Etre visiteur bénévole de malades atteints du sida

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par Françou VIRET

 

 

 

« Le sida c’est un très long escalier qui mène assurément à la mort, mais dont chaque marche représente un apprentissage sans pareil. C’est une maladie qui donne le temps de mourir et qui donne à la mort le temps de vivre, le temps de découvrit enfin la vie ». Hervé Guilbert, écrivain.

 

Je crois qu’il se passe quelque chose de vraiment important quand une personne est confrontée à la mort, la sienne ou celle d’un proche. Face à la souffrance on s’interroge, on se révolte, on cherche des réponses aux « pourquoi », « pourquoi moi » et « pour quoi ? »

 

L’approche de la mort est un révélateur. Là, on établit des priorités, on fait des bilans. Le temps devient précieux. Dans ce cadre là, j’ai trouvé ma place auprès des malades du sida. Quelqu’un m’a demandé s’il y avait une différence entre celui qui meurt du cancer et celui qui meurt du sida. On a souvent plus de facilité et moins de préjugés à approcher un malade qui souffre d’un cancer, même si ce n’est jamais facile.

 

En regardant de loin une situation, on peut porter un jugement. Mais, au-delà de la situation elle-même, se trouve une personne. Ne dit-on pas facilement dans nos milieux chrétiens qu’il faut juger le péché et pas le pécheur ? Est-ce différent quand il s’agit du sida ? Quand on se trouve confronté à la souffrance doit-on faire une différence ? Jésus ne s’est-Il adressé qu’à une certaine catégorie de personnes ?

 

Etre visiteur c’est parcourir ensemble un chemin, construire une relation basée sur l’amour, la vérité. Qu’importe le passé de la personne, ce qui importe c’est le maintenant et le demain. Pouvoir dire : Pour toi je suis là, et demain je serai là.

 

Tous les malades sont différents et tout comme les bien-portants, connaissent aussi la culpabilité. Ils ne sont pas tous selon le modèle de notre imagination.

 

La personne malade que j’accompagne a eu une réaction quand je lui ai dit que mon péché et son péché, aux yeux de Dieu, avaient la même valeur et conduisaient tous deux à la mort. Pour elle ce n’était pas possible, elle se croyait pire. Pour le Dr Clément Olivier « la maladie et la mort sont des leçons d’humilité pour les vivants orgueilleux, la vie se charge de nous conduire là où on a quelque chose à apprendre1 »

 

Nous avons tous quelque chose à apprendre, mais il y a des situations d’urgence. Le malade du sida est dans ce cas là. Très vite il peut aller très mal. Il faut saisir les occasions de lui annoncer la bonne nouvelle du salut, lui apporter un espoir de Vie.

 

En étant visiteur bénévole à Signe de Vie Sida, je me suis engagée à ne pas « provoquer » le malade afin de lui parler de l’évangile. Je suis là pour l’aider pratiquement (mon équipier et moi avons tapissé sa salle de bains) et pour répondre à ses questions parce qu’inévitablement la question vient de savoir pourquoi on est visiteur. Quand il est debout, l’homme regarde devant, mais quand il est couché, il regarde en haut.

 

La communication passe aussi par le vécu quotidien. Il se trouve que nos enfants, venus de villes et de collèges différents, se retrouvent « par hasard » dans la même classe. Cela a créé une situation où nous sommes à égalité. Mais s’il n’est pas toujours question de la maladie, le malade est très concerné par elle, les nouveaux traitements, leur acceptation ou pas. Ce virus est très récent et les connaissances et découvertes évoluent très vite, il est donc très important pour moi de me tenir informée pour en discuter avec lui, de le soutenir et l’encourager ainsi.

 

« Accompagner, c’est suivre la route de la personne qui vit avec le virus, être en mouvement avec elle. » C’est lui donner la preuve qu’elle compte pour quelqu’un, qu’elle est reconnue, appréciée, qu’il y a encore un avenir.

 

Etre visiteur auprès des malades du sida, c’est plus qu’être un simple visiteur, par courtoisie. On s’investit en urgence (la mort peut survenir très rapidement). Il faut être vigilant, parce que tout n’est pas ouvertement dit, il faut être attentif car il y a beaucoup de pudeur à dire sa souffrance, ses craintes, à parler de soi. « Toute parole échangée, ne laisse pas inchangé. » Le sida, dans sa cruauté inhumaine demeure une épreuve intensément humaine.

 

Le visiteur doit être à l’écoute. Je crois que c’est un don particulier de pouvoir écouter et pas seulement entendre la souffrance, l’angoisse, le désespoir, la douleur. Dans les hôpitaux il y a une tendance à étouffer toute expression émotionnelle. On donne des calmants, il faut que le malade se « repose ». On l’enveloppe de silence quand ce n’est pas de mensonge, pour ne pas entendre : j’ai peur, je vais mourir, je souffre.

 

Après chaque visite, je sors différente. Dans son livre La mort intime, Marie de Hennezel dit que « ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre ». La relation avec le malade n’est pas finie quand on rentre chez soi. Il est difficile de se déconnecter. Il faut apprendre à se décharger auprès du Seigneur.

 

Je crois qu’on est accompagnateur dans l’âme, ou on ne l’est pas. Faire n’est pas suffisant. Il manquerait la dimension de l’amour spontané pour celui qui souffre, qui désespère, qui meurt.

 

Témoignage : « Je suis élève infirmière, et je vais mourir. Le personnel ne veut pas voir le malade en tant que personne, et par conséquent ne peut communiquer avec moi. Vous vous glissez dans ma chambre pour me porter mes médicaments et vous vous éclipsez une fois votre tâche accomplie. Ne vous sauvez pas, patientez ! Tout ce que j’ai besoin de savoir, c’est qu’il y aura quelqu’un pour me tenir la main. J’ai peur. Peut-être êtes-vous blasés sur la mort. Pour moi c’est nouveau. Mourir, ça ne m’est encore jamais arrivé. »

 

F.V.

 

Pour en savoir plus :

Signe de Vie – SIDA
31, les Isoles du Temple
84300 CAVAILLON

 


 

NOTE

 

1. : L’amour assassin, collection Partage.