D’Augsbourg à Rome

 

 

par Jean-Pierre BORY

 

 

En 1517, Luther avait redécouvert, et réaffirmé au risque de sa vie, que l’homme est justifié par la foi seule. Aujourd’hui, des théologiens qui se réclament de son nom, viennent de « redécouvrir » après 30 années d’entretiens avec des théologiens catholiques, que l’homme, finalement, même s’il est justifié gratuitement par Dieu, peut et doit tout de même coopérer à son salut par la vertu du Saint-Esprit₁.

 

 

Déclaration commune luthéro-catholique sur la justification

 

Plus significatif encore : la résolution œcuménique qui va atténuer le différend catholique-luthérien à propos du salut, a été signée le 31 octobre, jour anniversaire de l’affichage des 95 thèses de Luther dans lesquelles il réaffirmait les vérités évangéliques sur le salut gratuit et le non fondé des indulgences. Comme si l’on voulait effacer la Réforme…

 

Quel est le sens de cette déclaration ? La doctrine catholique se rapproche-t-elle des affirmations pauliniennes de la grâce gratuite ?

 

Le récent Catéchisme de l’Eglise Catholique₂ distingue deux conversions : la conversion au Christ (lors du baptême) et la seconde conversion qui est une tâche ininterrompue pour toute l’Eglise. Cette seconde conversion est œuvre humaine, efforts continuels de pénitence et de renouvellement (§ 1426 et 1428). Le Catéchisme explique comment « Dieu a librement disposé d’associer l’homme à l’œuvre de sa grâce » (§ 2008) et « le rend capable de collaborer au salut des autres » (§ 2003). « Nous pouvons mériter pour nous-mêmes et pour autrui les grâces utiles […] pour parvenir à la vie éternelle » (§ 2010). Les chrétiens doivent accumuler des expiations et des mérites : les mérites de Christ, de Marie et de tous les saints coopèrent au salut de leurs frères (§ 1475-1477). Le Catéchisme rappelle l’actualité de la doctrine des indulgences et du purgatoire (§ 1471ss).

 

On pouvait espérer que ces enseignements deviendraient caducs avec le nouvel accord luthéro-catholique, mais Mgr Dario Rezza, membre de la Pénitencerie apostolique à Rome a déclaré récemment que les abus qui avaient provoqué les protestations de Luther au 16ème siècle relèvent du passé, et « qu’une compréhension théologique des indulgences semble aujourd’hui possible, même de la part des Eglises issues de la Réforme₃ ».

 

 

Nouveau Manuel des indulgences

 

En fait, Mgr Rezza vient de publier un Manuel des indulgences (115 pages en latin), qui reprend la constitution apostolique de Paul VI (1967) et réaffirme que la pratique des indulgences invite les fidèles à un réel changement de vie au travers duquel ils peuvent réparer leurs fautes et celles des autres. Un peu de modernisme toutefois : les pécheurs de l’an 2000 pourront se voir concéder une indulgence (une par jour) en échange d’une journée sans fumer, ou sans alcool, d’un signe de croix en public, d’une prière avec le pape à la télévision ou d’un don aux nécessiteux₄.

 

L’Eglise protestante italienne constate avec regret que « le Vatican, dans la présentation du Manuel, […] re-confirme avec obstination les motifs qui, aujourd’hui comme hier, tracent le sillon entre les Eglises de la Réforme et l’Eglise de Rome₅ ».

 

On ne peut que regretter que ce traité luthéro-catholique ne soit pas l’amorce d’un retour de Rome vers une position plus biblique du salut, mais plutôt un pas de la Confédération Luthérienne Mondiale vers celle de Rome.

 

J-P.B.

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NOTES

 

1. Le Point, n°1415.

 

2. Ce Catéchisme de l’Eglise Catholique a été publié en 1992 après 6 années de travail d’un collège de 19 cardinaux et évêques. Selon Jean-Paul II, il est « l’instrument valable et autorisé, […] une norme sûre pour l’enseignement de la foi, […] afin de servir de texte de référence sûr et authentique pour l’enseignement de la doctrine catholique » (extrait de la préface écrite par le pape Jean-Paul II pour le Catéchisme de l’Eglise Catholique).

 

3. Le Christianisme au XXe siècle, n°705, p.2.

 

4. L’Express, du 30.9.99, p.56.

 

5. Le Christianisme au XXe siècle, n°705, p.2, et N° 710, p. 2-3.