L’autorité aujourd’hui – (1ère partie)
par Francis BAILET
Nous savons en quel temps nous sommes…
Voici quelques appréciations sur notre temps : « Notre temps est déboussolé. Il ne sait à quel saint se vouer »1.
« Débâcle culturelle, institutions qui se désagrègent, emballement irrémédiable du système : nous allons vers un désordre extrême »2.
« C’est la crise du progrès »3.
« Nous vivons la tyrannie de l’éphémère. Nous perdons tous nos repères et toute autorité… La société est de plus en plus adolescente »4.
« Tous les repères moraux ont été balayés comme faux et hypocrites. On ne sait plus ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Tout est permis puisque l’homme moderne pense que le malaise vient des tabous religieux… »5.
Le vrai problème de notre temps est celui de l’autorité.
L’autorité est contestée, sans cesse remise en cause, dans la société en général, dans la famille, le couple, l’église.
Le plus grave – et c’est en fait l’origine de toutes les contestations – c’est que l’autorité de Dieu n’est plus reconnue. Dieu inutile… Dieu refoulé… Dieu mort.
De tout temps, l’autorité a été contestée. Refus d’obéir, insoumission, révolte. Le temps des Juges est un exemple bien connu : « II n’y avait pas de roi, chacun faisait ce qui lui semblait bon ». Aujourd’hui, cette attitude s’est généralisée et est prônée comme la voie de la liberté. « II est interdit d’interdire ».
C’est la nouvelle manière d’envisager la vérité qui a engendré cette situation.
Le philosophe allemand Friedrich Hegel a ouvert la voie en proposant de ne plus raisonner sur le principe de la thèse et de son contraire l’antithèse, mais par le biais de la synthèse. Autrement dit et plus simplement : il n’y a plus le vrai et le faux et par voie de conséquence, il n’y a plus le bien et le mal. Notre génération est toujours marquée par la philosophie d’Albert Camus et de Jean-Paul Sartre. « II n’y a plus rien au ciel, ni bien, ni mal, ni personne pour me donner d’ordres, car je suis un homme, Jupiter, et chaque homme doit inventer son chemin »6. Je suis « condamné » écrit encore Jean-Paul Sartre « à n’avoir d’autre loi que la mienne ».
Cette nouvelle manière de penser s’exprime aujourd’hui dans l’art, la musique, les films et les chansons. Pour Jospeh Beuys « Tout est art » et sa Fetstuhl – motte de graisse jaunâtre écrasée sur une chaise de cuisine – pourrait bien devenir l’une des « créations » les plus importantes de cette fin de siècle ! Une des chansons du groupe I am a pour titre « Ombre est Lumière » (notez bien l’orthographe). Ainsi notre vie quotidienne s’imprègne de cette nouvelle pensée qui devient ainsi une nouvelle manière de vivre.
L’influence New Age
Au plan théologique on voudrait une religion sans Dieu. « II faudrait élaborer une nouvelle définition du `divin’, celui-ci étant libre de tout lien avec des êtres extérieurs surnaturels »7. On connaît les slogans populaires : « Ni Dieu, ni maître » et « Au commencement rien et personne » ou encore : « Nous disons non à la dictature du bien ». Ainsi les références fixes ont disparu. Nous sommes dans un monde fluant.
Le Nouvel Age est imprégné de cette nouvelle manière de penser. « II nous faut pénétrer dans l’inconnu, le connu n’a déjà que trop failli aux espoirs que nous y avons fondés » écrit Marilyn Ferguson dans son livre Les enfants du Verseau. « Tout peut être autrement. La doctrine est un savoir de seconde main, un danger »8. Il ne peut y avoir de vérité absolue. Le relativisme doctrinal est à la mode. L’expérience est prioritaire, fait autorité. « Peu importe ce que vous croyez du moment que cela marche ». « C’est vrai si tu le crois ».
La société est en crise. L’homme lui-même est en crise. Cette crise est d’abord spirituelle. Le rejet de toute autorité entraîne le désordre, le déséquilibre moral, psychologique et physique. La crise aboutit à la perte de notre identité, au désespoir et à la mort.
Notre manière d’évangéliser doit tenir compte de cette situation.
Au niveau de la pensée, il faut montrer qu’il y a une vérité absolue. Le vrai et le faux ne peuvent être confondus. On ne peut pas croire n’importe quoi au mépris du simple bon sens.
Au niveau de la morale affirmons que s’il y a des lois physiques, il y a aussi des lois morales et spirituelles. Le non-respect des lois entraîne le désordre, le chaos. Le mépris des autorités et de celle de Dieu en particulier et en priorité est le point de départ d’une tragédie générale vers laquelle le monde se dirige.
Ce retour à la bonne manière de penser qui affirme que la vérité est une et, par voie de conséquence, marque la différence entre le vrai et le faux, le bien et le mal est indispensable. C’est alors que nous pouvons présenter le message biblique et en particulier l’Evangile de la grâce. Cette pré-évangélisation, chère à Francis Schaeffer est aujourd’hui plus que jamais prioritaire. « La connaissance précède la foi »9. « La foi n’est pas un saut dans l’inconnu, c’est un pas vers quelqu’un », Dieu révélé en Jésus-Christ10. Dieu n’est pas Force vague, Energie impersonnelle, ni Conscience cosmique, c’est une Personne.
« Le Dieu vivant et vrai », fondement de l’autorité
L’autorité c’est Dieu. « Au commencement Dieu… ». C’est le « Je suis » qui se révéla à Moïse. Il existe en Lui-même et de Lui-même. Il est à l’origine de toutes choses. Il est le Maître de l’Univers et de nos vies. « II est au-dessus de tous, parmi tous et en tous. Il est assis sur les chérubins » (Ps 99.1). Le Psaume 18 dit sa puissance et sa souveraineté. Il sauve ceux qui l’invoquent et juge ceux qui s’opposent à lui. « A lui la sagesse et la toute-puissance : qui lui résisterait impunément ? … Qui lui dira : Que fais-tu ? » s’écriait Job11. Et Elihu, rempli de l’Esprit Saint pouvait proclamer : « Si Dieu ne pensait qu’à lui-même, s’il retirait à lui son esprit et son souffle, toute chair périrait soudain, et l’homme rentrerait dans la poussière »12.
Sa Parole est la Vérité
La Bible est la Parole de Dieu. Nous croyons à l’Inspiration « plénière et verbale » de l’Ecriture. Elle est notre autorité, notre seule autorité.
L’autorité de la Bible est aujourd’hui contestée
Autorité affaiblie par le libéralisme. Il affirme que tout n’est pas « Parole de Dieu » dans la Bible. « Nous n’accorderons pas une égale importance à tous les textes bibliques. Autrement dit un choix nous paraît inévitable ». Autorité partagée par la tradition.
Dans l’Eglise catholique romaine, la tradition et l’Ecriture Sainte sont reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux jaillissent d’une source divine identique, ne forment pour ainsi dire qu’un tout et tendent à une même fin. L’Eglise à laquelle est confiée l’interprétation de la Révélation « ne tire pas de la seule Ecriture sa certitude sur tous les points de la Révélation. C’est pourquoi l’une et l’autre doivent être reçues et vénérées avec égal sentiment d’amour et de respect »13.
Autorité remplacée par l’illuminisme.
La prophétie prend le pas sur la Parole écrite.
La lettre tue et l’Esprit vivifie, mais ce que me dit l’Esprit ne peut être en contradiction avec la Parole écrite. De même l’expérience n’a pas la priorité sur l’Ecriture.
« Sola Scriptura »
« L’Ecriture ne peut être anéantie » ou, comme le traduit la Bible du Semeur : « On ne saurait discuter le témoignage de l’Ecriture ». C’est par elle que se manifeste l’autorité du Seigneur.
Ce message est plus que jamais révolutionnaire. Pour le transmettre aujourd’hui il n’y a que l’amour. L’autorité de Dieu c’est une autorité d’amour. La Parole que nous proclamons comme seule autorité c’est une Parole écrite, mais c’est aussi, et avant tout, une Personne. Dieu ne nous a pas seulement parlé « d’en haut », il est venu « en bas » pour être avec les hommes. La Parole s’est faite chair.
C’est la situation de l’Eglise de faire connaître l’autorité de son Seigneur, l’amour de son Seigneur. Quel témoignage rendons-nous à cet égard ? Quelles sont les autorités que nous reconnaissons ? La soumission est-elle difficile à vivre ? Et notre autorité ? Comment est-elle vécue, acceptée dans notre couple, notre famille, l’église ? Nous avons certainement besoin de nous remettre en question, de faire le point et probablement de nous humilier au niveau personnel et communautaire.
Nous aborderons ces questions dans un prochain article qui traitera de « l’autorité dans l’Eglise ».
F.B.
NOTES
1. A Kuen, Introduction à Lettres pour notre temps.
2. Le philosophe René Girard.
3. Le sociologue Edgar Morin.
4. Le Dr Francis Mouhot.
5. Abbé Pierre in Le Christianisme n° 449, 8-14, mai 94, p. 6.
6. Jean-Paul Sartre, Les mouches, acte III, scène II.
7. Sir Julien Huxley, Thé Humanist Frame. S. Marilyn Ferguson, Les enfants du Verseau, p. 18, 20,281.
8. Marylin Ferguson, Les enfants du Verseau, p.18, 20, 281.
9. Francis Schaeffer, Dieu illusion ou réalité ?, p. 124.
10. Francis Bailet, Et si la Bible avait raison ?, p. 138.
11. Job 9.4-12
12. Job 34.14, 15.
13. Catéchisme de l’Eglise catholique, p. 31, 32.