Un grand secret1
par André ADOUL
« Que le soleil ne se couche pas sur votre colère … » Ephésiens 4.26
Il n’est pas de foyer où n’ait soufflé la tempête. Les plus beaux étés ont leurs orages. Mais les plus violents peuvent être suivis d’un temps d’exceptionnelle luminosité. Les nuages sombres, une fois balayés, le ciel redevient pur, d’un bleu chargé de lumière et de chants d’oiseaux. Après tout, ce ne sont pas les querelles qui sont le plus à redouter, mais les séquelles de disputes mal ou non réglées. C’est pourquoi, au sein du couple, les différends devraient être définitivement « liquidés »,
J’évoque ici un souvenir déjà lointain. Depuis plusieurs semaines, nous vivions en famille dans le tourbillon d’une colonie de vacances. Pas de répit. Aussi, avions-nous décidé, ma femme et moi, d’aller l’après-midi du dimanche nous détendre en forêt. Or, à l’heure du départ, mon épouse était encore dans sa chambre tandis que je l’attendais dans la cour, en compagnie d’amis chrétiens. De temps à autre, je consultais nerveusement ma montre en secouant la tête.
– Ah, ces femmes ! Toujours en retard…
Comme elle ne paraissait toujours pas, las d’attendre, je quittai mes amis, me dirigeai vers la maison, escaladai l’escalier quatre à quatre et, faisant irruption dans la pièce, je protestai :
– Eh bien. que fais-tu ? Je t’attends et l’heure passe.
Du tac au tac et avec la même densité d’humeur, je reçus la réponse que je méritais. Le dos tourné, en train d’enfiler les chaussettes à l’une de nos filles, ma femme riposta :
– J’allais justement te poser la même question. Que faisais-tu, toi, pendant tout ce temps ? Tu oublies que nous avons quatre enfants.
L’après-midi commençait mal. La quiétude espérée semblait bien compromise. Par bonheur, le Seigneur eut le temps de me parler un langage que je connais mieux depuis : Mais c’est toi qui as tort. Tu parais oublier que tout est compliqué pour une maman installée loin de chez elle, hors de ses habitudes et de son cadre. Tu n’es qu’un égoïste. Vous seriez déjà sur la route si tu étais venu aider ta femme.
Ma première réaction fut de me raidir, puis de me justifier. Finalement, Dieu l’emporta et je capitulai en disant à mon épouse :
– Tu as raison après tout. Si je t’avais donné un coup de main, les enfants seraient prêts depuis longtemps. J’ai eu tort de te laisser toute seule te débattre avec nos gosses. Je le regrette, pardonne-moi…
je vis alors une larme couler le long des joues de ma femme qui enchaîna :
– Tu sais, moi aussi j’ai tort de m’irriter contre toi. je t’en voulais. Pardonne-moi de t’avoir mal reçu. Je le regrette.
Et après avoir confessé à Dieu notre mauvaise humeur, nous nous embrassâmes en Le bénissant pour la paix retrouvée. Quelques instants plus tard, heureux et la main dans la main, nous prenions le chemin des bois. L’après-midi qui s’annonçait mal se déroula merveilleusement.
Il en faut si peu pour rétablir une situation apparemment perdue. L’humiliation est la seule voie qui permette de retrouver l’harmonie entre les hommes et les époux en particulier. C’est donc vrai ! Après un gros orage, l’atmosphère peut être encore plus sereine, partant plus belle. Gloire à Dieu !
En vérité, c’est l’orgueil qui entretient les conflits et creuse le fossé entre mari et femme et un différend ne se règle vraiment que dans l’humiliation. Reconnaître ses torts, plaider « coupable » sans accuser l’autre et se retrouver ensemble auprès de Celui qui pardonne et relève, tel est le grand secret pour vivre toujours plus unis. […]
« Ces simples mots « je regrette », « tu as raison », ont entre époux des effets bouleversants ! Il va de soi qu’il n’en est ainsi que lorsque ces paroles sont prononcées spontanément et non pas dans la contrainte, comme il arrive lorsqu’on veut obliger quelqu’un à convenir de son erreur et à s’en excuser2 »
Alors, réfléchissez : au cours de ce jour qui s’achève, avez-vous réagi durement à telle parole injuste de votre mari ? Avez-vous eu un vif désaccord au sujet de votre enfant ou de l’emplacement du frigo dans la cuisine ? Vous êtes-vous irritée à la suite d’un oubli ou d’un retard de votre conjoint ? Avez-vous riposté avec aigreur à une réflexion maladroite de belle-maman ? Et vous, le mari… vous êtes-vous emporté à cause de la soupe trop chaude ou trop salée ? A cause des interminables stations de votre épouse dans la salle de bain ou devant la glace ?
Ne dites pas : « Le temps arrangera tout ». En réalité, il n’arrange rien. Il ne referme pas totalement les plaies, il ne panse pas les blessures, il n’accorde pas la faculté d’oublier. Il en faut davantage pour dissiper les malentendus et réparer les torts. Sans humiliation, le malaise subsiste.
Vous est-il arrivé de demander pardon à votre conjoint ? Savez-vous plaider coupable ? Quand l’avez-vous fait pour la dernière fois ? N’oubliez pas l’impératif biblique : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère ». Autrement dit, n’entrez pas dans votre chambre rempli d’amertume et le cœur chargé de reproches à l’égard de l’autre.
André ADOUL.
NOTES
1. Tiré de Je veux t’aimer (Editions de La Ligue pour la Lecture de la Bible, 1977), pp. 24-27. Avec permission.
2. Th. Bovet, Le mariage, ce grand mystère.