Renouveau de l’Eglise et modernité (1° partie)
Quel réveil pour aujourd’hui ?1
par Francis BAILET
1. CONNAITRE ET COMPRENDRE NOTRE TEMPS
L’Eglise est-elle moderne ?
Beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur ce qui s’enseigne et se vit dans le monde d’une part, et dans l’Eglise d’autre part.
Il nous faut donc prendre le temps de la réflexion pour comprendre la pensée et le comportement de nos contemporains. Il nous faut aussi une meilleure connaissance de la pensée de Dieu pour être témoins de Jésus-Christ dans le renouveau et la fidélité.
Après la longue période du Moyen Age, près de 1000 ans, il y a ce qu’il est convenu d’appeler « les Temps modernes ».
Les « Lumières », cette période de l’Histoire qui a fait suite à la Renaissance (le retour aux sources de l’Antiquité, à son art, à sa culture, le retour à l’humanisme de l’Antiquité), est le point de départ, le fondement de la période moderne. Peu à peu mais très sûrement, la référence à la religion – et au christianisme en particulier – n’est plus acceptée.
Un des traits caractéristiques de la modernité, c’est la sécularisation. La culture n’est plus dominée par l’Eglise. « Dans la philosophie du XVIIe siècle encore, l’homme était pensé à partir de Dieu et, si l’on ose le dire, après lui. Il y avait d’abord le Créateur, l’Etre absolu et infini et, par rapport à lui, l’être humain se définissait comme manque, finitude… C’est cette hiérarchie, que l’apparition des sciences modernes en même temps que celle de l’espace laïque, abolit »2.
Au nom du refus des arguments d’autorité, l’homme a pris en main sa destinée. Il n’a plus besoin de Dieu pour fonder sa morale et comprendre qu’il lui faut respecter autrui. Le mouvement s’est inversé. Il ne subit plus, il contrôle et dirige. La révolution industrielle, le développement de la technique, les progrès extraordinaires de la science le confortent dans cette position.
Cependant, la pensée contemporaine évolue rapidement. On parle aujourd’hui de « post-modernité », « d’ultra-modernité ». Le sociologue Jean Baubérot parle de « modernité tardive ». Henri Blocher a quelquefois suggéré l’expression « modernité-post »…
C’est pour cela qu’il est essentiel de garder en mémoire que la pensée moderne est complexe, diversifiée, même si l’on peut discerner une dominante. En parler avec précision et rigueur est difficile, car elle s’exprime dans une grande variété de tendances et souvent d’une manière conflictuelle. « Ma thèse personnelle, écrivait récemment l’éditorialiste du Nouvel Observateur, Jean Daniel, ne rejoint pas les conclusions de Luc Ferry. Je crois que le grand et nouveau phénomène du XXIe siècle… sera le déclin tragique de cette véritable foi dans le progrès, qui servait de point d’appui et même de tremplin à l’incroyance »3.
Notre temps est particulier… « Notre temps est déboussolé, il ne sait à quel saint se vouer », écrivait déjà il y a presque 25 ans, Alfred Kuen dans son Introduction à « Lettres pour notre temps ». Aujourd’hui le foisonnement des idées laisse perplexe et insatisfait. Nos contemporains sont en recherche, mais où trouveront-il des certitudes ?
La nouvelle manière d’envisager la vérité en exclut la possibilité. C’est le philosophe allemand Hegel qui a ouvert la voie en proposant de ne plus raisonner sur le principe de la thèse et de son contraire l’antithèse, mais par le biais de la synthèse. Autrement dit et plus simplement : il n’y a plus le vrai et le faux, ni le beau et le laid, ni le bien et le mal. Tout est à la fois vrai et faux, beau et laid, bien et mal.
Le relativisme est une caractéristique de la modernité. Il n’y a pas de vérité absolue. « La doctrine est un savoir de seconde main, un danger4. » La tolérance est dans tous les cœurs et sur toutes les lèvres, mais elle est aujourd’hui dévoyée. Elle ne concerne plus seulement les relations avec les hommes, mais les rapports entre les idées.
Tout cela s’exprime aussi dans la vie quotidienne. Le groupe « I AM » chante « Ombre est lumière ». Le message des groupes de rap incite à la violence et au crime. Mais leurs albums, vendus à des millions d’exemplaires, ne sont plus répréhensibles, car leurs paroles ne sont pas à prendre au premier degré !
Le retour du religieux
« Notre temps voit réémerger de façon massive et multiforme le souci du divin »5. Matérialiste et athée, l’homme moderne s’intéresse plus fortement que jamais au spirituel et à l’irrationnel. L’engouement pour les religions orientales, l’occultisme, l’ésotérisme et les mouvements spiritualistes divers est révélateur des besoins du cœur humain. Dieu, le grand refoulé de notre culture est revenu.
La parole d’André Malraux « le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas » est constamment citée. Louis Pauwels parlait déjà de « la ruée vers l’âme ». Les Français (60 à 70% d’entre eux) se déclarent non pas athées, mais sans religion. Ils croient en quelque chose, en un principe divin, en une énergie cosmique, à un dieu intérieur.
Nous savons le succès des sectes… Les hommes et les femmes de notre temps sont prêts à croire n’importe qui, n’importe quoi, au mépris du simple bon sens.
Marylin Ferguson, un des leaders du « Nouvel Age » a montré la voie : « Tout peut être autrement », « Tout peut réussir », écrit-elle. « Il nous faut pénétrer dans l’inconnu, le connu n’a déjà que trop failli aux espoirs que nous y avons fondés6 ».
Ce retour du religieux n’est pas un retour à Dieu. Le scientisme athée a perdu de son influence car « la science n’a plus la prétention de dire la vérité7 ». Il n’est cependant pas mort. En fait, il y a cohabitation entre l’ancien matérialisme et l’affirmation du sacré. Des pensées très diverses, voire opposées, s’amalgament et ce mélange s’apprécie comme un nouveau cocktail. On peut se reconnaître « incapable de croire » et en même temps « être profondément ouvert à la dimension religieuse ».
La philosophie humaniste prend aujourd’hui des formes nouvelles, mais son esprit reste le même : l’homme veut être au centre. Il continue de croire en lui-même. Il a pris conscience de son potentiel divin. Il n’est plus pensé à partir de Dieu. « C’est en l’homme, écrit Luc FERRY, dans sa raison et sa liberté qui constitue sa dignité qu’il faut fonder les principes du respect de l’autre, non dans une divinité. » C’est le rejet du droit moral. « Nous sommes entrés dans l’ère de l’homme-Dieu8 »
Le retour du sacré est cependant un des traits caractéristiques de la post- modernité. « La soif de Dieu » se fait plus ardente9. Mais il s’agit de « Dieu sans Dieu ». Dieu n’est plus refusé, mais reste cependant dans le flou. Il est le grand Tout.
Le succès de l’ouvrage de Paolo Cœhlo, « l’Alchimiste » (un million d’exemplaires vendus en France, plus de sept millions à travers le monde), est révélateur de ce flou mystique dans lequel le « Français moyen » évolue, séduit par cette « marche vers un trésor qui n’appartient qu’à lui ».
Voici un témoignage de ce flou mystique dans lequel se trouvent beaucoup de nos contemporains : « Je ne crois ni en un Dieu de justice, ni en un Dieu d’amour », écrit Danièle, pourtant aux portes de la mort. « C’est trop humain pour être vrai. Quel manque d’imagination ! Mais je ne crois pas pour autant que nous soyons réductibles à un paquet d’atomes. Ce qui implique qu’il y a autre chose que la matière. Appelons ça âme ou esprit, ou conscience au choix. Je crois à l’éternité de cela. Réincarnation ou accès à un autre niveau tout à fait différent… Qui mourra verra10 ».
Au niveau des penseurs de notre temps, il en est de même. Roger Garaudy écrit : « Je crois que Dieu sera crédible, si nous ne parlons plus de Dieu comme d’un être, mais comme d’un acte11 ». Jean Daniel apparaît dans son livre « Dieu est-il fanatique ? Essai sur une religieuse incapacité de croire » comme « le plus religieux des incroyants » écrit Jean d’Ormesson.
Le retour du sacré n’est pas le retour à Dieu. Cependant les besoins spirituels sont réels. « La pensée de l’éternité » est dans le cœur humain. Quel défi pour l’Eglise ! Saurons-nous le relever ?
Comment serons-nous témoins de Jésus-Christ aujourd’hui ?
Quelle réponse apporterons-nous aux questions de nos contemporains ? Comment dirons-nous le message biblique ?
Voulons-nous regarder ensemble ce monde dans lequel nous sommes ? Notre regard sera-t-il celui de l’homme spirituel, de l’homme qui a la pensée de Christ pour discerner, évaluer, interpréter les idées et les faits ? Notre regard sera-t-il un regard de compassion ? Dans la communion avec Jésus, verrons-nous ces hommes et ces femmes comme des brebis qui n’ont pas de berger ? S’il en est ainsi, nous saurons aussi leur parler avec le cœur, et avec l’autorité que donne l’Esprit Saint.
Evangéliser aujourd’hui est difficile
Le matérialisme domine toujours la vie de nos contemporains. Le corps a plus que jamais, la première place. Le relâchement des mœurs nous trouble et freine notre témoignage. Nous pourrions nous décourager, baisser les bras et ne plus oser dire le message de Dieu.
Aussi rappelons-nous « qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil ». « Déjà, dans l’empire romain finissant… » écrit Jean Delumeau, « la situation était à peu près semblable à celle de notre temps. Le monde gréco-romain était très tolérant. Les Athéniens étaient extrêmement religieux » (Ac. 17.22). Comme l’apôtre Paul, nous pouvons « renverser les (faux) raisonnements ainsi que tout ce qui se dresse prétentieusement contre la connaissance de Dieu et faire prisonnière toute pensée pour l’amener à obéir à Christ » (2 Col 10.5). L’Esprit Saint nous y aidera.
Nous pensons autrement. Il nous faut le dire avec autorité, l’autorité que donne l’amour. Ne négligeons pas de faire appel à la raison, au bon sens de ceux à qui nous témoignons. Nous les conduirons un bout de chemin vers la connaissance de Dieu Créateur et Souverain. La révélation de Sa Parole poursuivra notre témoignage et leur apportera des certitudes.
La spiritualité de nos contemporains se veut personnelle, privée. N’y a-t-il pas là une porte ouverte pour leur annoncer un salut personnel ?
Sachons être à l’écoute. Privilégions la relation. Soyons présents dans ce monde pour vivre et témoigner qu’aujourd’hui encore Jésus-Christ change la vie de ceux qui croient Ses paroles. Ne nous laissons pas décourager. Malgré les difficultés gardons dans nos cœurs la parole de Jésus :
« Regardez les champs qui déjà blanchissent pour la Moisson » (Jn 4.35).
F. B. (à suivre)
NOTES de la 1° partie
1. Cet article et celui qui paraîtra dans le prochain numéro, présentent l’essentiel des études données par notre orateur lors de la Conférence Nationale des C.A.E.F. de novembre 1996, à Lyon.
2. Luc FERRY, L’homme-Dieu ou le sens de la vie, Grasset, p.59.
3. Le Nouvel Observateur du 22-28 Août 1996.
4. Marylin FERGUSON, Les enfants du Verseau, Calmann-Lévy, p.281.
5. Alain PONS à propos du livre de Jean DANIEL, Dieu est-il fanatique ?
6. Marylin FERGUSON, op. cit., p.l7.
7. F. CHAMPION, Le Nouvel Observateur du 22-28 Août 1996.
8. Luc FERRY, op. cit., p.6l.
9. Voir dossier Hors série « La soif de Dieu » Voyage au coeur des religions, Nouvel Observateur.
10. Marie de HENNEZEL, La mort intime, Robert Laffont, p. 12.
11. Dossier du Christianisme au XXe siècle, « Dieu est-il crédible ? »
Renouveau de l’Eglise et modernité
Quel réveil pour aujourd’hui ?1
par Francis BAILET
2. RENOUVEAU ET FIDELITE2
L’article précédent nous invitait à la réflexion et au discernement. Nous nous y étions interrogés, sur ce qui s’enseigne et sur ce qui se vit dans le monde aujourd’hui. Nous regardons maintenant vers l’Eglise. Comment peut-elle vivre la modernité ? Quelle réponse apportera-t-elle aux questions de nos contemporains ? Comment dira-t-elle le message de Dieu dans le renouveau et la fidélité ?
L’enseignement de l’apôtre Paul apporte la bonne réponse pour une attitude conforme à la volonté de Dieu : « Ne vous laissez pas modeler par le monde actuel, mais laissez-vous transformer par le renouvellement de votre pensée, pour pouvoir discerner la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait »3.
L’apôtre nous avertit tout à la fois du danger de la contamination et de la nécessité du renouvellement.
Pas de conformité à la modernité
L’humanisme moderne refuse « les arguments d’autorité ». Il ne veut ni tuteur, ni guide. « Il n’y a plus rien au ciel, ni bien ni mal, ni personne pour me donner des ordres, car je suis un homme,… et chaque homme doit inventer son chemin ». La pensée de Jean-Paul Sartre est encore dans l’air du temps4. Mais la pensée de Dieu est à l’opposé de celle des hommes. L’apôtre combattait pour la défense de la vérité. Il renversait « les faux raisonnements ainsi que tout ce qui se dressait prétentieusement contre la connaissance de Dieu, et faisait prisonnière toute pensée pour l’amener à obéir à Christ »5 . Notre combat est aussi au niveau de la pensée.
L’Eglise s’est laissé contaminer. Le contenu même de la révélation n’a cessé d’être humanisé au fil des deux derniers siècles. Le théologien allemand Heinz Zahrnt (protestant) peut écrire : « II devient urgent de renoncer à l’absolu ». « Dieu est plus grand que tous les révélateurs réunis. Il s’agit donc de confesser Jésus comme le Christ de Dieu, sans exclure pour autant Moïse, Bouddha, ni Mahomet »6. Le théologien allemand Eugen Drewermann (catholique) : « La naissance du fils de Dieu ne se situe pas au niveau de l’histoire… Il convient de lire symboliquement l’histoire de la naissance de Jésus à Bethléem »7.
Face à ces déviations, il nous faut affirmer l’autorité de Dieu et de Sa Parole : « Au commencement (…) Dieu ». « Au commencement (…) la Parole ». Il nous faut donner à la Parole de Dieu la première place, sans concession aucune. S’il n’en est pas ainsi il n’y aura pas d’avenir béni.
La lettre et l’esprit
Nous croyons à l’inspiration plénière et verbale de l’Ecriture. C’est le miracle du passé : « Poussés par le Saint-Esprit, des hommes ont parlé de la part de Dieu ». Mais l’inspiration des Ecritures c’est aussi le miracle du présent. Il nous faut prendre | conscience, en effet, que la Parole n’est pas figée, mais vivante et opérante.
L’Esprit Saint qui l’a inspirée, l’anime encore aujourd’hui. Nous en avons parlé trop théoriquement, trop théologiquement. Nous avons dit l’importance de « la lettre » – et il était indispensable de le faire – mais nous avons attristé l’Esprit qui peut seul la vivifier.
La Parole de Dieu s’est incarnée dans l’histoire. Il faut aussi qu’elle s’incarne dans nos vies. La nouvelle alliance c’est la loi de Dieu écrite, non seulement dans un livre, mais aussi dans le cœur. La lettre tue, l’esprit vivifie. Il est urgent que nous en fassions la démonstration à nos contemporains. Ils ont besoin de voir pour croire.
Les hommes et les femmes de notre temps ne connaissent pas l’Evangile parce que les chrétiens ne sont pas de vrais témoins du Christ. « Ils disent mais ne font pas ». Comme tous les prophètes des temps anciens, il nous faut redire la Parole avec le souffle de Dieu. Il nous faut redire le message, mais être aussi des messagers qui l’incarnent dans leur vie.
Si la théologie libérale qui ne donne pas à toute l’Ecriture la même valeur s’étale largement aujourd’hui dans les journaux et revues religieuses (catholiques ou protestants), ne nous laissons pas entraîner, par réaction, dans un fondamentalisme sans vie. Notre enracinement biblique doit produire des œuvres qui glorifient Dieu et interpellent notre génération. C’est dans une réelle et constante dépendance du Saint-Esprit que cela est possible.
Ni désengagement, ni repli sur soi
Notre regard sur le Monde et sur l’Eglise pourrait nous décourager et nous conduire vers un repli sur nous-mêmes dans l’attente du retour du Seigneur. Nous pourrions être tentés de refuser le combat et fuir le champ de bataille. Mais la Parole de Dieu est là pour que nous reprenions courage.
Nous savons que « les derniers temps » sont difficiles. La Foi et l’Amour vont en s’affaiblissant. « Les hommes ne veulent plus rien savoir de l’enseignement véritable. Au gré de leurs propres désirs, ils se choisissent une foule de maîtres… Ils détournent l’oreille de la vérité pour écouter des récits de pure invention »8. Mais le Seigneur est le même et sa Parole peut encore convaincre ceux qui sont en recherche de sens pour leur vie. Ne mettons pas nos lampes sous le boisseau. Au contraire, brillons dans ce monde comme des flambeaux en portant la parole de vie. Le Seigneur donnera des fruits à notre travail.
Quel Réveil pour aujourd’hui ?
Le peuple de Dieu a traversé des périodes très sombres, mais son histoire est aussi marquée par des réveils. Le Réveil du peuple de Dieu est une nécessité. Le secret de la vie c’est le renouvellement. L’apôtre Paul exhortait déjà au début de l’histoire de l’Eglise : « C’est l’heure de vous réveiller du sommeil »9. Beaucoup de chrétiens ont soif de réveil. Ils sont en recherche. Ils veulent que quelque chose change dans leur vie. Leur désir de renouveau est légitime et très louable. C’est certainement l’oeuvre du Saint-Esprit. Mais beaucoup veulent « un plus ». Le miraculeux et le spectaculaire les attirent. Ils voudraient de la puissance sans la souffrance. Aussi sont-ils prêts à accepter sans discernement « des doctrines nouvelles » simplement parce qu’on leur promet délivrance, victoire et vie comblée.
On parle beaucoup de Réveil aujourd’hui dans les Eglises Evangéliques. Plusieurs prétendent qu’il est déjà là. Mais on ne fabrique pas le Réveil. Il n’est pas dans « ces rassemblements émotionnels » que l’on nous propose aujourd’hui.
Le Réveil dont nous avons besoin, c’est le Réveil de l’Esprit. Méfions-nous des imitations. Les prophètes n’ont cessé de répéter : « Revenez à Dieu, revenez à sa Parole ».
Dans le monde, nos contemporains sont friands de révélations nouvelles. On cherche à communiquer avec les morts. Des messages viennent de l’au-delà par l’intermédiaire des médiums10. Dans certains milieux « évangéliques » on accorde à « la prophétie » une plus grande importance qu’à la Parole biblique.
Le Réveil selon Dieu a pour fondement le retour à la Révélation biblique qui comme « une épée à deux tranchants va pénétrer jusqu’au plus profond de l’être, jusqu’à atteindre âme et esprit, jointures et moelle, et juger ainsi les dispositions et les pensées du cœur »11.
L’état spirituel de l’Eglise aujourd’hui
Serons-nous capables de nous laisser remettre en question ? Accepterons-nous de reconnaître que nos comportements interpellent peu et ne donnent pas envie d’être chrétiens ? Nous ne sommes plus crédibles. Nos contemporains en recherche de spirituel ne se tournent pas vers nous. Ils cherchent ailleurs, vers l’Orient, vers le supermarché du Nouvel Age qui ne leur offrent pourtant que l’illusion et le mensonge.
Dans le monde on ne fait plus la différence entre le bien et le mal. Dans l’Eglise, la sanctification n’est plus recherchée et la souillure tolérée.
Il faut accepter ce constat d’échec. Il faut confesser nos fautes et nous séparer du mal. Il faut refuser de persévérer dans des situations qui déshonorent Dieu. C’est ainsi que débute le Réveil, toujours. La priorité est aujourd’hui, aux émotions, au détriment de la raison et de l’esprit. C’est d’abord notre esprit qui doit être réveillé et pas nos émotions.
Un renouveau de notre vie personnelle
Pour être renouvelé, il faut un nouveau regard sur Jésus. Il faut une plus grande connaissance de sa grâce. C’est la grâce qui nous conduit vers la sanctification. La grâce nous enseigne à dire non au péché et un oui joyeux aux bonnes œuvres que le Seigneur nous fait connaître. L’assurance d’être aimés nous pousse à aimer. Là est le cœur du Réveil.
Les chrétiens manquent de maturité. A l’image des hommes et des femmes de notre temps, ils sont encore des enfants. « Notre société est adolescentrique » écrit Tony Anatrella. « Elle vit au rythme juvénile de l’immédiat et de l’instant sans vouloir prendre conscience de ce qu’elle engage »12.
Pascal Bruckner est plus incisif : « L’infantilisme et la victimisation sont les deux pathologies de la modernité. Personne ne veut être tenu pour responsable, chacun aspire à passer pour un malheureux, même s’il ne traverse aucune épreuve particulière »13 . Les chrétiens aussi sont des enfants, toujours en quête d’une bénédiction, d’une délivrance, d’une guérison, d’une intervention de Dieu en leur faveur. Ils en oublient souvent les souffrances des autres et l’amour pour celui qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs.
Pour être renouvelé, il faut avoir compris la nécessité de la croissance spirituelle. Nous avons trop insisté sur l’importance de la naissance de l’Esprit. Nous avons négligé celle de la croissance spirituelle. Il faut naître de nouveau, mais il faut grandir aussi et « parvenir à l’état d’adultes, à un stade où se manifeste toute la plénitude qui nous vient du Christ »14 .
Un renouveau de notre vision de l’Unité
Les divisions se multiplient dans l’Eglise, dans nos églises. Il faut nous en humilier. Nous avons besoin d’un renouveau de notre vision de l’unité du corps de Christ. Le sectarisme nous guette aussi. C’est si facile de se croire meilleurs que les autres, plus fidèles, plus spirituels, plus puissants, plus bibliques, plus sanctifiés…
L’unité n’est pas à créer d’une manière artificielle, car elle est l’œuvre du Christ qui par sa mort a rassemblé en un seul corps les enfants de Dieu dispersés. Pour être ouvert à la modernité, le pluralisme pratiqué par certaines églises conduit, de concession en concession, à l’abandon de la vérité et au flou religieux qui n’apporte plus aucune certitude. Le pluralisme n’est pas la réponse de l’Esprit pour une plus grande manifestation de l’unité.
Un renouveau de notre vie communautaire
L’homme moderne est individualiste. Dans la demande spirituelle de nos contemporains, il y a le besoin de l’accomplissement personnel et de la réalisation de soi. Les chrétiens aussi sont individualistes, beaucoup trop. En insistant sur un salut personnel obtenu par une décision personnelle, nous avons affaibli la vision communautaire.
L’Eglise primitive, malgré ses faiblesses, reste notre modèle. La persévérance dans l’enseignement des apôtres, les prières, la fraction du pain et la communion fraternelle doivent nous caractériser. Les quatre piliers de cet édifice spirituel qui se construit ne peuvent être remplacés. Redécouvrir leur importance est aussi un signe de renouveau.
Le besoin de leaders
L’Eglise a besoin de leaders. Des leaders dans le sens de conducteur, berger, prophète. L’appel de Dieu par l’intermédiaire du prophète Ezéchiel reste d’actualité : « Je cherche un homme qui élève un mur en faveur du pays afin que je ne le détruise pas »15 . Dans les temps difficiles, des hommes de Dieu se sont levés. Ils ont réveillé le peuple de Dieu. Ils ne se sont pas prêches eux-mêmes. Ils n’ont pas rassemblé autour d’eux, ni autour d’une doctrine. Ils ont dit : « Revenez à Dieu », « II faut qu’il croisse et que je diminue », « Pourvu que j’achève la course avec joie et le ministère que j’ai reçu du Seigneur ». Notre temps a besoin de ces hommes et de ces femmes. Le Seigneur les cherche. Qui se laissera trouver par Lui ?
La fidélité dans la modernité est difficile. Nous pourrions être découragés et renoncer. Mais nous pouvons compter sur Sa fidélité. Il veut nous assister, nous fortifier, nous garder du mal. « Il nous délivrera de toute œuvre mauvaise et nous sauvera pour nous faire entrer dans son royaume céleste. A Lui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen ! »16
F.B.
NOTES de la 2° partie
1. Voir SERVIR de Janvier-Février 1997 Errata : deux malencontreuses coquilles ont faussé le sens de certains passages de l’article précédent. Il fallait lire page 1, 2ème colonne : « C’est cette hiérarchie que l’apparition des sciences modernes… abolit ». Page 2, 2ème colonne : « le relativisme est une caractéristique de la modernité. Il n’y a pas de vérité absolue ».
2. Cet article et celui qui a paru dans le dernier numéro (« l. Connaître et comprendre notre temps ») présentent l’essentiel des études données par notre orateur lors de la Conférence Nationale des C.A.E.F. 1996 à Lyon.
3. Rm 12.3.
4. Jean-Paul SARTRE, Les Mouches (Gallimard), acte 3, scène 2.
5. 2 Co 10.5.
6. In Lettre de la Faculté Libre de théologie Réformée du 10.11.95.
7. De la naissance des dieux à la naissance du Christ, (Traduction au Seuil), Paris 1992, p. 144.
8. 2 Tm4.3.
9. Rm 13.11.
10. Les dialogues avec l’ange de Gitta MALLASZ ou Les lettres de Pierre par exemple
11. Hé. 4.12.
12. Tony ANATRELLA, Non à la société dépressive, Flammarion 1993, p.293.
13. Pascal BRUCKNER, La tentation de l’innocence, Grasset 1995, p.16, 17.
14. Ep. 4.13,14, Version Le Semeur.
15. Ez 22.30.
16. 2 Tm 4.17,18.