Pour une lecture renouvelée de la Bible
(2° partie)1
par Daniel BRESCH
Lire la Bible au quotidien, se nourrir de la Parole de Dieu jour après jour, n’est pas un fait acquis d’emblée, dans la facilité et l’euphorie. Peut-être avons-nous eu connaissance de telle personne qui, découvrant l’Evangile du salut par la rencontre personnelle avec Jésus-Christ, s’est mise à « dévorer » cette Parole ? Peut-être cela a-t-il été votre expérience pour un temps ? Mais des difficultés et des obstacles de tous ordres surgissent au fil des semaines. Il n’y a pas lieu de s’en cacher, non plus de s’en culpabiliser ou de s’en défendre.
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Reconnaissons les difficultés qui tiennent à nous-mêmes, non pas en nous lamentant, encore moins en nous résignant, mais dans un esprit lucide et sobre, avec décision et confiants dans la bienveillance du Seigneur (Ps 39.3-4 et 73.21-28).
Dans le dernier numéro de Servir, nous avons évoqué une série de questions, de difficultés quotidiennes, que tout lecteur de la Bible doit résoudre s’il veut aller de l’avant. Et nous avons terminé en suggérant un examen de conscience au sujet de ces « petits pas préalables » très concrets et combien importants.
APRES LES PREALABLES, LES OUTILS
Dans ce deuxième volet, nous envisageons une série de d’aides pratiques, plus techniques que subjectives. Autrement dit après la question des motivations et des conditions de la lecture de la Bible, se pose celle des outils et des méthodes. Nous nous bornerons ici à traiter des outils.
Nous entendons par outils premièrement la Bible elle-même – pour nous, lecteurs communs, la traduction que nous utilisons – puis deuxièmement les aides auxquelles on peut avoir recours pour une bonne compréhension du texte, et troisièmement les moyens pratiques facilitant un certain repérage dans notre Bible personnelle.
Comme nous l’avons fait dans l’article précédent, nous proposons de procéder à une démarche de questionnement afin de bien mettre en évidence l’intérêt du problème.
Quelle est la version ou traduction de la Bible que j’utilise couramment et pourquoi ?
Est-ce que je comprends bien le français que je lis : son vocabulaire, ses phrases ?
Les faits, les idées, me paraissent-ils clairement exprimés ?
Est-ce que dans ma lecture, je me heurte à des termes, des notions, des faits, des noms qui, en dehors de la compréhension du langage, font appel à des explications ?
En présence des multiples traductions qui s’offrent à mon choix, d’autres questions doivent être posées :
Quelle confiance puis-je accorder à telle version ? Est-ce que la traduction est fidèle aux textes originaux ? Peut-elle être orientée par telle interprétation ?
Mais la question fondamentale est :
Est-ce que je saisis bien le message contenu dans le texte ? Qu’est-ce que j’en comprends personnellement, pour ma foi et ma vie ?
On aura conscience qu’il est question de plusieurs niveaux de compréhension du texte qu’on lit :
1) sa compréhension immédiate,
2) la compréhension de son arrière plan,
3) la compréhension de son contenu.
I. LA BONNE BIBLE
La compréhension simple et directe du langage employé (les mots, les tournures et le style courant) est primordiale. En effet, il serait dommage que des barrières à ce niveau m’empêchent de saisir le message de ce que je lis. Cet aspect du problème est visé dans les trois premières questions suggérées plus haut. Inévitablement se pose aussi la question de la traduction.
Traduire est un art, et lorsqu’il s’agit de textes antiques d’il y a deux à trois mille ans, écrits en des langues « mortes », c’est un art difficile. Car il s’agit de transposer le mieux possible tout ce qui était dit d’une certaine façon en une langue et une manière actuelles bien éloignées de l’ancienne. Le traducteur est donc amené à faire des choix dont l’exposé technique dépasse le but de cet article.
Nous ferons quatre remarques :
a) Le travail de traducteur exige des compétences et du sérieux. Nous pouvons faire crédit de ces qualités aux traducteurs de nos Bibles courantes actuelles.
b) Le nombre et la diversité des versions publiées depuis deux à quatre décennies ne doit pas nous troubler. S’il y a quelques inconvénients, il y a des avantages certains. Côté inconvénients, on craint le risque de dispersion qui peut dérouter le débutant ou la personne attachée à une version qui lui est familière depuis son enfance. Côté avantages nous avons la grande chance, nous les croyants, de pouvoir saisir la richesse du texte biblique à travers les nuances apportées par des versions variées et qu’une seule ne saurait entièrement restituer. Mais en plus, la diversité des traductions met le message biblique à la portée des lecteurs les plus variés, de niveaux linguistiques et culturels différents.
c) Une traduction « littérale » est peut-être formellement exacte, mais n’évite pas les lourdeurs et les obscurités qui peuvent générer confusions et erreurs.
d) Nos langues modernes sont vivantes, les mots ne sont pas figés. La connaissance des langues anciennes n’est pas complète. Certes, le message de la Bible dépasse les temps et les espaces, mais les traductions elles-mêmes ne sont jamais définitives, et toujours perfectibles pour notre plus grand avantage.
Cela dit, voici brièvement quelques repères :
La version « classique » en usage dans les Eglises Evangéliques et chez beaucoup de Protestants fut, pendant longtemps, celle de Louis Segond. Elle est encore largement utilisée et distribuée pour des raisons de facilité. Malgré sa révision qui date du début du 20e siècle, elle contient des archaïsmes peu compréhensibles et son style a pris un coup de vieux. Ses équivalents plus modernes sont :
1) la Bible à la Colombe, éditée en 1978. En réalité il s’agit d’une révision de la version Segond, plus sensible pour l’Ancien Testament que pour le Nouveau. Elle sert de texte à la Bible Thompson.
2) la Bible de Genève éditée en 1975, est une autre révision plus modérée de la version Segond,. Elle sert de texte à la Bible Scoffield.
Dans les milieux protestants et catholiques, on utilise couramment la Traduction Œcuménique de la Bible (T.O.B). Elle est reconnue pour sa lisibilité et sa fiabilité générale. Parue il y a 25 ans, ses quelques inégalités – c’était une œuvre collective – ont été corrigées dans la révision de 1988. De nombreuses traductions du même type existent en plusieurs pays du monde.
Parmi les versions catholiques, nous mentionnons la Bible de Jérusalem publiée il y a plus de quarante ans. Sa qualité littéraire est remarquable par son style soigné et son vocabulaire étendu. Une nouvelle édition revue et corrigée vient de sortir en 1998. Comme toutes les Bibles catholiques elle inclut dans l’Ancien Testament les livres apocryphes. Le nom Eternel (Seigneur dans la T.O.B.) figure sous la forme de Yahvé.
Une version juive connue au-delà des limites du judaïsme est celle du Rabbinat français sous la direction de Zadoc Kahn. Il s’agit bien entendu de l’Ancien – ou Premier – Testament.
Dans la catégorie traduction « littérale », il faut citer la version par J.N.Darby. Elle date de plus de 120 ans. Les éditions récentes ont connu quelques légères retouches. Proche des textes originaux, elle peut être utile pour l’étude de détails. Mais son littéralisme voulu et certaines expressions désuètes n’en facilitent pas la lecture, donc la compréhension.
Dans la catégorie des traductions qui privilégient la clarté de la langue, donc plus une transposition du sens et une adaptation du mouvement de pensée qu’une correspondance aux formes originales, il faut signaler la Bible en Français Courant et la Bible du Semeur. La première convient aux personnes peu ou pas familières avec le langage « religieux » : les enfants, les jeunes, ou toute personne dans un contexte d’évangélisation. Mais on peut la recommander à tout chrétien sensible à une approche rafraîchissante de la lecture de la Bible. La seconde vise des buts semblables, toutefois son vocabulaire est plus étendu et certaines expressions plus traditionnelles sont conservées2.
Alors comment choisir ? Le conseil d’une personne bien informée sera sans doute utile. Il en est de la lecture comme de la dégustation de poisson : trop d’arêtes gâchent le plaisir et cela tourne au rejet. Lisez la Bible que vous aimez parce que ses mots, ses expressions sont proches de vous. Puis, posséder deux Bibles différentes n’est pas un luxe aujourd’hui, l’une pour la lecture courante, l’autre pour la lecture comparée.
II. LES BONNES AIDES
C’est ce qui est visé par la quatrième des questions proposées au début. « Comment pourrai-je comprendre si personne ne m’éclaire », demandait à Philippe l’Ethiopien qui lisait dans le prophète Esaïe (voir Ac 8.31).
Nous avons besoin d’aides pour avancer. Selon leur nature elles contribuent soit à éclairer le cadre (l’arrière-plan, le contexte) du texte, soit à comprendre son contenu (le message).
La Bible n’est pas un livre intemporel, un traité de réflexions religieuses ou philosophiques. La révélation de Dieu, Créateur, Seigneur, Sauveur s’est manifestée par des actions et des paroles concrètes dans le monde des humains en des temps et des lieux déterminés que nous, citadins occidentaux, avons quelque peine à imaginer ou à saisir. Le recours à un minimum d’explications et de repères est donc indispensable si l’on veut éviter de faire des contresens.
C’est le rôle que remplissent déjà les notes en bas de page de la plupart des Bibles. Elles nous éclairent à plusieurs niveaux :
– sur des coutumes, des rites, des faits historiques, des repères géographiques,
– des particularités de mots, de noms,
– des variantes de traduction. Dans cette catégorie se rangent aussi les tableaux et cartes, et (à ne pas hésiter à consulter) le glossaire et les introductions aux livres bibliques.
Enfin une aide particulièrement intéressante est constituée par des notes de renvoi à un ou plusieurs autres passages semblables. Par cet enchaînement de références on découvre alors que souvent « la Bible s’explique par elle-même3 ».
Cependant les informations sur le texte biblique et la documentation autour de la Bible se sont tellement développées qu’elles ont généré une abondante littérature. Certains ouvrages sont des auxiliaires presque indispensables : le Nouvel Index Biblique4, le Dictionnaire Biblique pour tous5, par la suite une Concordance, un Atlas biblique. La Bible Thompson comprend dans ses annexes plusieurs de ces éléments, c’est une petite encyclopédie portative.
III. QUELQUES RECETTES UTILES
Lire la Bible, la feuilleter, consulter les aides permet d’« engranger » beaucoup d’éléments dans votre mémoire visuelle. Pour optimiser et personnaliser cette exploration, soulignez au crayon, développez un code de couleurs et de symboles pour repérer telle expression, telle notion. Ayez à portée de Bible un carnet pour noter un verset à mémoriser, une réflexion, une question à creuser, en les datant.
Avoir choisi de bons « outils » n’est qu’une première étape. Vient ensuite la lecture sous ses multiples facettes. C’est un chapitre important à aborder plus tard. A chacun de se lancer dans la découverte des trésors de la Bible !
D.B
NOTES
1. Article paru en 2 parties dans les N° 1 et 2 année 1999 de la revue « Servir en l’attendant ».
2. Pour en savoir plus, voir A. Kuen, Une Bible et tant de versions, édition Emmaüs.
3. Certaines éditions contiennent des notes particulières qui exposent des questions de sources des textes sous l’angle de la « critique historico-littéraire ». Nous les considérons avec toutes les réserves qui s’imposent. C’est le cas par exemple de la T.O.B. dans son édition complète.
4. Coédition Le Bon Livre – Les Bons Semeurs.
5. Edition Ligue pour la lecture de la Bible.