La prière du coeur

 

 

2° volet : Entrer dans une vraie démarche d’adoration1

 Prière

 

par Claude VILAIN2

 

Au centre de l’Ecriture se trouvent des appels constants à une vie de louange et d’adoration. Nous touchons à un domaine difficile, marqué par de nombreuses ambiguïtés.

 

 

Que faut-il entendre par louange ?

 

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Dieu nous réclamerait-il notre adoration comme une femme vaniteuse qui prend plaisir à recevoir les louanges de ses admirateurs ?

 

Lorsque nous pensons à l’éternité, nous avons de la peine à imaginer que toute celle-ci se passera à louer Dieu. Si c’est effectivement notre vocation éternelle, ne devrait-on pas s’y préparer (Ap 4.10-11) ?

 

La louange que nous sommes invités à rendre à Dieu nous semble très artificielle, probablement parce que notre connaissance de Dieu reste limitée et imparfaite.

 

Pourtant, la louange est au centre de nombreuses démarches humaines.

 

Tout bonheur déborde spontanément en louanges. On peut admirer profondément une autre personne (épouse, fiancée, ami intime …), un objet (livre, oeuvre d’art, nouvelle voiture…), un aspect de la nature (ciel étoile, paysage…).

 

Parmi les choses que l’on admire, il y a celles que l’on possède. Elles nous procurent un sentiment de fierté, elles font en quelque sorte partie de nous-mêmes. Et il y a les choses que nous ne possédons pas. Elles nous conduisent souvent, lorsque nous les admirons, à des sentiments d’envie, de jalousie, de convoitise.

 

Le Seigneur nous encourage à ce sentiment de fierté (Ps 106.4-5). Nous pouvons dire qu’il est « notre Dieu », au même titre que les choses qui nous sont chères et qui nous appartiennent. Ce possessif n’a rien de répréhensible. Il exprime, au contraire, l’extraordinaire communion que Dieu désire développer avec chacun de ses enfants.

 

 

Que faut-il entendre par « honorer » ou « rendre un culte » ?

 

Il ne s’agit pas d’augmenter l’honneur de Dieu, ni de le rendre plus honorable. Le travail accompli par la louange n’agit pas sur Dieu, mais sur nous. Elle nous fait entrer dans une compréhension renouvelée de sa grandeur et nous appelle à y répondre par tous les moyens en notre pouvoir.

 

Il y a adoration lorsque le coeur se met à vibrer sous l’effet des sentiments, des émotions, des affections. « Là où les sentiments pour Dieu sont éteints, l’adoration est morte3 »

 

Nous trouvons dans l’Ecriture une bonne description de nos diverses réactions devant la grandeur de Dieu.

  • Nous pouvons rester dans le silence, confondus, éblouis par tant de majesté.

  • Nous pouvons être envahis par un sentiment de crainte respectueuse et d’émerveillement.

  • Cette crainte peut comporter une prise de conscience de notre pauvreté, de notre médiocrité, de notre misère. On se reconnaît « pécheur » devant la sainteté éblouissante de Dieu (Es 6.5).

  • Cette prise de conscience nous fait désirer une communion plus vive avec Dieu (Ps 42.23, 63.2).

 

Dieu n’est pas insensible aux soupirs de notre âme. Il s’approche de nous, pardonne nos péchés, enlève le poids de la culpabilité et remplit notre coeur de reconnaissance (ps 30.12-13).

 

Ces différentes étapes nous conduisent à prendre conscience que notre seul bonheur est en Dieu lui-même.

 

Cette expérience peut être très profonde. Notre coeur ne soupire plus qu’après Dieu lui-même : « Le voir, le connaître et se trouver en sa présence, voilà qui constitue pour l’âme, le bouquet final de la fête. Il n’y a rien de plus que l’on puisse désirer. Les mots manquent pour décrire ce que l’on ressent. On parle de plaisir, de joie, de délices. Mais ces termes sont bien pâles pour décrire une expérience indicible4 »

 

« Dites, par exemple : « Merci, Seigneur. Je vous aime, moi aussi. » A ce stade, la communication avec Dieu peut s’établir, dans une expérience personnelle et profonde de sa divine présence. Parfois, il fait de sa présence une sorte de réalité pour nous. Quand cela se produit, ne l’interrompez pas. Laissez cette réalité vous saisir et vous emporter à l’aventure, exactement comme l’eau entraîne un objet qui flotte. Restez là, dans ce mouvement, jusqu’à ce qu’il cesse. Ne vous avancez pas, ne bougez pas et ne modifiez pas trop vite vos sentiments. Ne répondez pas par un flot de paroles ou d’expressions inutiles. Nous avons tendance à encombrer notre prière avec trop de paroles. Sans doute suffit-il simplement de répéter : « Mon Seigneur et mon Dieu » ; « Abba, Père ». Si cette expérience s’efface peu à peu, continuez à savourer ce qui vous rappelle sa divine présence5 »


Il nous faut apprendre à être des mendiants de Dieu. Venir à Lui les mains vides pour recevoir de Lui tout ce qu’il veut nous donner. Lui seul peut satisfaire notre soif légitime de bonheur et de plénitude (Ep. 3.17-19).

 

 

Les trois étapes de l’adoration

 

Entrer dans une authentique démarche d’adoration s’inscrit dans un mouvement concret de notre volonté. Le Seigneur se laisse trouver par ceux qui le cherchent sincèrement.

 

On peut reconnaître trois étapes qui nous font passer de la sécheresse de nos vies à une expérience bénie de la présence de Dieu. Comme le propose John Piper, nous les mentionnerons dans l’ordre inverse.

 

– Etape finale : « Nous expérimentons une joie pure devant les multiples perfections de Dieu : la joie de la reconnaissance, de l’étonnement, de l’espérance, de l’admiration. A ce niveau, nous nous sentons comblés par l’excellence de Dieu, et nous débordons de la joie de sa communion. »

 

– Deuxième étape : Nous n’éprouvons pas encore un sentiment de plénitude et d’abandon mais « seulement celui du désir et de l’aspiration ». Nous savons, peut-être pour l’avoir déjà expérimentée, combien la communion avec Dieu est une expérience riche et profonde. Nous nous encourageons à désirer sa présence, même si dans l’immédiat nous avons l’impression que notre coeur reste froid.


Prier– Première étape : C’est le temps de la sécheresse. Nous avons de la peine à trouver quelque attrait dans la prière et la méditation de l’Ecriture. Pourtant, même alors Dieu nous travaille. Il ouvre nos yeux sur la pauvreté de notre condition et de notre manque d’amour. Ne soyons pas indifférents à ces « soupirs » de notre âme. Ils sont l’oeuvre de l’Esprit qui voudrait nous faire entrer dans une communion renouvelée avec Dieu.

  • Je voudrais prier !

  • Réjouissez-vous, ce désir ne peut venir que de Dieu.

 

 

Nous manquons d’ambition

 

Le grand problème de nos vies chrétiennes et de notre vie de prière en particulier, c’est que nous nous contentons d’une expérience superficielle et routinière de Dieu. Nous sommes devenus des fonctionnaires de la grâce. Nous savons beaucoup de choses sur Dieu mais nous connaissons peu de choses de Dieu. Nous avons développé un certain savoir sur Dieu et nous avons négligé la connaissance du coeur.

 

Que signifie pour nous cet ordre : « Fais de l’Eternel tes délices » ? ou dans la Bible en français courant : « Trouve auprès du Seigneur ton plaisir le plus grand. » (Ps 37.4) ?

 

Le Seigneur voudrait nous faire accéder à une vie de plénitude, nous nous contentons d’une vie chrétienne médiocre, sans aucune véritable ambition.

« L’ironie de la condition humaine réside dans le fait que Dieu nous place devant l’Himalaya de sa gloire en Jésus-Christ, mais que nous préférons nous enfermer dans notre chalet, tirer les rideaux et nous extasier devant les diapositives des Alpilles, et cela même à l’Eglise ! Nous nous contentons défaire des pâtés de boue dans notre ghetto, parce que nous ne comprenons pas ce que Dieu nous offre quand il nous propose des vacances au bord de la mer6 »

 

Une prière qui nous engage

 

Cène prière ne nous rend pas stériles. Elle nous ouvre aux autres, nous rend plus sensibles à leurs besoins, elle nous rend capables d’aimer véritablement. Si la qualité de notre adoration ne nous ouvre pas aux autres, mais nous donne un sentiment d’orgueil ou de supériorité, nous ne sommes pas en présence de l’oeuvre de l’Esprit mais d’une illusion psychologique (2 Co 12.1-9).

 

Ce face à face avec Dieu n’est pas une expérience qui me relaxe, me procure harmonie et équilibre intérieur et me laisse replié sur moi-même. C’est, au contraire, une prière qui m’engage et me jette, avec les forces de Dieu, dans le combat de la vie et du témoignage. Tous les grands hommes de foi ont trouvé dans la qualité de leur communion avec Dieu les forces et l’amour nécessaires pour répondre à l’appel qu’ils avaient reçu.

 

Elle nous donne la capacité d’affronter les difficultés de la vie

 

Une authentique vie d’adoration change le regard que nous portons sur le monde extérieur. Elle relativise nos ambitions. Elle nous aide à prendre conscience qu’il y a d’autres valeurs en nous faisant entrer dans l’invisible. « Notre objectif n’est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel » (2 Co 4.18).


– « Vers Jésus lève les yeux, contemple son visage merveilleux, et les choses de la terre pâliront peu à peu…7 »

 

Mais elle nous rend aussi capables de vivre des situations difficiles avec la réalité de la présence de Dieu en nous et à nos côtés. Les témoignages abondent de croyants qui ont trouvé dans leur communion avec Dieu la force d’affronter les situations les plus extrêmes (Voir Ac 16.25).

 

C.V.

 


 

NOTES

 

 

1.  Cet article est le 1e 2° volet de l’étude de Claude Vilain sur la prière. Il fait suite à « La prière d’une cœur, découverte d’une présence » Servir n°5/1997 et sera suivi « La prière, aspects pratiques » (Servir n°3/98).

 

2.   Claude Vilain est ancien de l’assemblée de Ransbèche (Belgique), diplômé de la faculté de Vaux-sur-Seine.

 

3. John Piper, Prendre plaisir en Dieu. Réflexions d’un hédoniste chrétien (Québec : Coll. Sentier, Edit. La Clairière, 1995, p.60).

 

4.  John Piper, op.cit., p.62.


5.  Armand Nigro, S.J. in Marcello de Carvalho Azevedo, p.56. Voir ps 27.4 ; 16.11 ; 37.4.

 

6.  John Piper, op.cit., p.77.

 

7. J’aime l’Eternel n°159. Voir aussi Mt 6.33.