assemblées à côté de leur travail séculier. |