Evangéliser aujourd’hui

 

 amis

 

par Alain Kitt

 

 

Les dernières paroles adressées par le Seigneur à ses disciples avant l’Ascension (Mt 28.19-20 ; Mc 16.15 ; Ac 1.8) soulignent la responsabilité qu’ont les chrétiens d’annoncer l’évangile.

 

 

Le livre des Actes nous montre comment les premiers chrétiens s’y sont pris dans la puissance du Saint-Esprit pour accomplir cette tâche. Les différents endroits mentionnés (la rue, les maisons, les synagogues, la prison, une école, les tribunaux…), ainsi que les verbes employés, comme rendre témoignage, annoncer, persuader, discuter, démontrer, discourir, donnent une idée de l’imagination déployée par les premiers chrétiens pour atteindre leur génération avec la bonne nouvelle de Jésus-Christ.

 

 

Cette activité s’est bien poursuivie depuis l’époque du Nouveau Testament (heureusement, d’ailleurs, sinon où en serions-nous ?) et à l’aube du XXIème siècle, elle continue en bénéficiant des prouesses techniques qui permettent, par exemple, à un évangéliste qui prêche dans un stade au Brésil d’être vu et entendu dans le monde entier par des millions de personnes. Mais au fond, malgré toutes les différences entre notre époque et celle du Nouveau Testament, l’activité reste la même : obéissant à l’ordre du Seigneur, les chrétiens transmettent ce qu’ils ont reçu : « Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures ; il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures ». (1 Co 15.3-4).

 

En ordonnant à ses disciples d’annoncer l’évangile dans le monde entier, Jésus ne leur demandait pas quelque chose qu’il ne faisait pas lui-même : dans les quatre évangiles nous le voyons à l’oeuvre, parlant aux foules et aux personnes seules. Un jour il a dit que, plutôt que de rester dans un endroit où on l’appréciait, il voulait annoncer la bonne nouvelle dans d’autres villes, car c’est pour cela que j’ai été envoyé (Lc 4.43). Comment faisait-il ?

 

Si nous voulons trouver un modèle pour notre évangélisation, le Seigneur est certainement le meilleur. Lisons attentivement le récit de son entretien avec une femme samaritaine rencontrée au cours d’un voyage (Jn 4.4-42) et réfléchissons à sa manière de faire.

 

 

1. Il ne s’agit pas d’une rencontre organisée

 

Nous dirions que cela s’est passé tout à fait « par hasard ». Bien sûr, nous le savons, le hasard n’existe pas, et l’affirmation il fallait qu’il traverse la Samarie indique peut-être plus qu’une simple nécessité géographique ; Jésus savait que la femme samaritaine avait besoin de le rencontrer. Mais il est important de voir que c’est une rencontre ordinaire, comme on peut en avoir n’importe où et à n’importe quel moment. Le Seigneur a su profiter de l’occasion pour parler avec cette femme de l’évangile.

 

Si nous voulons l’imiter, veillons sur notre communion avec Dieu. Si nos pensées et nos actes ne sont pas dirigés par sa volonté, ne nous attendons pas à avoir les paroles qui interpelleront et intéresseront ceux que nous rencontrons. Pour Jésus, faire la volonté de son Père était primordial, prioritaire sur le besoin de manger et de boire (v.34) ; son Père voulait que la bonne nouvelle soit annoncée à la femme samaritaine et à toute sa communauté, et que de nombreuses personnes sachent que Jésus est vraiment le Sauveur du monde (v.4,2).

 

 

2. L’entrée en matière

 

C’est très simple : Jésus demande un service ! Il a soif après avoir marché, mais il n’a pas les moyens de faire remonter l’eau du puits près duquel il est assis : quoi de plus naturel alors que de demander à cette femme qui arrive à point nommé avec une cruche de lui donner à boire ? Certes, il semble passer outre certaines conventions sociales de l’époque, à en juger d’après l’étonnement des disciples (v.27) ; mais cela n’a jamais posé de problème pour le Seigneur lorsque ces conventions pouvaient entraver l’annonce de la parole de Dieu. Ce qui attise la curiosité de la femme, c’est qu’en demandant à boire à une Samaritaine, Jésus est prêt à faire quelque chose que beaucoup de Juifs auraient refusé : boire de l’eau dans sa cruche à elle (voir v.9). En tant que chrétiens nous cherchons à être serviables, prêts à aider les autres. C’est une bonne chose, et rendre service peut nous donner bien des occasions de rendre témoignage. Mais il ne faut pas oublier que dans nos relations humaines il faut aussi savoir recevoir de la part des autres. En demandant un service à une personne nous la valorisons, nous reconnaissons que nous ne lui sommes pas supérieurs, et que nous l’apprécions.

 

 

3. L’approche est positive

 

Nous pourrions résumer les paroles de Jésus aux versets 12 et 14 comme suit : « J’ai quelque chose dont tu as besoin et qui transformera totalement ta vie. » Il ne s’agit pas d’une évangélisation centrée sur l’homme et sur ses besoins ; mais Jésus veut faire connaître et partager une qualité de vie qu’il possède lui-même. Bien sûr, nous ne sommes pas le Seigneur, nous ne pouvons pas donner cette « eau vive » dont il parle. Pourtant notre qualité de vie doit être foncièrement positive et attrayante : si elle ne l’est pas, pourquoi nous écouterait-on ?

 

Le problème du péché est certes fondamental. Les hommes et les femmes à qui nous parlons sont séparés de Dieu, mais le moyen de les atteindre ne sera pas forcément de parler dès le début de leur culpabilité. Quand il se trouvait auprès de gens convaincus de leur propre justice et se croyant meilleurs que les autres, Jésus n’hésitait pas à soulever la réalité de leur péché et du jugement à venir. Mais dans le passage qui nous concerne, il amène d’abord la Samaritaine à dire « Donne-moi cette eau » avant de lui parler de sa vie dissolue. De même, il dira à Zachée qu’il veut passer du temps en sa compagnie, avant de s’entretenir avec lui de son péché (Luc 19.5).

 

 

4. Les Ecritures sont essentielles

 

the-bibleII est vrai que Jésus ne cite pas textuellement des passages de la Bible, mais ses propos sont enracinés dans la pensée des Ecritures : l’eau en tant que symbole de vie se trouve souvent dans l’Ancien Testament (Es 55 ; Ez 47, par exemple). Son affirmation, Le salut vient des Juifs (v.22) n’est pas seulement une affirmation que le Messie serait un Juif, mais aussi une référence aux Ecritures de l’Ancien Testament rejetées par les Samaritains, qui ne retenaient que les livres de Moïse. La femme devait admettre que les traditions qu’elle avait reçues ne pouvaient pas lui apporter la connaissance de Dieu : elle devait se soumettre à la révélation donnée aux juifs.

 

De même aujourd’hui, à une époque où toutes les vérités sont bonnes, où l’idée d’une vérité absolue est devenue inacceptable, nous devons souligner le caractère universel et exclusif de l’Evangile de Jésus-Christ. Il n’y a toujours pas d’autre nom par lequel nous devions être sauvés. Pierre l’a dit aux chefs religieux à Jérusalem (Ac 4.12), Paul l’a affirmé devant les philosophes d’Athènes (Ac 17.31), n’ayons pas honte de le répéter aujourd’hui.

 

 

5. L’individu est important Lequel des disciples aurait pensé à s’entretenir avec cette femme au sujet de la vie éternelle ? Mais pour le Seigneur, cette Samaritaine est importante, elle fait partie des perdus qu’il est venu chercher et sauver, et il veut parler avec elle plutôt que de prendre le repos dont il a besoin. Pour lui, qui a raconté la parabole du berger cherchant sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la trouve, chaque personne est importante.

 

Le récit nous permet cependant de voir plus loin, et de vérifier ce phénomène maintes fois répété : une personne qui se convertit a une influence sur ses proches que l’on ne peut pas calculer.

 

Ainsi la femme samaritaine, par son témoignage, amène à la rencontre du Seigneur un grand nombre de ses concitoyens, dont beaucoup vont croire en lui (v.42).

 

Qui se souvient du rôle joué par l’apôtre André dans l’évangélisation et le développement de l’Eglise dans le livre des Actes ? Il disparaît du récit dès le premier chapitre, et on n’entend plus parler de lui, tandis que des chapitres entiers sont consacrés à Pierre, Paul, Etienne, Philippe et d’autres. André est-il pour autant insignifiant ? Loin de là : nous ignorons peut-être quelle contribution il a pu apporter au développement de l’Eglise, mais nous savons qu’après avoir rencontré Jésus, il est allé immédiatement trouver son frère Simon pour le conduire vers le Seigneur, et que ce frère Simon est devenu plus tard l’apôtre Pierre (Jn 1.40-42).

 

Que se serait-il passé si Jésus n’avait pas parlé avec André, et si celui-ci n’avait pas voulu partager sa découverte du Messie avec son frère ? On pourrait multiplier les exemples trouvés dans la Bible et dans l’histoire de l’Eglise. Puissions-nous aussi saisir les occasions de simplement témoigner comme le Seigneur l’a fait auprès de la femme samaritaine, comme elle-même l’a fait auprès de ses proches, comme quelqu’un l’a certainement fait auprès de chacun de nous qui croyons !

 

A.K.